Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



Karim Aïnouz
Toni Servillo
Félix Dufour-Laperrière
Jayro Bustamente
Gilles Perret
Hélène Giraud
Ryusuke Hamaguchi
Rohena Gera







 (c) Ecran Noir 96 - 24



Firmine Richard n’occupe pas l’espace, elle le remplit de sa présence, le dévore comme le sourire qui illumine son visage. C'est une star qui s'ignore. La plus populaire des actrices françaises black joue la comédie depuis vingt ans. Théâtre, télévision et cinéma ponctuent un parcours escarpé et courageux au sein d’une industrie de divertissement dirigée, donc pensée par des blancs.
Dans La première étoile de Lucien Jean-Baptiste, l’actrice tient le premier rôle. Affublée d’une perruque à bouclettes et d’un anorak grossissant, elle campe une Bonne Maman qui pour le moins décoiffe. Nous nous sommes rencontrés un jour de grand soleil dans une brasserie populaire du XXe arrondissement de Paris. Elle est arrivée avec des sacs dans les mains. En un rien de temps, elle a occupé toute une banquette de l’établissement à elle seule. Les sacs semblaient se multiplier. Son téléphone rose ne cessait de sonner.
Malgré cela, « La Richard » reprenait sans aucun mal le fil de la conversation. Avec l’autorité instinctive d’une patronne, mais aussi la sensibilité à fleur de peau d’une interprète…

photos : fabien lemaire



Michel Jonasz, propriétaire du chalet, joue les grands-pères par procuration…
FR : Tout à fait. C’est un très beau personnage. Avec Bernadette Lafont, ils incarnent un couple qui ne voit pas leurs petits-enfants. En face de chez eux, débarquent des enfants qui n’ont pas de grands-parents…

C’est très juste car vous êtes, au sens étymologique du terme, une Bonne Maman. C’est-à-dire une Mamie qui est obligée de devenir une mère. Par obligation mais aussi par bonté, elle va s’occuper de toute la tribu puisque la mère (Anne Consigny) a décidé de ne pas les suivre. Quant au père (Lucien Jean-Baptiste), il est presque le fils de son propre fils aîné (Jimmy Woha-Woha), un adolescent très responsable. En plus, vous vous révélez être une vraie cascadeuse sur vos skis !
FR : Rémy Julienne, gare à la concurrence ! (rires) J’ai eu la chance d’avoir une vie avant le cinéma. Après les PTT, j’ai travaillé à la RATP où je me suis retrouvée monitrice de camps de neige. Si bien qu’aujourd’hui, je peux assurer toutes mes cascades sans doublure ! (rires)

Comment rencontrez-vous Coline Serreau pour le rôle de Juliette dans Romuald et Juliette (1989) ? FR : J’aime à dire que j’étais là au bon moment.

Comme dans la magie d’un conte de fées ?
FR : J’accepte le terme. Je ne crois pas au hasard. C’était écrit comme cela. Dans le milieu du cinéma, tellement de comédiennes attendaient de décrocher ce si beau rôle…

Ce film, à chaque fois qu’il repasse à la télévision, fait grimper l’audimat. Ce qui frappe le plus encore aujourd’hui à sa vision, c’est votre sensualité de déesse. Le regard que pose Auteuil sur votre corps dénudé à peine recouvert d’un drap blanc, contamine le spectateur. Nous tombons tous raides dingues de vous en même temps que lui !
FR : Attention, je vais rougir ! (rires) J’ai rencontré la directrice de Coline Serreau qui m’a fait passer un essai. Ensuite, Colline elle-même m’en a fait passer un deuxième, puis un troisième. Et voilà, j’ai été choisie. J’étais ravie, mais je n’avais pas alors vraiment de désir pour le théâtre et le cinéma.

À sa sortie, le film rencontre un succès d’estime. Il deviendra culte par la suite, mais à part Daniel Auteuil déjà confirmé, aucun des comédiens n’a connu grâce à cette œuvre un élan nécessaire pour l’avenir de sa carrière…
FR : Le film a été monté autour de Daniel Auteuil et de Coline Serreau qui sortait du succès de Trois hommes et un couffin. Moi, personne ne me connaissait. D’ailleurs, j’ai dû toucher à l’époque le dixième du cachet de Daniel ! (rires)

Se retrouver sur un plateau de cinéma vous est agréable ?
FR : C’est une aventure extraordinaire ! Je rencontre Coline Serreau qui a le même âge que moi. Le personnage de Juliette m’est familier car je connaissais des femmes antillaises qui travaillaient durement pour élever des enfants de pères différents. Le scénario m’a séduit dès la première lecture. J’étais très heureuse d’avoir à interpréter – à raconter d’une certaine façon – cette belle histoire.

Vous pensez alors à un avenir dans le monde de la comédie ?
FR : Non, pas à ce moment-là. Pour moi, Romuald et Juliette aurait pu être le seul film de ma vie. Mais quand je fais quelque chose, j’y mets tout mon cœur et j’essaie d’aller jusqu’au bout.

Coline Serreau a la réputation d’être très exigeante avec ses interprètes…
FR : Il faut dire que Coline est avant tout une très bonne comédienne. C’est quelqu’un qui a connu des hauts et des bas à ce titre-là et aussi en tant que réalisatrice. Pour moi, les meilleurs directeurs d’acteurs sont des comédiens parce qu’ils savent quels mots employer pour vous aider à accéder au personnage. Coline, très intelligente et fine psychologue, sait exactement ce qu’elle veut. Lorsque je dois donner une gifle à Aimé (Sambou Tati), mon fils aîné qui rencontre de sérieux problèmes dans le film, Coline m’a vraiment mise en colère. Je n’avais pas alors conscience du micro et du son à ce moment-là. Je pestais seule dans mon coin et je rêvais de quitter le tournage. Coline, qui m’entendait râler, est venue vers moi et m’a dit : « Fimine, je suis sûre que tu me hais en ce moment ! ».
Avec le recul du temps, j’ai pris conscience de la qualité de son exigence et de la valeur de sa méthode pour parvenir à trouver la juste émotion.

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