(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Pour son portrait, et malgré sa résistance à s’épancher, Françoise Fabian a accepté d’égrener pour Ecran Noir quelques souvenirs de son cinéma. Voici les bribes d’une conversation subjective avec, entre les lignes, le talent qui rivalise avec la pudeur. |
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EN : La lettre de Manuel de Oliveira et Benvenuta d’André Delvaux
FF : Les plans fixes de Manoel de Oliveira sont habités comme des tableaux hollandais. Avec lui, le moindre détail à l’arrière-plan doit être précis au même titre que l’encadrement de l’ensemble. Le résultat est véritablement artistique. Même si La lettre n’est pas un de mes films préférés d’Oliveira, sa trame est formidable car elle montre une aristocratie qui se dégrade, qui dégringole. Seul, mon rôle de la Duchesse de Chartres, garde une espèce de hauteur. Mes dialogues sont issus mot pour mot de La princesse de Clèves de Madame Lafayette. Je crois qu’au final, Olivera était content de moi...
J’ai connu cette même qualité artistique, cette même exigence dans Benvenuta d’André Delvaux. On ne parle pas assez de ce film parce qu’il est dur et sévère. Pourtant, chaque plan est significatif. Tout y est pensé, créé, soigné : les fleurs, les peintures, la musique… Tout y est “en vie”.
EN : L’idéal partenaire : Maurice Ronet
FF : Maurice m’a toujours beaucoup touchée. Il est inscrit dans ma mémoire et dans ma vie depuis fort longtemps. J’ai été mariée avec Jacques Becker qui a fait tourner Maurice pour la première fois. J’ai beaucoup travaillé avec lui. Notamment, dans certains numéros de l’émission télévisée Dim Dam Dom. Lorsque Nina Companez et Michel Deville nous ont rassemblés dans Raphaël ou Le Débauché, nous étions ravis.
Maurice était difficile à cerner, comme en fuite de lui-même. C’est pour cela qu’il est si formidable dans ce rôle de Raphaël. Il y avait une blessure constante chez Maurice, mais il aimait aussi beaucoup s’amuser. Quand, sur le tournage, je prenais un accent peignoir qui contrastait singulièrement avec les perles et les dentelles évanescentes de mon personnage d’Aurore, il était mort de rire !
EN : Marcello Mastroiannni, autre idéal partenaire
FF : Je n’ai jamais trouvé Marcello Mastroianni particulièrement beau, mais son charme était immense. C’était vraiment le charme d’un Napolitain ! Il était tellement vivant, tellement généreux, avec un sens de la dérision inoui au regard du métier et du travail d’acteur. C’était un jeu, évidemment. Comme il sortait beaucoup le soir, il dormait entre chaque plan. Même lorsqu’il se faisait maquiller, il s’endormait. Et pourtant, à chaque prise, il savait son texte au rasoir. Un détachement incroyable !
Nous avons tourné ensemble Salut l’artiste d’Yves Robert avec Jean Rochefort que j’adore. J’ai retrouvé Marcello dans Vertiges de Mauro Bolognini. Nous avons joué ce film avec des aliénés dans un asile. Une expérience très troublante, éprouvante, comique aussi parfois. Le soir, pour décompresser, nous sortions et nous allions faire la fête !
EN : sans oublier Bozu. Marcel Bozzuffi
FF : Bozu était le John Garfield français. La Fox lui a d’ailleurs proposé un contrat à Hollywood qu’il a refusé.
Avec mon premier mari Jacques Becker, nous avions des projets de tournage qui n’ont pu voir le jour car, hélas, il a disparu avant.
Avec mon second époux, nous avons tourné L’Américain qu’il a écrit et réalisé. Pour la télévision, Le mandarin où nous étions frère et soeur et aussi Bon anniversaire Juliette où là, nous étions mari et femme !
Bozu, je l’ai rencontré sur le tournage de Maigret voit rouge de Gilles Grangier. Nous tournions chacun séparément des petites scènes de nuit. L’attente nous a rapprochés. À la fin des prises, vers cinq heures du matin, je l’ai emmené chez moi pour le petit-déjeuner. Je voulais cet homme-là. Je le voulais et c’est moi qui l’ai eu ! (rires) Il me disait qu’en amour, ce sont les femmes qui choisissent. Pourtant, il ne voulait pas s‘engager. À ce titre, il me représentait comme un danger. Il avait la trouille. Marcel était un vrai chat… J’ai vécu un grand amour partagé, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
benoît
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