(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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A la frontière entre le court et le long métrage, Sébastien Betbeder construit une œuvre singulière et atypique qui place la parole et le texte au centre du récit. Son nouveau long métrage, Deux automnes, trois hivers, mêle ainsi monologues face caméra, voix devenues off et commentaires a posteriori sur l'action, souvent dans une même séquence. Une liberté de ton surprenante et ultra-vitaminée, entre auto-dérision et mélancolie douce amère qui fonctionne à plein régime pour dresser ce portrait sensible et drôle de trentenaires d’aujourd’hui indécis face à la vie.
A l’occasion du Jour le plus court, pour lequel il a accepté d’être l’invité d’honneur d’Ecran Noir, Sébastien Betbeder nous a accordé un long entretien dans lequel il revient sur la genèse du film, réalisé avec peu de moyens mais en toute liberté, et sur son travail d’écriture si spécifique.
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EN : Et idée reçue numéro deux : on met beaucoup Deux automnes, trois hivers en parallèle avec deux autres films qui sont eux aussi sortis cette année…
SB (complétant lui-même la question) : La fille du 14 juillet d’Antonin Peretjatko et La bataille de Solférino de Justine Trier. (il rit). Le fait de nous regrouper, c’est quelque chose qui nous a énormément servi, qui a mis une espèce de regard sur nous. Je ne regrette pas cette mise en lumière. Pour moi, il y a un point commun entre nous. Pas à la même échelle, mais un peu de la même manière, on a voulu faire des films coûte que coûte, chacun. Trouver les moyens de fabriquer les films sans avoir à dépendre de contingences économiques et tout ça. C’est un peu ce qui nous réunit. Après, maintenant que j’ai vu les autres films, je trouve qu’ils sont assez opposés à pas mal d’endroits. Bien sûr, il y a Vincent [Macaigne] qui nous réunit. Un comédien comme Vincent, il n’y en a pas des dizaines. Il est représentatif aussi d’une époque, de ce qu’est un garçon de trente ans aujourd’hui. C’est un comédien incroyable. J’en parlais avec un journaliste qui le comparait avec le Depardieu des années 80. Et c’est vrai que Depardieu pouvait jouer chez Duras, chez Resnais, chez Pialat, chez Claude Regy au théâtre. Et ça, qui à part Vincent est capable de ça aujourd’hui, et revendique cette pluridisciplinarité ? Mais pour revenir à la question, je pense que les deux autres cinéastes diraient la même chose que moi : ces trois films sont nés d’une situation dont on avait ras-le-bol. Une envie de donner un coup de pied dans quelque chose qui, moi, m’angoisse beaucoup, c’est un académisme du cinéma d’auteur. Une espèce de façon dont on fait croire que des films pour moi très académiques, sont du cinéma d’auteur. Mais pour moi, c’est du cinéma extrêmement balisé qui, en tant que spectateur, m’offre très peu de perspectives. Ca, je le prends pour moi, je ne veux pas parler en leur nom à tous, mais il y a quelque chose de cet ordre-là, une ambiguïté sur ce qu’est le cinéma d’auteur en France.
EN : Quelque part, c’est aussi rassurant de voir qu’on peut travailler comme ça, en dehors de l’industrie.
SB : C’est rassurant, même si ça a été pour nous tous des choix économiques. Ca veut dire qu’on avait tous des équipes capables de nous suivre. Ca veut dire que les gens étaient très mal payés. C’est pour ça que je n’en dresse pas du tout un portrait idéal. On a fabriqué des contextes de liberté parce qu’on ne nous l’offrait pas. Si ça a permis de faire avancer les choses, c’est super. On le verra dans les prochaines années. Je sens des choses très positives, des regards vers nos films de la presse, des chaînes de télévision… J’espère ne pas me tromper, que ça va ouvrir des possibilités. Pour nous trois, c’était une prise de risques, aussi. Ca aurait pu être un plantage total, sans aucun regard bienveillant pour les films. Ce n’est pas ce qui s’est passé, donc j’espère que c’est encourageant.
MpM
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