Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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A l'occasion de la sortie de Que viva Eisenstein !, nous avons longuement rencontré le réalisateur Peter Greenaway pour une conversation à bâtons rompus sur Sergueï Eisenstein, Eros et Thanatos, le cinéma de propagande, le présent et l'avenir du cinéma, la Russie...

Le film, qui était présenté en compétition au Festival de Berlin 2015, marque pour la première fois l'incursion de Peter Greenaway sur le terrain du "biopic" de réalisateur. S'il s'était par le passé penché sur plusieurs peintres, dont Rembrandt et Goltzius, et même réalisé un hommage au 8 et demi de Fellini, c'est en effet la première fois que le cinéaste britannique se penche sur l'un de ses "confrères", et non des moindres, puisqu'il s'agit de l'inventeur du cinéma moderne, le Russe Sergueï Eisenstein.

Hommage non affecté, flamboyant et virtuose, Que viva Eisenstein ! aborde les thèmes favoris de Greenaway à travers une mise en scène bourrée d'effets, de références et d'humour qui rappellent que la force première du cinéma est avant tout visuelle. Un plaidoyer fulgurant au service de la vision très spécifique que le réalisateur a développé autour du cinéma.

Trilogie

J’ai toujours pensé que les films sur le milieu du cinéma avaient quelque chose d’incestueux. Et puis j’ai commencé à faire des films sur des peintres, parce que ma première formation était la peinture, et non le cinéma. J’ai fait un film sur Rembrandt (La ronde de nuit), sur Goltzius ( Goltzius et la Compagnie du Pélican). Je prépare un film sur Oscar Kokoschka et à la fin de l’été, je commencerai un film sur Brancusi. Des hommes d’images… Donc au bout d’un moment, je me suis dit : "allez, je le fais ! . J’ai voulu exprimer toute ma gratitude à Eisenstein pour être une source d’inspiration aussi extraordinaire et aussi faire la démonstration qu’il était un grand homme, un formidable réalisateur, mais aussi quelqu’un de très humain. Donc nous avons fabriqué un personnage très humain, très physique, qui parfois se comporte mal. Une fois encore : étant à l’étranger, il suit ses inclinations. Quant à moi, je crois qu’il me serait difficile de faire un film sur Eisenstein de retour en Russie. Et en même temps, je trouve que nous avons trouvé l’acteur idéal pour jouer Eisenstein, cela m’encourage. Donc j’ai envie de faire une trilogie ! Si nous trouvons assez d’argent, le prochain sera sur la venue d’Eisenstein au premier festival de films en Suisse en 1939. Il y a eu un débat à l’époque pour savoir si le cinéma était un divertissement ou un art. Le débat existe toujours, n’est-ce pas ? J’imagine que pour la survie de l’industrie cinématographique, il faut que cela soit les deux ! Ensuite, on fera un film sur Eisenstein à Hollywood, ce qui semble complètement contradictoire : ce grand réalisateur spécialiste des associations poétiques qui va au cœur du cinéma narratif et commercial !

Biopic... non conventionnel

Il y a une anecdote que l’on répétait souvent sur le tournage et qui figure dans le film. Lorsqu'Eisenstein est arrivé à l’aéroport de Rotterdam, il y a avait une foule compacte de journalistes qui l’attendaient. Mais quand ils l’ont vu, ils ont semblé très déçus : ils attendaient Einstein ! Donc, on peut se demander dans quelle mesure le grand public d'aujourd'hui connaît Eisenstein… Mais est-ce que cela signifie que, moi, je dois éduquer les spectateurs ? Dois-je dire : voilà, c’est Eisenstein. Il est né tel jour, à tel endroit, etc. D'une part ce serait assez barbant, mais en plus, à notre époque, les gens peuvent facilement trouver toutes les informations qu’ils souhaitent sur Eisenstein !

J’imagine que d’une certaine manière, c’est un biopic, mais un biopic très peu conventionnel. Je n’ai pris qu’une toute petite partie de sa vie, ces dix jours où il est loin de ses centres d’intérêt, de Staline, loin du matérialisme dialectique… et je pense que vous serez d’accord avec moi : quand on voyage à l’étranger, on devient une autre personne. Pas forcément de manière aussi dramatique, mais on gagne une certaine forme de liberté. On commence à voir notre pays d’origine différemment.

Par ailleurs, nous avons beaucoup joué, dans Que viva Eisenstein ! . Nous avons beaucoup cité ses films : des séquences célèbres d’Octobre et du Cuirassé Potemkine, à plusieurs reprises. C’est un peu ironique, aussi. Car si vous êtes étudiant en cinéma, vous faites une orgie d’Eisenstein. Vous devez être attentif, tout regarder dans les moindres détails. Ca a un petit côté "allez, c’est reparti, tiens, les escaliers d’Odessa", etc. On voulait jouer avec cette idée-là aussi.

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