Premier véritable succès populaire de David Lynch, « Elephant Man » séduit les foules par sa simplicité formelle, son noir et blanc sublime, et l’histoire touchante développée autour de ce « monstre de foire » qui souffre de sa condition inhumaine. Bref, la monstruosité se trouve dans le regard de l’autre et Lynch construit un manifeste intelligent sur la cruauté, la pitié et le voyeurisme cousu dans le tissu sensible d’une aude à la tolérance. Référence nette au « Freaks » de Tod Browning, « Elephant Man » nous plonge également dans une ambiance étrange, aux portes de l’atmosphère des films muets et aux antipodes du film hollywoodien classique. C’est le côté obscur du film, érigé par l’esprit tortueux de Lynch dans un exercice de style parfois risqué sur l’élaboration d’un univers de jeux d’ombres menaçantes et de musique stridente à souhait. Le spectateur qui a vu « Eraserhead » fait obligatoirement le parallèle entre les univers de ces deux films, bien plus proches qu’il n’y paraît.
Si « Elephant Man » s’est révélé jusqu’à « Une histoire vraie » le moins lynchien des films du cinéaste, il révèle néanmoins un talent extraordinaire pour la mise en scène dramatique, la construction, et la direction d’acteurs (John Hurt et Anthony Hopkins sont à couper le souffle).
Film à part dans la carrière de Lynch, « Elephant Man » lui permet de poser ses galons de réalisateur, de rassurer les producteurs et la majeure partie du public effrayés par l’hermétisme de son premier film. « Elephant Man » décroche par ailleurs huit nominations aux oscars et un prix à Avoriaz.
Romain