Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Venu présenter son dernier film, Les émotifs anonymes, au public du Festival international du film d'Arras, Jean-Pierre Améris (Les aveux de l'innocent, Mauvaises fréquentations, C'est la vie...) s'est livré avec simplicité et gentillesse au jeu des questions-réponses. Il a notamment reconnu avoir mis beaucoup de lui-même dans cette histoire où deux grands timides (Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde) tombent amoureux l'un de l'autre sans oser se l'avouer... Rencontre avec un hyper-émotif qui relève avec panache tous les défis qu'il se lance.
Ecran Noir : Parlez-nous de la genèse du film. Comment est venue l’idée de ces "Emotifs anonymes" ?

Le livre Bye Bye Bahia



Jean-Pierre Améris : L’idée est venue en allant aux "Emotifs anonymes" moi-même aux détours des années 2000. J’y suis allé car j’ai toujours eu un petit souci d’hyperémotivité, de timidité, de trac… et quand j’avais vu que les "Emotifs anonymes" existaient sur le même modèle que les "alcooliques anonymes", j’y suis allé quelques années. Petit à petit je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à raconter, là. Parce que finalement, dans ces groupes, j’ai rencontré des gens de toutes sortes. Et je me suis rendu compte que tout le monde est plus ou moins émotif, tout le monde a plus ou moins peur du regard des autres. Tout le monde a des difficultés à prendre la parole en public, entrer dans un restaurant, chanter dans un karaoké à un anniversaire… Je me suis dit : "peut-être qu’il y a un sujet, je ne suis pas le seul à avoir ça et ça pourrait toucher les gens."

EN : Dans quelle mesure vous êtes-vous inspiré de choses réelles ?

JPA : C’est toute une matière, bien sûr, mais la moindre des choses c’est de ne rien divulguer de la vie des gens. C’est pour ça que le film, lorsqu’il s’est écrit, est devenu très autobiographique. C’est sûrement mon film le plus intime. J’avais même mis des souvenirs d’enfance qu’au final je n’ai pas tournés, mais j’avais mis beaucoup de choses de moi au moment de l'écriture.

EN : Le film est aussi une comédie romantique…

JPA : C’était vraiment mon désir de faire une comédie romantique. D’abord, j’ai toujours aimé ça au cinéma ! Et justement, adolescent, comme j’étais timide, j’ai trouvé refuge au cinéma. Et ce que j’adorais, c’était soit le film d’horreur, soit le film d’amour, parce que comme j’étais toujours tout seul, je vivais des histoires d’amour par procuration et je tombais amoureux des actrices. Et puis là où c’est le plus douloureux, ce handicap, et c’est ce que les gens racontent le plus souvent dans ces groupes de parole, c’est dans le domaine sentimental. Donc j’avais envie de raconter ça et de faire, sous la forme d’une comédie romantique, un film qui fasse plaisir. C’était très important pour moi qu’il y ait du recul par rapport au sujet. Je n’aurais pas pu le faire comme ça il y a dix ans, je n’avais justement pas assez de recul. Je me suis dit, il y aura peut-être des spectateurs dans la salle qui, comme moi, sont trop timides, sont tombés amoureux d’une fille mais sans oser lui dire, et sont passés à côté de leur vie. Parce que c’est ça, le grand danger, quand on a peur, c’est de passer à côté de sa vie. Je me souviens quand j’ai tourné C’est la vie avec Jacques Dutronc et Sandrine Bonnaire sur la fin de vie. J’ai rencontré plein de gens qui allaient mourir et qui me disaient : "c’est trop bête, j’ai eu peur. Peur de faire tel métier, de déclarer mon amour à cette fille…" Et c’est ce que disent le plus souvent les gens ! Alors je me suis demandé pourquoi et de quoi on a peur dans la vie. Le film est une comédie destinée à faire plaisir, on sait que ça va bien finir après quelques épreuves, mais j’ai eu envie que les gens sortent de là en ayant confiance et en se disant comme les personnages : "ok, on a la trouille, mais il faut la dépasser, car sinon on ne s’estime pas soi-même." Je le sais pour l’avoir fait.

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