Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Dans un bel hôtel du XVIe arrondissement de Paris, l’acteur réalisateur Albert Dupontel responsable des "cultissimes" Bernie ou Enfermés dehors, nous parle avec franchise, enthousiasme et conviction de son dernier long-métrage très réussi, le Vilain. Mais plus encore, il nous abreuve de cinéma, de mise en scène, d’écriture scénaristique et du plaisir qu’il a de jouer dans ses films. Rencontre avec un passionné, tout simplement.
EN : Justement, ce rapport filial a-t-il évolué depuis Bernie ?

AD : Non, il n’y a pas d’évolution parce que je parle toujours de l’enfance et des parents. Donc je mets le nez dedans sans savoir pourquoi et sans avoir envie de l’analyser.

EN : La structure en huis-clos renforce-t-elle l’intériorité qui se dégage du Vilain ?

AD : C’est le scénario qui nous y amène. Effectivement c’est un huis-clos et non une cavalcade quelque part dans une banlieue. L’extériorisation se trouve là, dans le traitement burlesque de ce rapport mère/fils. En fin de compte, c’est l’histoire qui m’y amène et, une fois encore, je ne me suis pas dit "faisons un huis-clos, assagissons nous". C’est cela qui est curieux. Il faut bien comprendre que si j’étais si fort, j’écrirais plus et je maitriserais mieux mon sujet. Donc je pars dans un truc qui me parle, je me laisse aller et au bon moment je dis : je veux la lumière dans ce fatras. Je mets de l’ordre en quelque sorte afin de déboucher sur cette histoire. Dans Bernie je voulais traiter de personnages que je connaissais depuis l’enfance et quand j’ai mis la structure à plat, je me suis dit mais c’est épouvantable, ce n’est pas drôle du tout. Par contre, j’ai repris confiance quand j’ai commencé à montrer des canailles qui attaquent les gens à coups de pelle. Voilà un folklore qui pouvait très bien aller avec ce type d’histoire. Mais ce n’est pas une obligation.

EN : N’y a-t-il pas une petite prise de risque quand même ?

AD: Non, ce n’est pas un risque. Ce qu’il faut, c’est trouver un style. On a des ingrédients, concombre, tomate, poivron…et tout est dans la sauce, dans la capacité à réussir son assaisonnement. Sinon c’est juste une salade sans saveur.

EN : Le film est conçu comme un huis-clos dynamique développant de larges séquences privilégiant le comique de situation. Un peu comme si ce n’était pas l’histoire qui motivait les séquences, mais les séquences l’histoire (exemple de la scène du médecin dans la chambre du vilain). Etes-vous d’accord avec cette analyse ?

AD : Parce que le mec m’y a amené. Nicolas Marié (qui joue le médecin) tient tellement bien son personnage qu’il m’y amène. Néanmoins, nous avons jeté beaucoup de choses. Comment vous dire (il réfléchit)… C’est très écrit, très découpé, très préparé. Pour tout vous dire, il se trouve qu’il y a presque toujours un décalage entre ce que l’on devrait faire en théorie (c’est à dire suivre le scénario) et ce qui se passe pendant le tournage. Catherine Frot fait des choses en tant que vieille dame et je me dis, putain, ça marche mieux et différemment que ce qui était prévu. Alors on réécrit, on adapte.

EN : Et votre structure de longues séquences. C’est bien une volonté de votre part ?

AD : Non, c’était écrit comme cela.

EN : Oui, mais il y avait bien une base scénaristique claire…

AD : Si vous trouvez quelque chose de cohérent qui vous amuse, tant mieux pour vous ! Et si cela fait 2 heures et qu’en plus c’est drôle j’en ai rien à foutre, cela fera 2 heures.

EN : On est d’accord, vous êtes maître à bord…

AD : Si je pouvais maîtriser les choses aussi bien que vous le supposez cela serait facile pour moi. On rentre dans un dédale, on ouvre des portes et au bout d’un moment on trouve le bon jeu, le bon tempo…ou pas.

EN : Ce que je peux vous dire c’est que dans le Vilain l’alchimie opère…

AD : Sur le papier, la séquence avec le médecin était très drôle, cela me faisait beaucoup rigoler. Quand Nicolas Marié a commencé à la jouer, ça a continué de m’amuser, de même lorsqu’il l’a interprétée avec Catherine Frot. En fait, ce qui donne le rythme, c’est le montage.

EN : Idem pour la scène où votre personnage se retrouve en face des promoteurs immobiliers…

AD : Bizarrement quand on a coupé la scène elle marchait moins bien. Elle marche sur la longueur.

EN : Je pense que votre film fonctionne sur la longueur des séquences alors qu’il est lui-même très court…

AD : Il dure 1h24. Sur le processus, vous avez un scénario très précis que vous proposez. C’est une proposition, un mode d’emploi et si les acteurs ne se sentent pas à l’aise, c’est foutu et vous n’avez plus qu’à réadapter. Il y a toujours plein de choses qui, à l’arrivée, ont disparu. Et d’autres, comme la balle dans le mur, qui sont totalement improvisés. Il n’y a pas de règles précises.
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