Voici l’un des films les plus intéressants de David Lynch. L’échec cuisant de « Dune » en mémoire, Lynch procède à un retour aux sources complet en concoctant l’alchimie parfaite de ses trois expériences précédentes : L’underground, le succès populaire, et l’entreprise hollywoodienne.
Amoureux du film noir classique, Lynch va imprégner « Blue Velvet » d’une atmosphère bleutée et sirupeuse quasi hors du temps, alliée au nouveau thème fort du réalisateur : la face cachée de la normalité.
Pour résumer ce procédé ingénieux qui permet à Lynch de déjouer les évidences et d’échapper aux certitudes du spectateur, on peut considérer que dans l’univers Lynchien, la banalité cache quelque chose, les gens « normaux » sont des pervers, des fous, ou des tueurs. Comprenez : Lynch explore les faux-semblants de l’Amérique.
« Blue Velvet » débute comme un conte de fée, mettant en scène « le » quartier américain typique, calme et sans histoires. Pourtant, derrière les fenêtres et le sourire clinquant de ses habitants se cache le visage véritable d’une population qui plonge, la nuit, dans un monde étrange et terrifiant. Jeffrey, alias Kyle MacLachlan, oscille alors entre sa relation rassurante avec Sandy le jour, sa fiançée « rose-bonbon », et les ténèbres de velour bleuté qui entourent Isabella Rossellini la nuit. Comme pour Jeffrey, le spectateur se laisse emporter dans un tourbillon de folie dangereux, mais tellement plus fascinant. Pourtant, et ce sera désormais la norme chez Lynch, personne ne sort indemme de l’expérience.
L’intrigue policière qui s’était mise en place au début du film se positionne en second plan, fausse piste parmi d’autres, pour laisser place aux préceptes naissants de l’univers Lynchien : une succession de scènes troublantes, d’images fortes, de plages musicales planantes, de recherche sonore expérimentale, et, bien sûr, de troubles psychotiques graves.
Premier véritable classique du réalisateur américain et première collaboration réussie avec son compositeur fétiche, Angelo Badalamenti.
Romain