(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Rencontre avec le nouveau patron du CNC (le Centre national du cinéma et de l'image animée), Eric Garandeau. Après son discours fleuve (aussi long que Fidel Castro selon Frédéric Mitterrand) lors des voeux du CNC en janvier 2011, il a réduit son temps de parole lors de la conférence de presse annuelle au Majestic, lors du Festival de Cannes. «On a un petit numéro de duettiste avec le Ministre. La prochaine fois on fera des claquettes comme dans The Artist. »
En attendant l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy pour la communication a pris les commandes de ce "ministère bis" dont il fut le directeur financier. De gros chantiers sont en cours pour être à la hauteur des enjeux - défense d'un cinéma mondial diversifié, renouvellement des talents, nouveaux modes de diffusion... |
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UN RAPPORT AU MONDE REMODELÉ
Ecran Noir : Vous allez augmenter votre participation dans le Fonds Sud ?
Eric Garandeau : C’est ça, et c’est même au delà de ça. On va créer au 1er janvier prochain, puisque ça a été arbitré et annoncé par le Ministre ce qu’on appellera l’Aide aux cinémas du monde, qui résultera de la fusion entre le Fonds Sud et l’Aide aux films en langues étrangères et qui verra ses modalités totalement repensées pour être plus efficace mais aussi plus ambitieux géographiquement. Il n’y aura plus de limites…
EN : C’est-à-dire que cela concernera des pays comme le Canada… ?
EG : Tout à fait, on va jusqu’au cinéma inuït, qui se développe… L’idée du Sud c’était très bien mais cette notion datait des années 60 et aujourd’hui le paradoxe est que la Chine est éligible au Fonds Sud alors que la Turquie ne l’est pas. On a souhaité rebattre les cartes. Le Fonds Sud a été un succès. Les palmarès des festivals internationaux en témoignent. De nombreux cinéastes, notamment d’Afrique, ont pu se lancer dans un long métrage ou accéder à une notoriété internationale grâce à ce Fonds. Avec ce bilan très positif, on a souhaité aller encore plus loin, notamment en doublant le budget…
EN : Quel est le montant de ce budget ?
EG : Il était de 3,3 millions d’euros, dont un tiers qui venait du Ministère des Affaires Etrangères ; et là on avait mis 300 000 euros de plus en 2011. Et là on le porte à 6 millions d’euros. Compte tenu que les budgets ne sont pas les mêmes dans ces pays, même en Grèce ou en Turquie, puisqu’un film peut coûter dix fois moins cher qu’en France, on peut considérer que 6 millions d’euros équivaut à 60 millions d’euros d’aide en France. On peut donc financer beaucoup de films étrangers. L’idée c’est à la fois d’être fidèle à nos traditions, en tant que pays d’accueil et au nom d’une générosité, d’une diversité culturelle, du dialogue des cultures ; et par ailleurs c’est aussi un intérêt bien compris puisque c’est l’occasion de renouveler le vivier de nos talents. On constate que nos talents français sont vraiment remarquables, il y a un renouvellement des écritures que l’on perçoit très bien cette année au Festival de Cannes. On a aussi de grands documentaristes, le cinéma d’animation qui se porte bien… On peut être fier de ces talents mais on sait aussi que c’est le brassage et l’échange qui permettent de les renouveler.
EN : Il y a d’ailleurs de plus en plus de cinéastes étrangers, y compris asiatiques, qui viennent tourner en France ou qui engagent des comédiens français…
EG : Oui cela va jusqu’aux chinois qui sont venus chercher Jean-Jacques Annaud pour adapter Le Totem du Loup, l’un de leur grand roman national…
EN : Au delà des aides à la production, le principal problème pour ces films reste la distribution. Il y a une forte concurrence chaque semaine, la durée d’exploitation est de plus en plus courte, ils souffrent d’un manque de notoriété ou de moyens de promotions équivalents aux productions américaines et françaises… Comment améliorer cette situation, leur visibilité ? C’est très bien de les voir dans les Festivals, qu’ils soient primés comme Un homme qui crie l’an dernier, mais comment inciter les spectateurs à aller voir ces films, comment vaincre leur appréhension ?
EG : Effectivement, la distribution reste le maillon faible. Après il faut peut-être distinguer la distribution en France et la distribution à l’étranger. Pour la première, pour avoir une part de marché importante, et on est entre 35 et 40% en moyenne (32% en 2011, ndlr), il faut avoir un nombre de films suffisamment important. Il y a un taux d’échec aléatoire mais qui existe toujours. Les producteurs disent souvent qu’on réussit un film mais qu’on en rate trois. Ça peut être des films de qualité mais au moment où ils sortent ils ne trouvent pas leur public. Avec 200-260 films, on peut dire qu’on est sur un point haut, mais comme il en sort 600 au total, on peut dire qu’on est à un tiers… il n’y a pas de miracles : on ne peut pas vraiment dépasser les 40 % de part de marché. L’idée n’est donc pas de produire 300 films, mais plutôt d’harmoniser les calendriers de sortie, même si c’est un serpent de mer : c’est aux distributeurs de s’entendre pour que les sorties soient plus lissées tout au long de l’année et qu’en juillet/août ce ne soit pas le vide sidéral. Il devrait y avoir en août 2012 une grosse production française en salles…
EN : Et pour la distribution à l’étranger ?
EG : Là il y a déjà la question de l’existence des réseaux de salles. En Afrique, il y a beaucoup de pays où il n’y a plus aucune salle ou alors ça se compte sur les doigts de la main, notamment en Afrique francophone, subsaharienne.
EN : Au Maroc, il y a un vrai plan de construction de salles…
EG : Tout à fait, c’est d’ailleurs un exploitant français, CGR, qui s’installe à Casablanca et dans d’autres grandes villes. Il va d’ailleurs peut-être se développer en Tunisie. On sent que les gouvernements veulent ouvrir ou rouvrir leurs parcs de salles. Pour le Plan Afrique, on évoque toujours la question des salles de cinéma, au delà des questions de production. Une fois que les salles existent, c’est bien qu’il y ait des engagements de diversité comme on en a en France, puisque 50% de nos écrans sont couverts par ce type d’engagements depuis cette année.
EN : On en a peu entendu parler…
EG : J’ai signé ces engagements en arrivant en janvier-février. Ce sont des engagements volontaires qu’on encourage fortement. Au départ cela ne concernait que les gros multiplexes et notamment ceux qui diffusaient la carte illimitée. A Pékin, par exemple, j’ai évoqué cette question avec les autorités chinoises. Ils vont développer plus de 15 000 salles de cinéma, ils en ouvrent trois par jour. Ils sont aussi soucieux qu’elles ne diffusent pas que du cinéma américain.
EN : Certes, mais la Chine est aussi très protectionniste en limitant le nombre de sorties étrangères par an.
EG : Ils savent qu’ils vont devoir s’ouvrir de plus en plus. Notre système d’engagement de diversité et le label Art & Essai les intéressent. Notre bilan n’est d’ailleurs pas négatif puisque le nombre d’entrées des films français à l’étranger est à peu près égal à celui en France. On est souvent la troisième cinématographie, même aux Etats-Unis, dont les films sont les plus regardés en salles.
EN : La fréquentation est cependant en baisse aux USA…
EG : Oui mais ça représente quand même 15 millions d’entrées française, je crois, ce qui n’est pas négligeable (cela inclus les coproductions, ndlr).
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