Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



A la frontière entre le court et le long métrage, Sébastien Betbeder construit une œuvre singulière et atypique qui place la parole et le texte au centre du récit. Son nouveau long métrage, Deux automnes, trois hivers, mêle ainsi monologues face caméra, voix devenues off et commentaires a posteriori sur l'action, souvent dans une même séquence.

Une liberté de ton surprenante et ultra-vitaminée, entre auto-dérision et mélancolie douce amère qui fonctionne à plein régime pour dresser ce portrait sensible et drôle de trentenaires d’aujourd’hui indécis face à la vie.

A l’occasion du Jour le plus court, pour lequel il a accepté d’être l’invité d’honneur d’Ecran Noir, Sébastien Betbeder nous a accordé un long entretien dans lequel il revient sur la genèse du film, réalisé avec peu de moyens mais en toute liberté, et sur son travail d’écriture si spécifique.

Ecran Noir : Comment est né Deux automnes, trois hivers ?

Le livre Bye Bye Bahia



Sébastien Betbeder : Je sortais d’une période assez difficile : j’avais écris un long métrage pendant trois ans, et à chaque fois que je passais en commission, on me demandait de réécrire le film.Ca a duré trois ans avec je ne sais pas combien de versions différentes. J’étais assez docile à l’époque et donc j’acceptais ça car on me disait que c’était la seule façon pour que je finance le film. Au fur et à mesure que la réécriture se faisait, je me rendais compte que je perdais l’essence du projet. Et à la fin, je n’avais plus envie de le tourner. Ca ne ressemblait plus du tout au premier jet que j’avais fait, qui était certes plein de défauts, mais qui avait une fraîcheur et quelque chose que j’avais complètement perdu. Au final, ce film, je ne le ferai jamais de ma vie, en fait, je le sais. Je me suis dit à ce moment-là "plus jamais je ne vivrai un truc comme ça". Donc, même si on a fait Les nuits avec Théodore avant, comme une espèce de parenthèse, Deux automnes, trois hivers est un peu né dans un esprit de vengeance par rapport à cette situation-là. En me disant "je fais le film que je veux faire, coûte que coûte, quitte à avoir très peu de moyens".

EN : Comment cela s’est-il fait concrètement ?

SB : L’objet Deux automnes, trois hivers était un objet qui n’est pas vraiment un scénario mais une espèce de document très singulier où sur la page de droite il y a des monologues sans numérotation de séquences, et sur la page de gauche des indications de mise en scène, parfois simplement des photos, des propositions de dispositif. Donc il y avait déjà cet objet qui était très difficile à soumettre en commission et puis il y avait des choses qui pour moi étaient incontournables, c’est-à-dire les comédiens avec lesquels je voulais travailler, le format du film (carré), le mélange des supports… Beaucoup de choses comme ça qui pour moi étaient indispensables pour la réussite du film et qui, je le sais, auraient rencontré des refus dans des conditions traditionnelles. En fait, on est donc allé frapper à la porte du court métrage et on l’a financé comme un court métrage. Très vite, on est arrivé à un montage d’une heure et demie et le film était trouvé. Donc il s’est fait comme ça mais on a eu un budget de court métrage pour le tourner et après on a eu une aide à la post-production d’Ile-de-France, de long métrage. C’est un film qui mélange des budgets de court et de long métrage, ce qui est aussi un truc que je ne pourrai jamais refaire. Bref, on a réussi à financer le film avec assez peu d’argent mais une totale liberté. Je n’ai jamais souffert de ce manque d’argent même si les temps de tournage n’étaient pas très longs, même s’il fallait choisir les décors en fonction de leur prix.

EN : Comment avez-vous fait ?

SB : Par exemple, le film se passe essentiellement à Paris, mais on a tourné 70% des scènes parisiennes à Bordeaux. Ca c’était une solution économique assez maligne de la part de la production. Bordeaux, c’est une ville qui peut tricher Paris assez facilement. On s’est retrouvé avec des appartements gigantesques là où, à Paris, on aurait dû payer des fortunes. On a trouvé plein de solutions de débrouille comme ça, ce qui fait que j’ai vraiment l’impression d’avoir tourné le film que j’avais écrit, sans contraintes et sans comptes à rendre. Ce qui est assez beau c’est que je pense qu’on devrait faire des films tout le temps comme ça, en fait. C’est un peu comme ça que j’ai fait Inupiluk [son nouveau court métrage] aussi. Juste avoir la confiance de quelques personnes qui donnent de l’argent et voilà, prouver par le résultat qu’on avait raison quelque part. Je trouve que le gros problème du cinéma français, c’est le fait qu’on ne fasse pas confiance aux cinéastes. Dès qu’il y a des propositions un peu risquées, on leur coupe l’herbe sous le pied pour aller vers des chemins vraiment balisés. C’est peut-être pour ça aussi que je continue à faire des courts métrages : c’est parce qu’il n’y a pas ces interlocuteurs, il y en a beaucoup moins, et ceux qui sont face à nous ont beaucoup plus le goût de l’aventure et de la prise de risques que dans le long métrage. Mais ce que je comprends aussi… La question économique est beaucoup plus importante dans le long.
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