Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Paris, juin 2006. Rencontre exclusive à l’hôtel Georges V à l’occasion du nouveau film d’animation Dreamworks, Nos voisins les hommes. Parmi les invités: Bruce Willis, immense star du cinéma d’action (Die Hard, Pulp Fiction, L’armée des 12 singes), Jeffrey Katzenberg, l’un des trois fondateurs de Dreamworks SKG, producteur et responsable de la partie animation, et enfin Karey Kirkpatrick, réalisateur et scénariste de films d’animation (Chicken Run, James et la pêche géante). La tension est à son maximum, j’entre dans la pièce réservée aux interviews et me retrouve en un instant face à face avec eux. Katzenberg et Kirckpatrick sont confortablement installés dans leur canapé, Bruce Willis est étalé sur son fauteuil, plus relax que jamais. Durant toute l’interview, l’acteur gardera une figure sérieuse et impénétrable des plus impressionnantes.
Ecran Noir: Avec Nos voisins les hommes, on retrouve certains éléments déjà présents au travers de vos films, ceci depuis Disney: de l’humour, des chansons, des références cinés (Shrek 2)… Comment définiriez vous votre style? A quoi reconnaît-on un film de Jeffrey Katzenberg ?





Jeffrey Katzenberg: Je pense que Dreamworks conviendrait mieux que Jeffrey Katzenberg. Et à mon avis la réponse est la suivante: chez Disney, je ne faisais que reprendre le design de Walt Disney pour les films d’animation. Il avait d’ailleurs une formidable expression: "je fais des films pour les enfants, et pour l’enfant qui est en chacun de nous". En me lançant dans l’animation avec Dreamworks, je voulais atteindre quelque chose qui soit à la fois unique et différent, quelque chose qui nous appartiendrait. Il nous a fallu pas mal d’expérimentations pour y arriver, pas mal d’années, 6 ou 8 ans, avant que Shrek ne débarque. Je pense que c’est ce film qui nous a vraiment aidé à découvrir ce qui définissait un film d’animation Dreamworks. Nos films sont tous classés PG (enfants accompagnés) et pas G (tout public), ils sont fait aussi bien pour les adultes que pour les enfants, dès lors il s’agit d’un public plus difficile, plus ambitieux. Nos films sont donc plus sophistiqués, les personnages sont plus complexes. Il y a un petit côté irrévérencieux, subversif. Nous faisons appel à des acteurs reconnus, des comédiens comme des stars. Il s’agit d’un peu tout ça, je pense que nous sommes toujours en train de découvrir ce que signifie un film d’animation Dreamworks.

EN: Les rôles ont été enregistrés séparément, ce n’était pas frustrant pour vous de jouer sans aucun repères ? Disposiez vous de certains éléments, y avait t-il quelqu’un pour vous diriger ou étiez vous entièrement libre ?

Bruce Willis: C’était vraiment la merde (rires). Assez difficile, j’ai l’habitude de travailler avec d’autres acteurs, avec des accessoires ou story-boards… Ici la structure de l’histoire reste la même, mais ça m’a pris six fois plus de temps qu’un film live. Mais grâce à ça, le fait d’avoir autant de temps pour travailler, ça m’a permis d’être continuellement plus drôle, de rentrer bien plus dans la peau du personnage. Ce temps m’a aussi servi à improviser, venir avec mes propres idées, les intégrer dans les dialogues et dans les scènes. Mais ça a été un processus difficile, je n’aurais jamais pu le faire tout seul, je me suis complètement accroché à Karey et Tim Johnson. Ils me ramenaient sans cesse au personnage.

EN: Etre réalisateur sur un film d’animation, ça consiste en quoi? De quel manière avez-vous travaillez avec votre co-réalisateur?

Karey Kirkpatrick: Travailler avec le co-réalisateur, c’est une véritable association. C’est presque comme un mirage, il y a une équipe de 350 personnes, c’est un processus en 4 ans. Quelques fois il s’agit juste de deux personnes placés dans deux endroits différents, mais la plupart du temps, vous comptez beaucoup sur l’autre. Vous êtes continuellement en train de vous aider l’un l’autre à attraper des choses que votre partenaire n’a pas saisi. Et mon travail, principalement, consiste à vérifier que dans un temps imparti, tout le monde raconte la même histoire, que tout le monde crée cette même vision que vous avez dans la tête, et que tout le monde écrit des blagues dans un ton proche de celui que vous souhaitez. Donc dans cette perspective, ce n’est pas très différent d’un film live, ça retombe juste entre les mains de personnes différentes.

EN: On assiste en France à une soudaine reconnaissance de l’animation japonaise, avec les œuvres de Miyasaki qui ne cessent de ressortir au cinéma (Nausicaä en août), mais aussi à l’émergence d’une animation nationale, je pense à Kirikou pour la 2D, et Renaissance pour la 3D. Quel regard portez vous sur l’animation française et japonaise? L’animation américaine est elle en concurrence avec ces différents types d’animation?

JK: Eh bien je pense qu’il y a un travail phénoménal qui se fait un peu partout, dans de nombreux endroits, et il y a une énorme influence que nous avons tous les uns sur les autres. Vous savez la meilleure chose à propos de l’animation, c’est qu’il s’agit avant tout d’un travail visuel, dès lors nous ne parlons qu’un langage. Miyasaki est une grande source d’inspiration pour nous. Beaucoup de nos artistes viennent de France. Je dirais qu’à peu près un tiers des onze mille personnes qui travaillent à Dreamworks proviennent de pays différents, et qu’un tiers de ces gens nous viennent de France. Les écoles de cinéma de ce pays ont ainsi produits parmi les meilleurs talents d’animation au monde. Kristof Serrand, notre animateur superviseur pour Nos voisins les hommes, a passé la plupart de sa vie en France. Il est venu dans nos studios aux Etats-Unis, et là il est de retour en France.

EN: Le film porte un regard satirique sur notre société, notre façon de vivre. La critique du consumérisme faisait déjà partie intégrante de la BD original, c’est un des éléments qui vous a poussé à faire le film? C’est une vision que vous partagez tous?

KK : Je pense que ce qui nous a donné envie de faire le film c’était une manière pour nous d’être drôle, et la meilleure façon de l’être, c’est à travers la satire. Ca m’étonnerait qu’un seul d’entre nous ait été intéressé dans l’idée de faire passer un message, alors que nous étions plutôt intéressé dans la manière d’exploiter cette partie absurde de notre comportement consumériste et ainsi, la rendre amusante.

KJ : Donc on l’a exagéré, le consumérisme à son extrémité est ridicule, mais ce que nous faisons pas c’est insinuer quelque commentaire en disant "le fast food n’est pas bon pour vous", ce n’est pas notre ambition. Personnellement ça m’arrive de déguster un Bic Mac avec des frites, etc. Je n’en mange pas tous les jours, trois fois par jour, ça ne serait probablement pas très malin, mais ce que nous disons, et ce que le film dit c’est qu’avec modération, ça va. Mais du point de vue des animaux, et dans la façon extrême dont on s’en est servi dans le film, ça ressemble à tout sauf à de la modération.

KK: Il y a une réplique d’un personnage dans le film qui dit: "tout ce que mange un enfant est forcément bon pour vous". Et c’est juste le point de vue satirique d’un animal totalement innocent, qui ne sait rien de la valeur nutritionnel de cette nourriture.

BW: C’est vrai.

KK: C’est ce qu’ils doivent penser en nous observant, et on sait que le contraire est vrai, parce que la plupart de ces trucs ont vraiment bon goût. Mais ce n’est probablement pas très bien pour vous, on ne devrait pas en manger tous les jours, le but du film se situe plutôt là.

JK: Mais comme vous pouvez le voir, nous ne sommes pas particulièrement obèse, et plutôt modeste dans notre alimentation.

BW: Par contre, si vous enlevez cette partie du film, on aurait du introduire autre chose à la place pour rendre le film aussi drôle qu’il l’est actuellement. Donc plutôt que d’en faire un message, c’était d’avantage un outil qui nous a permis d’être drôle, de faire rire le public.

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