(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Rencontre avec le nouveau patron du CNC (le Centre national du cinéma et de l'image animée), Eric Garandeau. Après son discours fleuve (aussi long que Fidel Castro selon Frédéric Mitterrand) lors des voeux du CNC en janvier 2011, il a réduit son temps de parole lors de la conférence de presse annuelle au Majestic, lors du Festival de Cannes. «On a un petit numéro de duettiste avec le Ministre. La prochaine fois on fera des claquettes comme dans The Artist. »
En attendant l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy pour la communication a pris les commandes de ce "ministère bis" dont il fut le directeur financier. De gros chantiers sont en cours pour être à la hauteur des enjeux - défense d'un cinéma mondial diversifié, renouvellement des talents, nouveaux modes de diffusion... |
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UNE MUE VERS LA TRANSVERSALITÉ
EN : Vous avez pris vos fonctions cette année : comment voyez-vous le CNC d’ici cinq ans ? Qu’aimeriez-vous apporter à cette institution à ce « Ministère Bis » ?
EG : Les nombreux CNC dans le monde, il y en a plus qu’on ne le croit, n’ont pas forcément la « complétude » de la gamme dont nous disposons : de la télévision à l’image animée en passant par les jeux vidéos et aux outils fiscaux. Déjà il faut préserver les fondamentaux de ce système. Mais il faut aussi devancer les évolutions à venir. En 2007, quand j’étais avec Véronique Cayla au CNC (à qui il a succédé, ndlr), on avait proposé la taxe sur les fournisseurs d’accès dans la cadre de la Loi sur la télévision du futur. On savait alors qu’Internet allait être un média audiovisuel. C’est encore plus le cas aujourd’hui et on cherche à protéger ce modèle que certains voudraient remettre en cause.
EN : Mais comment lutter contre des acteurs comme YouTube, Netflix… ?
EG : Il faut éviter d’être dans un système anticolonialiste où l’on aurait des autoroutes de l’information qui permettraient juste à des acteurs globaux de faire leur marché avec des franchises de taxes et de rapatrier leur chiffre d’affaires dans des pays à la fiscalité plus intéressante. Pour Google, l’Irlande n’est qu’une étape puisque tout est rapatrié en Californie. Il s’agit d’étendre notre éco-système sur Internet, comme l’autonomie budgétaire, l’union des professionnels et des services publics, ou la défense des droits d’auteur, via l’Hadopi par exemple.
EN : Pourtant le Président de la République a avoué il y a peu de temps qu’il était prêt à revoir l’Hadopi, que lui-même juge insatisfaisante.
EG : Il est pragmatique : il a toujours dit qu’il choisirait ce qui marche. Il avait déjà annoncé qu’il ferait un bilan et que si ça ne marchait pas, on ferait autre chose. Le fait qu’il ait affiché un pragmatisme ne signifie pas qu’il renie ce qu’il vient de faire.
EN : Elle est même copiée dans le monde…
EG : Les Etats Unis préparent une loi. L’Espagne, les Pays-Bas , le Royaume Uni, la Nouvelle-Zélande ont repris notre schéma.
EN : Que voudriez-vous développer en plus de tout ce que vous voulez protéger ?
EG : CNC 360°. C’est-à-dire qu’on est à la fois sur la restauration, la conservation et la diffusion du patrimoine et aussi sur l’éducation artistique, sur le soutien à toute la filière économique, la distribution, la production, l’exportation, et puis enfin sur les jeux vidéos et les nouvelles œuvres, un peu hybrides.
EN : Tout ce qui est transmédia.
EG : Voilà, tout ce qui induit de nouvelles formes de création et de communication, avec l’interactivité. Il faut qu’on réponde aux besoins des créateurs qui ne veulent plus seulement écrire un film, mais concevoir un univers qu’ils déclineront sur plusieurs supports.
EN : C’est assez similaire à la logique de marque que développent les studios américains.
EG : Exactement. Ca passe aussi par le développement de séries, au budget lourd, visant plutôt l’international, donc pas forcément tournées en français, et qui se déclineront par exemple en jeux vidéos. Pour ça, il faut renouveler notre viviers de talents et être très ouverts au monde.
EN : Vous pensez réellement que ces créateurs viendront facilement au CNC alors qu’ils créent souvent par leurs propres moyens ou avec des structures très légères, assez indépendantes des structures institutionnelles ? Bien sûr, on le voit avec La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli, les nouvelles caméras permettent une création plus libre. Mais en parlant à des étudiants, des aspirants cinéastes, on se rend compte qu’ils sont perplexes face au financement de leurs projets, face à des décideurs qui brident leur écriture, face à des réseaux plus fermés qu’ailleurs… Comment on créer du lien entre tout ça, comment on simplifie cette complexité de produire un premier film et même un deuxième, comment on stimule cette créativité ?
EG : On a déjà cassé quelques barrières. Avant il y avait un guichet cinéma d’un côté, un guichet audiovisuel de l’autre. Maintenant ils sont transversaux. On a créé un guichet production pour les nouvelles technologies. Je crois qu’il est doté de 6 millions d’euros, pour la 3D notamment. On soutient aussi la filière technique pour permettre à tous les auteurs, même les plus jeunes de créer. En fait, si on veut vraiment être sur de ne pas se tromper, il faut miser sur l’éducation, la formation continue. Il faut ouvrir davantage nos écoles à l’audiovisuel. Après, on adapte en permanence les curseurs. Ces dernières années, on a beaucoup plus aidé le cinéma, que ce soit avec l’aide au développement ou l’aide à l’écriture. On va transposer cette démarche à l’audiovisuel pour développer l’écriture des séries. On prévoit même un atelier cet automne avec les québécois, avec la Sodec et l’Inis.
EN : Vous savez que c’est ma plus ancienne collaboratrice sur Ecran noir, avec qui nous avons créés le site dédié à Cannes (Cannes-fest.com, ndlr), qui est en charge de tout cela à l’Inis ? Pouvons-nous finir sur le court-métrage puisque nous parlions de formation et de nouvelles écritures… Je crois que vous préparez une grosse opération…
EG : Nous allons lancer « Le jour le plus court ». Dans le même souci de valoriser la production de courts métrages, qui est aussi une école de renouvellement des talents et des écritures, nous voulons promouvoir ce genre, qui est très varié. Ce serait le pendant de la fête de la musique mais pour l’image. Cela comprendra les productions communautaires des internautes, des films plus artisanaux aussi et puis tout le travail qui se fait dans les écoles et les milieux socio-éducatifs. Ce serait sur tous les écrans le 21 décembre, qui est le jour le plus court de l’année. Il s’agit d’être présent sur tous les écrans, ceux des cinémas, les chaînes de télévisions, les sites web… L’opération devrait être lancée officiellement cet automne.
vincy
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