(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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6ème étage du Martinez. L'escalier en spirale, les ascenseurs, et entre les deux une équipe très sérieuse qui filme, enregistre, prend des photos. Philippe Gildas passe et repasse et re-repasse, décrontracté, amusé.
Ozon, beau mec, le style bcbg, répond aux questions. Le fameux jeu, l'un questionne, l'autre réplique.
Une interview. Principal enjeu pour l'intervieweur, ne pas parler de l'homosexualité. Une sorte de "Jacques a dit". Evitons la facilité.
Donc me voilà assis comme un Michel Denisot (je suis plus beau et plus jeune) face à son invité. je dois meubler. Que demander sur Sitcom. A part faire une séance de psychanalyse, il n'y a rien à dire. Il faut voir. Etrange quand meme que ce jeune homme très chic soit aussi pervers en tant que cinéaste.
Du coup je vais poser les questions qu'un Guillaume Durant aurait posé. Juste pour m'amuser et pour faire "people". Mais promis, rien sur sa sexualité.... |
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Vincent Cyril Thomas: "Donc sitcom va bientôt sortir en salle, il est présenté à Cannes, pour l'instant avez-vous eu des réactions positives ou plutôt négatives sur le film?"
François Ozon : "Plutôt positive, réaction plutôt positive."
VCT : "Vous vous attendiez à ça?"
FO : "Comme il sort le 27 mai, le film avait déjà été vu à Paris par la presse française. Donc, là c'est plutôt la presse étrangère. Et leur réaction est plutôt bonne puisque le film est vendu dans pas mal de pays."
VCT : "D'ou vous vient l'idée de Sitcom?"
FO : "Ca me vient déjà d'un problème économique; nous n'avions pas beaucoup d'argent pour faire le film, donc j'ai décidé de filmer dans un lieu unique, un peu dans les conditions du court-métrage. Et comme je suis dans un lieu unique, autant faire un film sur une famille. Et un film avec une famille dans un lieu unique ça ressemble forcément à un sitcom classique qu'on voit à la télé. Donc, je me suis dit autant partir de cette idée de sitcom classique, essayer d'en faire autre chose et montrer un côté plus transgréssif du sitcom."
VCT : "Parmi les références on peut noter "La vie est un long fleuve tranquille"... on a aussi l'impression de voir le fils sorti d'un Almodovard, y-a t'il d'autres films auquels vous avez penser?"
FO : "Le seul film que j'ai montré à l'équipe avant de tourner, c'est le film de Bunuel "Le charme discret de la bourgeoisie" parce que c'est un film que j'aime beaucoup. Et puis il y a un peu des films de John Waters : Polyester, Serial Mom, tous ces films là."
VCT : "Pourquoi le personnage du père est le plus abjecte, le plus lâche et presque le plus répugnant?"
FO : " Parce que beaucoup de père font comme ça non... ? Enfin je ne sais pas. Non, c'est le seul personnage qui ne s'investit pas du tout émotionnellement au sein de la famille, c'est le personnage toujours extérieur, qui a toujours un proverbe pour chaque situation pour chaque drame. Jamais, il ne veut intervenir réellement, essayer de faire changer les choses.
Donc, forcément par son indifférence, il est effectivement le personnage le plus en retrait."
VCT : "Par rapport à vos précédentes expériences dans le court métrage, quel est la différence en tant que réalisateur pour un long métrage?"
FO : "Il n'y a pas eu beaucoup de différence, puisque le film s'est tourné un peu dans les conditions du court métrage. La seule différence c'était la durée, c'était un peu plus long. Mais, sinon c'est vraiment la même chose, c'est toujours un film."
VCT : "Le scénario a été reçu comment par les financiers?"
FO : "C'est-à-dire qu'on a tourné le film avec très peu d'argent. Donc, j'ai demandé aux producteurs de ne pas chercher de financiers classiques genre le C.N.C. et tout ça. Et qu'on tourne le film très vite, avec le peu d'argent qu'on avait, sans avoir besoin d'aide, sans être obligé de censurer le scénario et sans avoir des gens qui me disent : "Vous n'avez pas le droit de montrer ça, changer le scénario!" et que ça prenne un temps fou. Je voulais tourner très vite."
VCT : "Comment s'est passé le tournage exactement? Un fois le script finit, vous avez tourné quand?"
FO : "J'ai écris en quinze jours, on a tourné environ un mois après et le tournage a duré un mois. C'est assez court."
VCT : "Le choix des acteurs?"
FO : "La plupart des jeunes sont des comédiens avec qui j'ai travaillé sur les courts métrages. Pour les adultes : Evelyne Dandry, je l'avais vue au théâtre, elle avait déjà joué la mère d'Adrien DeVan dans Harold et Maud. Donc, on s'était rencontré à ce moment là."
VCT : "Comment vous définiriez votre film, c'est une comédie?"
FO : "C'est une comédie familiale un peu spéciale."
VCT : "Pourquoi le sexe est aussi présent dans ce film?"
FO : "Parce qu'il me semble que le sexe est présent dans toutes les familles. Simplement, il est caché. Et justement l'idée du film est de faire remonter tout ce qui est caché, tout ce qui est latent."
VCT : "Là ils cumulent les tabous..."
FO : "Eh bien, oui. Mais bon, j'invente rien. Tragédie grecque: Oedipe, il tue son père, il couche avec sa mère, ça n'a rien d'extraordinaire.. Il faut voir comme un film."
VCT : "Parlons de sujet, en ce moment à Cannes, il y a beaucoup de films sur la sexualité, sur la famille aussi, toute section confondue la sexualité est très présente. Et notamment tout ce qui est pédophilie, inceste, ...."
FO : "C'est pour ça qui faut aller voir mon film comme ça il verront un peu de tout (rires)"
VCT : "D'où ça vient selon vous?"
FO : "C'était la logique de l'histoire, à partir du moment où tout le côté inconscient remonte, autant mettre tous les trucs, tous les tabous, tous ce qu'il y a dans une famille de sous-jascent."
VCT : "Avez-vous vécu ça?"
FO : "Non, je n'ai pas couché avec ma mère, je n'ai pas tué mon père non plus. Enfin c'est un meurtre multiple, un meurtre à plusieurs."
VCT : "Pourquoi le rat?"
FO : "Parce que c'est un animal dont j'ai horreur. Donc, c'est un exorcisme, de tourner avec un rat. Et puisque parce que le rat habituellement est vraiment l'animal type du cobaye de l'être humain pour les expériences scientifiques. Donc, ça m'amusait d'inverser la situation et que les être humains deviennent le cobaye du rat."
VCT: "Qu'est-ce qu'il symbolise?"
FO : "Qu'est-ce que le rat symbolise? C'est un personnage assez actif, c'est le révélateur de tous les personnages. D'une certaine manière, il représente l'inconscient des personnages. Chaque fois que les personnages le touchent, ils se révèlent à eux-mêmes et les choses camouflées en eux se dévoilent."
VCT : "Question facile, après les projections de Sitcom, ressentez-vous une notoriété un peu plus grande?"
FO : "Forcément, dès qu'on passe du court au long, le long est beaucoup plus médiatisé que le court métrage. Le court métrage, c'est vraiment pour un petit milieu."
VCT : "Par rapport, justement aux médias, est-ce que vous n'avez pas peur de voir des critiques assez violentes?"
FO : "Ca fait parti du jeu, il y en a eu déjà dès aujourd'hui."
VCT : "Vous venez à Cannes, vous allez voir des films?"
FO : "Je n’ai pas eu le temps, pour l'instant...J'ai tellement de travail.
J'aimerais bien être en touriste en fait. Mais, là ce n'est pas le cas."
VCT : "Ce n'est pas la première fois que vous venez à Cannes?"
FO : "J'étais venu avec "Une robe d'été", un court métrage, il y a deux ans."
VCT : "La soirée Sitcom avait lieu hier sur la plage, est-ce que c'était la première soirée que vous faisiez à Cannes?"
FO : "Oui."
VCT : "Quelle impression vous avez eu?"
FO : "C'était sympathique."
VCT : "Vous vous imaginiez quoi?"
FO : "J'imaginais rien du tout. Il y a un moment où les choses ne nous appartiennent plus vraiment il y a tellement de monde que c'était la soirée du film plus que ma soirée."
VCT : "Les comédiens, comment-ils ont accepter de faire ces personnages aussi excentriques?"
FO : "Sans problème. Ça les intéressait. Pour un comédien, le mieux c'est d'avoir plein de choses à faire et donc plein de choses à défendre. Donc, là comme il y a plusieurs facettes aux personnages, c'était vraiment intéressant pour eux. Et Evelyne Dandry, par exemple, elle m'avait dis quelle était prête à refaire tous ce que je voulais à une seule condition: il ne fallait pas que je la filme nue. Il n’y a personne de nu, il y a juste un sexe en érection."
VCT : "C'est assez culotté comme scène!?"
FO : "Oui, c'est montré sans culpabilité, de manière assez naturelle. On voit dans la vie de tous les jours des sexes en érection. Ce sont des choses qu'on n'a pas l'habitude de voir sur un écran ailleurs que dans un film porno."
VCT : "Pourquoi Sitcom comme titre pour un film aussi peu Sitcom?"
FO : "Parce que c'est le point de départ du film. C'est prendre les règles du Sitcom, être dans un lieu unique, avec peu de moyens, être vraiment dans l'esprit du Sitcom au départ. Mais, après, aller vers autre chose."
VCT : "Et cette scène de session de groupe, on va dire par petites annonces, pourquoi l'avoir conclue par un twist à la fin plutôt que d'aller jusqu'au bout?"
FO : "On ne sait pas éxactement. Qui sait? vous n'étiez pas dans la pièce, peut-être qu'il s'est passé des choses? Surtout qu'ils sont à moitié dénudés.
La seule chose qu'on voit correspond un peu à la frustration de la mère surtout. Elle est toujours frustrée, elle a toujours envie de savoir ce qui se passe, mais la pauvre elle arrive toujours trop tard. Peut-être qu'il y avait une partouze avant en fait on ne sait pas."
VCT : "Le psy n'aide absolument pas la mère, il ne lui répond pas..."
FO : "Un psy c'est là pour écouter, la mère s'aide un peu toute seule."
VCT : "Et pourquoi justement a-t-elle une relation d'inceste avec son fils, c'est vraiment pour le guérir?"
FO : "C'est toujours l'idée de départ, l'idée c'est que chaque fois que les personnages touchent le rat, quelques chose d'eux-mêmes qui est enfouit se produit. Je pense qu'une mère qui apprend que son fils est homosexuel peut avoir l'idée de se dire mon fils est amoureux de moi, c'est pour ça qu'il ne va pas vers d'autres femmes et peut-être que si je fais l'amour avec lui, ça va résoudre ces problèmes.
C'est un peu une suite logique."
Bon finalement, l'ultime question aura quand même abordé l'homosexualité. Un mauvais point pour l'interviewer. Résumé des courses: Ozon a une drôle de vision de la famille et de la société.
Qu'on se rassure les étrangers présents (un caméraman, un perchiste, un photographe et l'interviewer) n'ont pas acheté de rats depuis. On pense juste à cet extrait d'Assassin(s) de Kassovitz, où la sitcom débile finissait en film porno-gore.
Ozon s'en est allé sous d'autres cieux : autres interviews à dire la même chose, autres conférences de presse à écouter les mêmes questions...
Interview Vincy, enregistrement et photos Chris, retranscription Bertrand (c'est du travail d'équipe, hein ?!).
vincy
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