(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Extrêmement connu en Allemagne, Jürgen Vogel est un acteur touche à tout. Chanteur d'un groupe en tournée dans Keine Lieder über Liebe ou amoureux en phase terminale dans Le bonheur d'Emma, il ne se laisse enfermer dans aucun rôle. Avec Le libre arbitre, il explore toutefois une facette plus sombre de sa personnalité en incarnant un violeur récidiviste qui tente d'échapper à ses pulsions. Coscénariste du film réalisé par son ami Matthias Glasner, il a pris très à cœur la fonction pédagogique de cette histoire qui, espère-t-il, devrait faire réfléchir le public sur la nécessité de soigner et d'encadrer les criminels sexuels. |
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Ecran Noir : Comment êtes-vous arrivé sur le projet du Libre arbitre ?
Jürgen Vogel : Matthias [Glasner, le réalisateur] et moi sommes amis depuis des années. Nous avons une maison de production ensemble, Schwarzweiss Films, qui a produit Le libre arbitre. Il m'a raconté son idée de scénario. C'était six ans avant que nous commencions à tourner. Pendant trois ans, nous avons fait des recherches sur les thématiques qu'aborderait le film. Ensuite, l'écriture du scénario a encore pris trois ans. Matthias écrivait et nous parlions ensemble de mon personnage. Nous l'avons construit ensemble, c'est pourquoi je suis crédité comme coscénariste, mais en fait je n'ai rien écrit.
EN : Vous vouliez dès le départ interpréter ce personnage de violeur. Pourquoi ?
JV : On n'a jamais vu un film comme ça en Allemagne. Ca nous a donné le sentiment que c'était peut-être une bonne idée de réaliser ce film. Tout le monde est intéressé par ce genre d'histoire, c'est sytématique. On lit les articles de faits divers dans les journaux et puis on les oublie. On ne sait rien des gens qui commettent ce genre de choses. Or nous voulions en parler car nous pensons que c'est important de savoir. Peut-être que ça peut aider d'en apprendre plus sur une de ces personnes. Ca peut nous faire réfléchir sur ce qu'il est possible de changer. Car si on ne sait rien, on ne peut rien changer. On ne peut pas appréhender ces individus, ils restent toujours comme des êtres étrangers, inaccessibles. Des monstres.
EN : C'est trop facile de juste penser que ce sont des monstres ?
JV : Je pense que ce sont des monstres, mais aussi des êtres humains. Il faut l'accepter. Cela ne signifie pas que ce sont des gens sympas, mais juste qu'ils sont humains, c'est-à-dire comme nous. Je crois que lorsqu'on voit ce film, on a ensuite une vision différente des faits divers violents dans le journal, parce que cela nous donne l'énergie de réagir et de chercher des solutions. Si l'on se contente de lire, on devient une partie du problème. Maintenant, à Berlin, nous avons une clinique où les gens peuvent venir se faire soigner, par exemple s'ils sentent qu'ils ont des tendances pédophiles et qu'ils s'apprêtent à passer à l'acte. C'est la première clinique allemande à avoir un tel programme. Une structure comme celle-là est importante. Les gens peuvent s'y rendre et être aidés par une thérapie avant même d'avoir fait quelque chose de mal. On leur donne une chance de gérer leurs pulsions. Parce que nous ne sommes pas aux Etats-Unis.
En : Ici en France, le gouvernement tente de faire passer une loi permettant de garder les criminels sexuels enfermés à vie ou du moins tant que l'on n'est pas dûr qu'ils ne recommenceront pas…
JV : Bien sûr qu'ils recommenceront ! Tant que personne ne les aide… C'est une maladie, il faut la soigner ! Sinon, c'est sûr, ils recommenceront. Et même si on les soigne, ils peuvent recommencer quand même. En Allemagne, nous avons ce centre qui est à la fois une prison et une clinique. Les criminels ne peuvent sortir que si des experts médicaux et des spécialistes leur en donnent l'autorisation. Peu importe la peine à laquelle ils ont été condamnés. Et à force de thérapies, de traitements, de discussions, ils finissent par admettre qu'ils sont coupables, ce qui est le point essentiel. Car lorsqu'on se sent coupable, on peut avancer et travailler sur soi-même.
EN : Mais peut-on vraiment être sûr que quelqu'un ne récidivera pas ?
Jv : Non, bien sûr. Mais c'est la seule solution pour résoudre le problème. Nous n'avons pas le choix. Si on ne veut pas choisir la solution américaine, il faut choisir la solution allemande. On ne peut jamais être sûr à 100%, mais on contrôle mieux la situation. Depuis vingt ans, c'est la même chose, on a une vingtaine de crimes sexuels par an en Allemagne. Ca ne bouge pas. Et c'est mieux quand on ne met pas les coupables dans une prison "normale" parce qu'ils n'y reçoivent aucun soin ni aide psychologique. Et les gens disent : "la prison normale est meilleure pour eux, ces centres médicalisés, avec aide psychologique et télévision, ce sont comme des vacances…" Sauf que dans une prison normale, ils sortent au bout de cinq ou dix ans, sans avoir changé.
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