Après quatres courts et moyens-métrages réalisés dans le cadre universitaire (« Six Figures » 1967 / « The Alphabet » 1968 / « The Grandmother » 1970/ « Amputée » 1974), David Lynch a travaillé sur son premier long-métrage : « Eraserhead ». D’une noirceur sans égale, ce véritable monument maladroit et génial explore les tréfonds troubles de l’âme en usant abondamment de symboles psychanalytiques évidents, reflets prometteurs de l’univers chaotique et passionnément dérangé que le cinéaste va déployer avec force dans ses œuvres futures.
Tourné à l’aide de moyens spartiates sur une période de plus de quatre ans, ce premier film aujourd’hui élevé au rang du culte cultive dans son fond et dans sa forme les références au surréalisme du début du siècle et aux frasques cinématographiques de Bunuel.
C’est dans cette veine qu’on peut considérer que ce conte de la folie peu ordinaire s’axe davantage sur une volonté d’expérimentation visuelle et sonore, étonnante d’ambition, de beauté, et d’inventivité. Dépourvue pour ainsi dire d’action, l’histoire témoigne de la vie d’un homme (feu Jack Nance), qui erre lamentablement dans les labyrintes de ses propres névroses, celles qui, bien sûr, rongent avant tout l’esprit du réalisateur. C’est ainsi qu’on trouve à travers symboles et autres projections angoissantes : la peur de l’autre, le vieillissement, la paranoïa, la frustration sexuelle et la difficulté d'assumer la paternité. Et contrairement à Cronenberg, qui explore le corps comme Lynch sonde les méandres du cerveau, le réalisateur de « Eraserhead » fait preuve avec violence d’une phobie profonde de l’organique.
Premier clou qui fixe les fondements de l’œuvre complète de Lynch, « Eraserhead » s’enfonce profondèment dans une plaie suintante qui ne s’est toujours pas refermée.
Véritable coup de maître et premier électro-choc pour le public. Les fans de la première heure arborent encore aujourd’hui le célèbre badge distribué pour l’occasion de la sortie du film: « I saw it ».
Terriblement évocateur.
Romain