(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Bonne Maman est un peu une extension de Juliette…
FR : Je suis heureuse que vous le constatiez ! La première étoile est vraiment le film que je me devais de faire après Romuald et Juliette. Bonne Maman, c’est un peu Juliette devenue grand-mère. Juliette rencontrait des problèmes avec Aimé, son aîné. Bonne Maman vit la même chose avec Jean-Gabriel.
Elles ont toute les deux une forme de sensualité très affirmée…
FR : Oui, on peut dire qu’elles sont épanouies. (rires)
J’aime la séquence du Scrabble quand Michel Jonasz, un brin émoustillé, n’ose pas placer le mot « négresse » sur la grille…
FR : Cette scène traite parfaitement d’une certaine forme de culpabilité. Des gens qui n’osent pas appeler « un chat, un chat »…
Oui, un consensualisme ambiant anesthésie tous les mots et toutes les expressions. Pourtant, les plus crues sont parfois pleines d’esprit et tellement sexy…
FR : Oui, tout à fait.
Après Romuald et Juliette, vous partez aux Etats-Unis. Pourquoi ?
FR : Tout le monde aimait le film et me trouvait du talent, mais moi je voulais comprendre pourquoi. Etais-je capable de réitérer cette première fois face à la caméra ? Voilà pourquoi je m’inscris à la Lee Strasberg Theatre and Film Institute pendant la promotion de Romuald et Juliette en Amérique. Le film a bien marché aux Etats-Unis. Il était produit par Miramax… Bref, je rencontre Anna Strasberg qui me donne un dossier. Puis, j’obtiens une bourse grâce à Serge François, alors en poste au ministère des affaires étrangères.
Vous sentiez le besoin d’affermir le cadeau de Romuald et Juliette par un apprentissage de la comédie ?
FR : Tout à fait. Coline Serreau m’avait dit que j’avais naturellement ce qui ne s’apprend pas. Je me suis alors dit que je devais acquérir ce qui devait s’apprendre. Il fallait que je me donne les moyens d’y accéder.
Et vous n’avez jamais pensé demeurer aux Etats-Unis pour y faire carrière ?
FR : Non, parce que je suis une actrice française. Si carrière il y a, je préfère qu’elle se construise d’abord ici. Ensuite, là-bas… (elle réfléchit un moment) Mais, pourquoi pas ?...
Et vous enchaînez en 1990 avec Dino Risi dans Valse d’amour…
FR : … Et Vittorio Gassman comme partenaire. Superbes rencontres ! Je suis peinée de ne pas avoir revu Dino avant sa mort. Nous avons failli nous croiser une année au Festival de Cannes. Hélas, la vie en a décidé autrement… Je me souviens de cet immense réalisateur me félicitant pour ma performance dans le film de Coline. J’étais très émue et pas peu fière !
Comment était-il sur un plateau ?
FR : Il était d’une simplicité ! Toujours prêt à changer n’importe quel mot de ses dialogues pour moi. Il me considérait comme une grande comédienne.
C’est le premier réalisateur qui vous engage après Romuald et Juliette et aussi une grande figure du septième art qui loue votre talent. Un père spirituel de cinéma qui vous donne crédit en quelque sorte…
FR : Oui, exactement. J’étais à la fois ravie et confortée dans mon choix de vouloir exercer le métier de comédienne.
On aurait pu croire avec de tels parrains de cinéma que votre carrière était lancée...
FR : On aurait pu le croire, effectivement. (rires)
Être black et actrice semblent un mariage difficile à concilier dans un monde de blancs. Même Halle Berry qui décroche l’Oscar en 2002 voit sa carrière chanceler. Récemment, François Dupeyron a réuni un casting d’acteurs noirs pour Aide-toi, le ciel t'aidera. Dans 35 rhums, Claire Denis a retrouvé Alex Ducas, l’un de ses acteurs fétiches…
FR : Même pendant les périodes où je n’avais pas assez travaillé pour toucher les ASSEDIC du spectacle, je ne suis jamais dit : « Je suis noire, c’est pourquoi on ne m’appelle pas ! ». En revanche, je sais pertinemment que je suis une femme noire dans un monde de blancs. Et que les blancs possèdent un regard sur nous, que ce soit au niveau du cinéma ou encore en politique.
Pouvez-vous définir ce regard ?
FR : Non, parce que je ne suis pas à leur place. Je ne sais pas comment ils me voient. De mon côté, je possède aussi un regard particulier sur l’homme blanc. Quand je lis un scénario ou une pièce de théâtre, je perçois l’imaginaire d’un auteur ou d’un réalisateur qui me propose un rôle particulier dans lequel ma couleur rentre en ligne de compte. Je comprends qu’un créateur ne puisse pas m’envisager dans tous les rôles car les fondements de sa culture sont composés de Germinal de Zola ou de La princesse de Clèves de Madame de la Fayette. Des œuvres dans lesquelles les noirs sont absents. Dans les influences et l’évolution d’un créateur blanc, le noir est presque toujours accessoire. Donc, je peux tout à faire comprendre qu’il ait à faire preuve d’imagination pour m’envisager dans un rôle.
N’y a-t-il pas une ambiguïté dans votre cas car vous êtes black, mais aussi Antillaise ? Donc, issue d’une culture francophone…
FR : Il n’y a aucune espèce d’ambiguïté chez les Antillais. Pour nous, c’est le cas de le dire, les choses sont très claires. Mais, hélas, le blanc veut toujours penser à la place du noir. Ce que je souhaite dire aux blancs, c’est : « Arrêtez de penser pour nous, ce qui est bon pour nous, ce que les gens vont penser de nous ! ».
Force est de constater que les émotions n’ont pas de couleur. Elles sont les mêmes pour tous. Dans le film, si la famille était portugaise ou espagnole, elle rencontrerait les mêmes problèmes !
Vous avez d’ailleurs joué des rôles récurrents dans des séries tv (La kiné, Le grand patron…). Bon nombre de séries aux Etats-Unis sont composées d’un casting pluriethnique…
FR : Lucien Jean-Baptiste, à travers La première étoile, raconte ses souvenirs d’enfance. Les décideurs qu’il a rencontrés trouvaient que c’était une très belle histoire, mais il a fallu batailler et convaincre que les aventures de ces Antillais à la neige pouvaient séduire un large public.
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