LA COLLABORATION KUBRICK-SPIELBERG
Stanley Kubrick vivait reclus en Grande Bretagne, mais conversait souvent
avec d'autres cinéastes américains pour échanger des
points de vue, des idées. A.I. était devenu une obsession
pour Kubrick. Très tôt dans les années 80, il associe
Spielberg au projet, notamment à la phase d'écriture. Kubrick
bloque sur certains aspects du scénario. L'idée que Kubrick
produise et Spielberg réalise fait son chemin. Le cinéaste de
2001 l'Odyssée de l'espace voulait aussi attendre que les
technologies numériques, les effets spéciaux atteignent un
certain degré de maturité pour que le film soit
réussi. La collaboration semble logique : d'un côté les
thèmes de Kubrick, l'existentialisme de 2001, la science-fiction et
son mysticisme. De l'autre, l'enfant, les sentiments, l'humanisme de
Spielberg dans Rencontre du Troisième type et E.T.. Lorsque Kubrick
achète les droits de la nouvelle (d'abord publiée dans
Harper's bazaar puis éditée en Anthologie), Spielberg tourne
en Angleterre le premier épisode d'Indiana Jones. Leur amitié
date de là. Ils se sont vus une douzaine de fois en 20 ans. Pour
Kubrick, il était évident que le film portait ses angoisses,
sa vision du monde. Mais qu'il s'agissait d'une histoire dont la
sensibilité était plus proche de l'univers de Spielberg. Si
A.I. avait pu se faire, comme prévu, avant Eyes Wide Shut, sans
doute Kubrick l'aurait dirigé lui même. Mais ni le script, ni
la technologie ne lui permettait d'espérer obtenir le
perfectionnisme désiré. Quand Spielberg a commencé
à collaborer avec lui, Chris Baker avait dessiné des milliers
de scènes sous forme de storyboard. Kubrick avait exigé de
Spielberg une extrême confidentialité, sous peine de rompre
toute relation avec le réalisateur californien. Les autres raisons
qui amenèrent Kubrick à choisir Spielberg sont simple : il
savait diriger des enfants, il tenait très bien ses délais de
production, son talent été apprécié, il
maîtrisait les effets spéciaux... Ce dernier point est
primordial : en voyant Jurassic Park en 93, Kubrick comprend que A.I. est
faisable et que Spielberg est le meilleur réalisateur pour ce
projet. Cela donnait à Spielberg un gage moral pour réaliser
le film après la mort de Stanley. Par ailleurs, c'est bien Spielberg
qui rendra hommage à Kubrick aux Oscars.
Pastiche de l'affiche de A.I. (C) Bertrand Santini