Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Paris, janvier 2007. A l’occasion de la sortie de son nouveau film, Par Effraction, Anthony Minghella revient avec moi sur la création de son film ainsi que sur certains choix de carrière. Installé dans un hôtel, près de l’espace Pierre Cardin, le réalisateur du Patient Anglais m’accueille un sourire aux lèvres. Au cours de l’entretien, il répondra de manière posée et réfléchie à mes questions tout en en gardant son crayon aux bouts des doigts, le temps de gribouiller sur son carnet quelques dessins.
Ecran Noir : Votre film s’intéresse au statut des immigrés, mais on remarque qu’il aurait tout aussi bien pu se dérouler en France, au niveau des classes sociales, de la pauvreté. Votre vision dépassait-elle le simple cadre national ?





Anthony Minghella : La première fois que je suis venu à Londres, c’était au début des années 80, j’étais à l’époque un jeune écrivain. Je voulais écrire des pièces de théâtre mais j’étais fauché, et un ami m’hébergeait, je dormais sur son divan. Il y avait une femme de ménage qui venait une fois par semaine, et moi j’écrivais pendant qu’elle venait nettoyer. Je voyais bien qu’elle n’était pas d’origine anglaise et un jour je lui ai demandé d’où elle venait, et elle m’a expliqué qu‘elle venait d’Argentine, de Buenos Aires, et que dans son pays c’était une analyste financière alors qu’à Londres, eh bien elle faisait le ménage. Moi je venais d’une culture extrêmement monochrome où on savait finalement qui on était et d’où on venait par rapport à ce que l’on faisait ou par rapport à son look, à son allure. Et c’est à ce moment là, à partir de cette rencontre finalement qui a été formatrice que j’ai commencé à grandir. Et cela continu, que ce soit à Londres ou dans les autres villes où je me trouve.

EN : Avec ce film, vous retrouvez Juliette Binoche ainsi que Jude Law. Ce sont des acteurs que vous affectionnez ? D’où vous vient cet envie de retravaillez avec eux ?

AM : Lorsqu’on me pose cette question, évidemment elle est inévitable, j’ai envie de répondre par l’opposé : mais pourquoi pas ? Car je me sens extrêmement chanceux de travailler avec des acteurs tels que Juliette et Jude. C’est plus un privilège que quelque chose qui me pénalise. Pour moi ce sont non seulement deux des plus grands acteurs contemporains, mais aussi humainement parlant ce sont des êtres humains extraordinaires. Travailler avec eux pour moi c’est une aventure où l’ego n’existe plus, c’est l’aventure du travail lui-même. Et je pourrais travailler avec eux à nouveau ainsi d’ailleurs qu’avec de nombreux autres acteurs de ce film.

EN : On ressent une certaine tristesse qui accompagne tout le film, avez-vous aujourd’hui une vision pessimiste du couple ?

AM : Pas du tout, je suis un éternel optimiste. En Angleterre je suis même critiqué pour mon optimisme car la sagesse dominante là bas, c’est d’être dans le nihilisme et dans le cynisme, voilà ce qui constitue leur message. Pour eux, arriver à trouver une solution qui soit dans la réconciliation, qui soit dans le bonheur, c’est une sorte de distorsion absurde de la vérité et moi je trouve ça complètement faux. Je ne suis pas d’accord, car pour moi, si la fiction n’amène pas sur la voix de la conciliation et de la réconciliation, alors à quoi sert à la fiction ?

EN : S’agit t-il d’un film personnel pour vous, au niveau des thèmes abordés, de situations vécues?

AM : Si vous parlez de similitudes, oui j’ai été un adolescent qui a été viré de l’école parque je faisais l’école buissonnière. Et puis c’est vrai que je suis née d’une mère immigrée, donc de ce point de vue là, oui. Mais je crois surtout que chaque ligne que l’on écrit est nue et dépourvue d’histoire. A chaque fois c’est une révélation.

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