Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Dire qu’il avait abandonné le cinéma à la fin des années 80, suite à l’échec de son deuxième long métrage… Heureusement, lassé du monde de la pub, Carlos Sorin a fini par revenir à ses premières amours avec le magnifique Historias minimas, un road movie sensible et attachant au beau milieu de la Patagonie du Sud. Depuis, on suit avec bonheur l’œuvre passionnante et subtile de ce grand observateur de la nature humaine qui, avec la fenêtre, franchit un cap dans sa carrière sans rien perdre de son talent.


EN : Pour une fois, votre personnage vient d’un milieu plutôt aisé, comme une manière de dire que face au cycle de la vie, peu importent les origines sociales…

CS : Je crois aussi que cela a été volontaire de sortir des personnages ruraux habituels que je peux faire interpréter par des non-acteurs professionnels. Là, volontairement, j’ai souhaité mettre en scène des personnages plus complexes. La relation au fils est également un thème que je n’avais jamais traité.

EN : C’est pourquoi vous avez choisi de travailler avec Antonio Larreta, qui est un grand comédien de théâtre, ainsi qu’un écrivain ?

CS : Oui, mais j’ai travaillé avec lui comme s’il n’était pas acteur. Comme il vient du théâtre, il avait des habitudes de jeu très emphatiques. Il fallait donc lui faire réduire son jeu pour qu’apparaisse le personnage. Le grand avantage, c’est que c’est quelqu’un de très intelligent et sensible. Donc s’il n’avait pas été acteur, ç’aurait été la même chose. En plus, Antonio a le même âge que le personnage. La fragilité que l’on voit à l’écran est quasi réelle, elle n’est que très légèrement feinte ! Il marche un peu mieux, par exemple, mais pas tant que ça. C’est quelque chose que je cherchais car cette fragilité est un élément important en termes de narration. De toute façon, même en travaillant avec des acteurs professionnels, je préfère toujours qu’ils soient proches de leur personnage. Que le fait de représenter ce personnage ne soit pas un travail acrobatique. Ca donne la possibilité de travailler avec une matière première qui est plus réelle. Je me sens plus à l’aise ainsi.

EN : C’est donc ça, votre secret pour insuffler un tel humanisme à vos personnages ?

CS : Il n’y a pas de formule. Et s’il y en avait une, elle ne fonctionnerait sûrement pas… La relation avec les acteurs est intuitive, il n’y a pas de programme à suivre. A part aux Etats-Unis, où ils ont un logiciel, "movie magic" pour construire les personnages… (il rit). Au fond, mes personnages, je les aime et ça transparait. J’ai du mal à imaginer qu’il va leur arriver malheur… C’est parfaitement intuitif et inimitable.

EN : Sans être jamais caricatural ou naïf, vos personnages sont toujours très positifs.

CS : Je pensais dans ce film-ci enlever une partie de cette patine positive. Je ne suis pas sûr qu’Antonio soit un personnage positif au sens des personnages des films précédents. Ce qu’ils ont tous en commun, c’est que ce sont des perdants. Je les prends tous dans une mauvaise passe. J’aurais du mal à faire un film sur un banquier en pleine réussite, qui a un yacht et une épouse magnifique… Une bonne partie de l’empathie que les spectateurs éprouvent pour les personnages vient du fait qu’ils ne sont pas dans une bonne situation, qu’ils sont en train de perdre quelque chose, que ce soit la vie ou le désir.

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