(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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EN : La cérémonie est mon choix. C’est l’un des film de Chabrol que je préfère. Son montage a aussi une histoire…
MF : À partir de l’ouverture de Don Giovanni et jusqu’au meurtre, j’ai monté le film à l’envers.
EN : Pourquoi ?
MF : Parce que le film présente des inserts de l’opéra de Mozart dans l’écran de télévision des bourgeois. Ça, c’est pour l’image. Quant à la musique, il faut qu’elle résonne dans la cuisine pendant pour toute la préparation du meurtre.
EN : Ce crime n’est quasiment pas prémédité. Dans le film, son idée germe dans les têtes d’Isabelle Huppert et de Sandrine Bonnaire en temps réel jusqu’à son exécution…
MF : Je me suis vraiment creusée la tête pour parvenir à une synchronisation aussi longue ! Je suis donc partie de la fin de l’opéra en me fixant des repères sons sans regarder aucune image. À partir de ces repères musicaux, j’ai intégré les séquences pour que tout soit raccord.
EN : Et ces repères que l’on voit à télé ne sont pas choisis par hasard. Ils vont crescendo et indiquent par palier la tragédie qui se prépare.
MF : Il y a quand même une séquence qui déjoue les lois du temps réel. Chabrol a dû trouver une astuce pour arriver à la caser.
EN : C’est le léger fondu enchaîné qui accélère la séquence dans laquelle Huppert et Bonnaire boivent leur tasse de chocolat avant de se rendre dans la salle à manger.
MF : Oui, c’est ça. Il était impossible de faire autrement.
EN : Selon Claude Chabrol, La cérémonie est un film sur la lutte des classes. C’est aussi une œuvre terrifiante avec deux comédiennes en état de grâce. Chabrol avait dit à Bonnaire : "Le personnage de Sophie est comme un légume.". Lors des essais de coiffure, elle lui a proposé sa frange qui ressemble vraiment aux racines d’un poireau. C’est comme si son cerveau était rayé, barré par cette ligne de cheveux. Formidable métaphore de son analphabétisme, de son enfermement... Qui dit Claude Chabrol, dit Isabelle Huppert !
MF : À part Violette Nozière, je crois que j’ai monté tous les films avec Isabelle. Son jeu devient de plus en plus cérébral. Cela se ressent tout particulièrement dans L’ivresse du pouvoir.
EN : C’est une technicienne redoutable qui peut faire couler une larme si elle le commande à son corps. Une mécanique de comédienne hors pair.
MF : C’est fou le métier qu’elle a. Elle sait l’impact de la caméra sur son visage au millimètre près. Quelle perfectionniste ! Je la trouve extraordinaire dans Une affaire de femme parce qu’elle assume son personnage avec une totale légèreté. Elle ne se rend absolument pas compte des conséquences de ses actes.
EN : Quand, tremblante de peur avant la guillotine, elle murmure en priant : «"Sainte Marie pleine de merde…"…
MF : Encore une réplique d’un film Claude qui reste ! Celle-ci a même déclenché un attentat à la bombe dans un cinéma parce qu’Une affaire de femmes est sorti en même temps que La dernière tentation du Christ de Martin Scorsese !
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