Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24





Dans un bel hôtel du XVIe arrondissement de Paris, l’acteur réalisateur Albert Dupontel responsable des "cultissimes" Bernie ou Enfermés dehors, nous parle avec franchise, enthousiasme et conviction de son dernier long-métrage très réussi, le Vilain. Mais plus encore, il nous abreuve de cinéma, de mise en scène, d’écriture scénaristique et du plaisir qu’il a de jouer dans ses films. Rencontre avec un passionné, tout simplement.
Ecran Noir : Pouvez-vous nous parler du Vilain en quelques mots ?





Albert Dupontel : L’idée de départ part d’un constat comme quoi nous ne sommes pas les enfants que nos parents croient et nos parents ne sont pas les adultes que l’on croyait lorsque nous étions petits. Je sais, ce n’est pas très original. Il y a aussi un vague discours sur le bien et le mal qui me trottait dans la tête. Tout cela a accouché d’une salade variée et épicée qui a donné cette histoire qu’on peut résumer narrativement par l’arrivée d’un vilain qui se cache par accident chez sa mère alors qu’il est poursuivit par des "collègues", pensant que c’est la meilleure planque possible parce qu’elle est naïve, bigote, assez âgée et lui encore jeune. A cette occasion, sa mère va découvrir, malheureusement pour lui, ce qu’il est réellement et va s’employer à le remettre sur le droit chemin.

EN : Le film se rapproche de la « fable burlesque », sorte de cartoon très scénique et physique. A ce sujet, vous avez dit que le Vilain était un mixte entre Tex Avery et Franck Capra. C'est-à-dire...

AD : Le côté "cartoonesque" est présent dans tous mes films. Dans Bernie il est un peu sanglant ; dans le Créateur il est un peu lyrique ; dans Enfermés dehors il est un peu social.

EN : Et pour le Vilain ?

AD : Pour parler sérieusement, c’est effectivement la rencontre entre deux cinémas, celui de Tex Avery et de Franck Capra. Chez Capra il y a toujours une histoire de rédemption, du bien et du mal. Il s’agit d’un cinéma qui tourne autour de la morale dans l’idée que se font les gens, justement, du bien et du mal.

EN : Oui mais chez Capra les personnages principaux sont souvent au grand cœur…

AD
: Le mien n’est pas si mauvais que cela mais, d’un autre côté, il n’est pas non plus si gentil. En fait, c’est bien plus nuancé. Pour répondre à votre question, on peut dire qu’il s’agit d’un traitement à la Tex Avery sur un sujet à la Frank Capra. Mais tout cela est extrêmement caricatural et c’est vraiment pour donner deux pôles de ciné afin que l’on s’y retrouve. En fait je raconte l’histoire à ma façon. Si on regarde tous mes films, les films dont je m’inspire sont mes précédentes réalisations. A chaque fois on affine sa technique de récit et les histoires deviennent de plus en plus faciles à raconter.

EN : Le Vilain est indubitablement moins trash, moins hard et moins acerbe dans sa critique sociale. De ce fait il est plus grand public (ce qui ne veut pas dire dans ma bouche qu’il est moins réussi). Vous êtes-vous assagi avec le temps?

AD : J’aimerais vous dire oui. Il se trouve que le thème parent/enfant est "quelque chose" de beaucoup plus large et fédérateur que des SDF qui portent des uniformes de flics ou des mecs qui n’arrivent pas à écrire leurs pièces…Dans l’errance narrative qui est la mienne, je suis tombé sur ce sujet et il semblerait que depuis les projections avec vous, vos collègues ou le public, les gens adhèrent plus facilement. L’auditoire est plus large, plus varié.

EN : Le film, dans son ensemble, paraît beaucoup moins extrême par rapport à la situation de départ…

AD : Oui, mais l’histoire ne l’exigeait pas. J’aurai pu "trashiser" le récit dans le souci de me ressourcer avec un ciné qui a fait ma notoriété mais je pense que cela aurait été un calcul foireux. De plus, vous me l’auriez reproché si cela avait été le cas.

EN : Mais je ne vous reproche rien…

AD : Une cohérence interne s’est très vite dégagée du script, c'est-à-dire que j’ai commencé à œuvrer dans ce rapport maman/fiston. Par contre mes angoisses tournaient autour du comment j’allais le raconter. Car il s’agit d’un sujet très sérieux. Un réalisateur comme Bergman pourrait très bien le traiter, un peu à l’image de Sonate d’Automne. Vous voyez ce que je veux dire.

EN : Parfaitement.

AD : Sonate d’Automne c’est également une histoire entre une mère et une fille. L’écriture du film a vraiment commencé le jour où j’ai trouvé intéressant que des tortues passent par la fenêtre (rires).

EN : Il est vrai, pour revenir dans ce rapport mère/fils, que votre film dégage beaucoup d’humanité…

AD : Oui. Mes personnages sont gentils, remplis de compassion. Mais je trouve que les personnages de Bernie l’étaient tout autant. L’histoire de Bernie est une tragédie qui dit mal son nom et le Vilain une comédie qui dit plus facilement son nom. Ce n’est que cela. Ce qui compte c’est de raconter une histoire. Ou vous retombez sur vos pattes ou non. Une histoire est une bonne histoire pour vous si savez comment la raconter. Si vous ne savez pas comment le faire, ce n’est pas un sujet pour vous.
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