(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La rencontre d'Ola Simonsson et Johannes Stjarne Nilsson remonte à leur enfance dans les rues de Lund (Suède), au milieu des années 70. Depuis, malgré des parcours différents (conservatoire de Malmö pour l’un, Masters d’Arts visuels à Stockholm pour l’autre), ils ont pris l’habitude de créer ensemble et ont même fondé Kostr-Film, leur propre société de production.
Leur premier court métrage, Nowhere man, a été sélectionné à la Semaine de la Critique en 1996, dont ils sont depuis devenus des habitués. Après avoir présenté Music for one apartment and six drummers en 2001, ils étaient de retour cette année avec Sound of noise, leur premier long métrage, qui a reçu le prix de la (toute) jeune critique et le Grand Rail d’or. Des prix amplement mérités pour un film unique en son genre : fascinant, jubilatoire et brillant.
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EN : Cela signifie que vous avez retravaillé plusieurs fois l’histoire après 2006 ?
OS : Elle a été en évolution constante. Le premier jet était vraiment un premier jet. Mais quelques idées ont survécu de versions en versions, comme la scène dans la salle d’opération. L’apport français en général a été bénéfique au projet. Nous avons enregistré les sons avec Nicolas Becker qui est un artiste français. C’était toujours lui le plus motivé dans ce travail de recherche des sons. Il était toujours à genoux en train d’essayer de trouver le meilleur angle pour le micro. Il a enregistré 23 000 sons.
EN : 23 000 ???
JSN : Oui, on a passé presque un an à enregistrer ces sons… Comme les scènes principales du film comportent de la musique jouée à partir d’instruments improvisés, il nous a bien fallu trouver ces "instruments" ! C’était un peu comme dans le film. On est allé chercher les batteurs et on les a envoyé à la recherche des meilleurs sons. C’est là qu’on a travaillé avec Nicolas Becker. Et ensuite, nous avons donné tous ces sons à Magnus Börjeson qui est le compositeur dans le film mais aussi dans la réalité. On lui lancé le défi de faire de la musique avec ces sons. Ca a été dur pour lui ! Mais il a réussi d’une manière totalement fascinante à en sortir de la musique.
EN : Comment s’est passée concrètement cette recherche de sons ?
JSN : On s’est réuni plusieurs jours d’affilée quatre ou cinq fois dans l’année et on s’est réparti des missions spécifiques. Par exemple, nous savions que nous devions trouver les meilleurs sons émis par des machines : escalators, bulldozers, marteaux-piqueurs… Nous faisions beaucoup de recherches avant de se retrouver et d’enregistrer les sons. Parfois c’était très simple, et d’autres fois c’était beaucoup plus difficile. Ces grosses machines ont toutes des systèmes d’atténuation du bruit. On essaye de les rendre aussi silencieuses que possible, ce qui n’était pas bon pour nous. Il nous fallait trouver des machines encore plus grosses, qui font plus de bruit et semblent avoir plus de "personnalité sonore". Lorsque l’on fait ce genre de recherches, on devient obsédé par les sons. On écoute le monde d’une manière très spéciale. Mais c’était fascinant et au final nos recherches ont été couronnées de succès, même si beaucoup de nos idées n’ont pas marché.
OS : La musique et le scénario avançaient ensemble. Par exemple, on avait une idée qui pouvait marcher en théorie, mais quand on essayait de la mettre en musique, on se rendait compte qu’elle ne marchait pas du tout. De la même manière, on pouvait trouver une musique qui était vraiment bonne, mais il fallait lui trouver une place dans le script.
EN : Quel est le son le plus surprenant que vous ayez trouvé ?
OS : Le son le plus étonnant, c’était à l’hopital. Au départ, on voulait un son "pop" à la manière de Wham mais nous n’arrivions pas à le trouver. On avait besoin d’instruments à cordes, et les cordes sont toujours difficiles à trouver… On avait presque abandonné quand on a eu l’idée d’aller dans un magasin où ils vendent des tables d’opération. Et là, il y avait un lit qui faisait exactement le son de cordes que nous cherchions : la mineur lorsque le lit monte, ré mineur lorsqu’il descend. C’était un vrai cadeau et nous avons fêté cette découverte !
JSN : Quand on regarde le film maintenant, on voit que c’est une part importante de la musique jouée dans cette scène.
EN : Lorsqu’on regarde le film, on a beau savoir que la musique a été post-synchronisée, on a l’impression qu’il s’agit d’une prise de son réel, tant cela semble "vrai".
JSN : C’est le but !!!
OS : Mais c’est effectivement du play-back… Lorsque nous préparions Music for one apartment and six drummers, tout au début du projet, nous avons envisagé de cacher des micros et de jouer live. Mais nous avons abandonné cette idée, heureusement…
JSN : Oui, c’était déjà assez fou comme ça… Par contre, ce que l’on voit dans le film, c’est presque toujours ce que l’on entend réellement. La musique est vraiment faite à partir ces objets-là. Mais au moment de tourner la scène, on est obligé de le faire en play-back.
OS : Mais c’est vraiment important de combiner la musique et l’atmosphère de la scène…
JSN : De mettre la musique dans la pièce pour obtenir l’acoustique exacte de la scène ! Le design du son et le mixage ont d’ailleurs été plus long que sur un film normal. Je crois que l’on a d’abord passé trois semaines en Suède pour obtenir le son que l’on souhaitait puis dix jours à Paris pour peaufiner le mixage.
EN : Comment se passe votre collaboration ?
OS : Nous partageons tout. Nous avons développé l’histoire ensemble puis au moment du tournage nous essayons et nous parvenons à être synchronisés, à ne pas dire chacun une chose différente. On entend que de plus en plus de gens travaillent ensemble comme réalisateurs. Je pense qu’on gagne du temps et que c’est aussi plus agréable. On partage à la fois les bons et les mauvais moments.
JSN : On se connaît depuis longtemps. On a commencé à jouer et à s’amuser ensemble à l’âge de sept ans et nous avons essayé de conserver cette attitude, aujourd’hui, dans ce que nous faisons.
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