(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
|
|
|
Sara Forestier, révélée par l'Esquive d'Abdellatif Kéchiche en 2004, pour lequel elle a obtenu le César du meilleur espoir féminin, donne l'impression de faire partie du paysage cinématographique français depuis plus longtemps, tant elle enchaîne les projets et les challenges. On l'a vue chez Michel Deville (Un fil à la patte), chez Bertrand Blier (Combien tu m'aimes ?), dans la sulfureuse adaptation du roman Hell (Bruno Chiche), mais aussi au théâtre (L'autre de Florian Zeller, Confession d'une jeune fille de Marcel Proust, La nuit de l'iguane de Tennessee Williams). Elle est également passée derrière la caméra pour réaliser un court et un moyen métrage. Toujours là où on l'attend le moins, bien décidée à ne pas se laisser enfermer dans des rôles de jeune première, elle revient à l'affiche du Nom des gens de Michel Leclerc, où elle incarne Baya BenMahmoud, une jeune femme extravertie et idéaliste qui convertit ses ennemis politiques en couchant avec eux. Avec Jacques Gamblin, elle forme l'un des couples les plus attachants mais aussi les plus décalés de l'automne. Rencontre en toute simplicité avec une actrice à qui les défis ne font pas peur.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ecran Noir : Puisque le film s'appelle Le nom des gens et joue beaucoup sur ce que nos noms disent de nous... Que pouvez-vous nous dire sur le vôtre ?
Sara Forestier : Mon rapport à mon nom ressemble plus à celui d'Arthur Martin dans le film. C'est à dire un nom a priori franchouillard. On ne me demande jamais d'où ça vient car c'est très français. Il y a des noms plus exotiques... Par contre, mon prénom, c'est différent car il est passe-partout : autant dans les communautés juives, anglo-saxones, arabes ou françaises. C'est un prénom biblique qui se fond finalement dans n'importe quelle communauté. Le seul rapport que je peux avoir à mon prénom, c'est que souvent on me demandait si je n'étais pas kabyle car beaucoup de mes amis étaient d'origines étrangères ou venaient d'autres horizons. J'arrivais à m'intégrer dans n'importe quelle communauté et souvent les gens pensaient que je faisais partie de leur communauté.
EN : Est-ce que c'est quelque chose qui vous a nourri ?
SF : Non, on ne peut pas dire que j'ai un rapport à mon nom qui aille au-delà de ça, en fait. C'est assez anecdotique par rapport aux deux personnages du film, dans la mesure où eux ont un rapport plus compliqué à leur nom, qui prend plus de place dans leur vie. Pour moi c'est peut-être une facilité. Mais du coup ça reste anecdotique, comme une porte ouverte.
EN : Comment êtes-vous arrivée sur le projet ?
SF : C'est mon agent qui m'a fait lire le scénario. J'avais déjà vu le film J'invente rien de Michel Leclerc où j'avais déjà trouvé qu'il y avait quelque chose de très frais, de différent des comédies françaises habituelles et sages. Il y avait déjà un côté un peu Woody Allen. J'ai trouvé le scénario extraordinaire, c'est vraiment le meilleur que j'ai lu jusqu'à présent. J'ai beaucoup ri et en même temps j'ai été vraiment saisie par cet humour qui allait dans des situations burlesques, complétement folles aussi. Je trouvais que c'était gonflé. Je trouvais qu'il évitait les clichés avec habileté et que ça parlait vraiment de la France d'aujourd'hui avec finesse. Donc ça m'a beaucoup plu et à partir de ce moment-là, j'ai passé le casting. Mais je suis arrivée en ayant vraiment une proposition de rôle à faire. Je n'y suis pas du tout allée en tant que Sara Forestier. ET puis ça a plu à Michel et tout de suite il m'a dit banco.
EN : Il a même en partie réécrit le rôle pour vous...
SF : Il l'a surtout réécrit pour l'aspect physique. C'est-à-dire que les seins du personnage devaient être tellement énormes... Elle devait être voluptueuse et avoir les seins suffisamment gros pour qu'ils débordent de son soutien-gorge ! Comme j'ai une poitrine plutôt moyenne, il a réécrit le rôle en faisant plutôt l'inverse : ce sont les vêtements qui tombent et laissent entrevoir un sein. Il fallait qu'elle ait quelque chose qu'elle ne contrôle pas dans son corps et qu'elle ait une part d'inconscience et de maladresse par rapport à son corps, et qu'elle se dénude sans le faire exprès. Il a aussi légèrement réécrit les origines du personnages. Le personnage de Baya est moitié française, moitié algérienne, et finalement quand Michel a commencé le casting, il cherchait une Marilyn arabe. Une fille qui avait un physique a priori beaucoup plus maghrébin. Et il n'a pas trouvé, donc il a élargi le casting. DU coup quand il m'a choisi pour le rôle, il a dû réécrire un petit peu certaines répliques, notamment toute cette problématique où elle dit "j'ai pas une tête d'arabe, j'ai une tête de française, et quelque part je culpabilise parce que je suis comme une planquée. Je ne vais jamais être victime de racisme, contrairement à mon père qui a été clandestin pendant six ans. Tout à coup il y a une problématique qui est apparue. Cela faisait un personnage plus complexe. Et puis Baya Kasmi qui est la co-scénariste du film est elle-même blonde aux yeux bleus. Et personne ne lui demande jamais si elle est maghrébine... C'était beaucoup plus juste par rapport au personnage et aux problématiques d'identité d'avoir un physique non clairement identifiable. Par exemple dans la scène où elle dit : "chaque fois que je dis mon prénom, Baya, on me demande si c'est brésilien", c'est parce qu'elle n'a pas un physique où on pourrait lui dire "ah oui, tu es marocaine ou algérienne". Il fallait donc qu'elle ait un physique exotique, mais que l'on n'arrive pas à identifier vraiment. Ce que j'aime, c'est que ça évite les clichés. Par rapport à ses origines,elle est différente des clichés habituels. On pourrait dire : elle est victime de racisme. Mais non, justement, elle n'est pas victime de racisme et ça lui pose problème. Elle culpabilise par rapport à son père qui, lui, est victime de racisme. Et tout à coup c'est un schéma inverse que l'on n'a pas l'habitude de voir au cinéma. Mais qui est très juste. Moi, lorsque je me promenais avec des amis qui avaient des physiques de maghrébins, qu'ils se faisaient contrôler et pas moi, je culpabilisais. Je me disais : ce n'est pas parce que j'ai un physique a priori de française que je dois être privilégiée, c'est quoi ce bordel ? Donc cette culpabilité-là me semblait quelque chose de pertinent.
|
|
|
|
|
|
|
|