Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



Karim Aïnouz
Toni Servillo
Félix Dufour-Laperrière
Jayro Bustamente
Gilles Perret
Hélène Giraud
Ryusuke Hamaguchi
Rohena Gera







 (c) Ecran Noir 96 - 24





Pour son portrait, et malgré sa résistance à s’épancher, Françoise Fabian a accepté d’égrener pour Ecran Noir quelques souvenirs de son cinéma. Voici les bribes d’une conversation subjective avec, entre les lignes, le talent qui rivalise avec la pudeur.


EN : 3 places pour le 26 de Jacques Demy
Jacques Demy m’a proposé le rôle la fée de Peau d’âne, mais je m’étais déjà engagée dans un autre film. Je l’ai bien sûr beaucoup regretté… Lorsque Jacques m’a proposé le rôle de Mylène, l’ancien amour du héros joué par Montand, il m’a dit : "- Ce n’est pas le rôle de ta vie..." Je lui ai répondu : "- Même si je n’ai pas lu ton scénario, j’accepte pour le bonheur de travailler avec toi." Il a alors insisté pour venir chez moi. Peu de temps plus tard, il est venu avec toutes les maquettes des décors du film, tous les dessins, toutes les partitions. Il m’a expliquée chaque chorégraphie avec minutie. Nous avons passé un après-midi merveilleux. Avec les véritables créateurs, vous ne perdez jamais votre temps...

EN : Faubourg Saint Martin de Jean-Claude Guiguet
FF : Jean-Claude Guiguet était un grand ami. Il était un intellectuel de coeur, de charme. Pas du tout un pédant. Il adorait le cinéma, et aimait tant ses comédiens. Nous passions notre vie dans les salles obscures. Parfois, il nous arrivait d’aller voir trois films dans la même journée ! Je ne réalise pas qu’il ne soit plus là. Je devais faire son prochain film, mais voilà, il est parti brutalement...
Je devais incarner l’héroïne de son film Le mirage. Comme le film a mis près de dix ans pour voir le jour, j’ai décliné le rôle principal car je n’avais plus le bon âge pour l'interpréter. Le personnage de La Marquise dans Faubourg Saint-Martin est une pure créature de l’univers de Jean-Claude Guiguet.

EN : Belle de jour de Luis Bunuel
FF : Luis Bunuel est le seul metteur en scène que j’ai sollicité. Je ne sais pas aller audevant des réalisateurs. Je le regrette, mais j’aurais trop peur d’être assimilée à une groupie, de passer de la brosse à reluire à mauvais escient. Pour Bunuel, j’ai vaincu ma timidité parce que je savais qu’il ne penserait à moi dans son univers. Quand je l’ai rencontré, je lui ai dit : "- Je ferai ce que vous voudrez !" Il a ri et m’a donné le rôle Charlotte, la prostituée qui va au bordel comme on va à l’usine. Comme Hitchcock, les scénarios de Bunuel étaient écrits au plan près. Ses films étaient finalisés dès leur écriture. Sur le tournage, c’était la première fois que je voyais un metteur en scène aller au combo pendant les prises. Ce n’était pas fréquent à l’époque. Bunuel nous donnait nos emplacements sans aucune indication de jeu, puis disparaissait derrière l’écran de contrôle. J’étais un peu frustrée. Mais, en parallèle, j’étais éperdue de gratitude à son égard. Il me fascinait, m’envoûtait littéralement !

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