Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Après un exil aux Etats-Unis où il réalise trois films bien anglo-saxons (Raisons et sentiments, The Ice Storm et Ride With the Devil), il était presque normal que le taiwanais Ang Lee revienne à ses origines. Avec Crouching Tiger, Hidden Dragon (Tigre et dragon), c'est vers la Chine de son enfance qu'il se tourne. Chorégraphies somptueuses, scènes de combats totalement innovatrices et lyrisme des joutes martiales dans la Chine ancestrale, Ang Lee livre là un grand film à la fois épique et exalté. Un chef d'œuvre, tout simplement.


EN : Comment s'est passée votre collaboration alors?

AL : Très bien. C'est d'ailleurs notre collaboration qui a rendue cette scène possible. Il a finalement fait ce que je proposais, mais j'ai parfois dû hurler sur le plateau (rires). Il a tellement d'expérience... si vous ajoutez encore à ça la pression du temps, il fallait que je le fasse de temps en temps. Mais j'ai beaucoup appris de lui aussi. En fin de compte, je crois qu'il sait parfaitement ce qui est bien pour la caméra. C'est une sorte de visionnaire.

EN : La séquence du flash-back est spécialement longue. Pourquoi ce choix?

D'abord parce qu'elle est dans le livre. Elle y est même plus longue encore. La première question que je me suis posée en choisissant d'adapter ce livre, c'était effectivement à propos de ce flash-back: allais-je le garder ? C'est vrai que cette scène ne correspond pas tout à fait au genre, mais je me suis finalement dit: "Au diable". Et je savais qu'avec la fin du film, le retour serait vraiment payant. J'ai tenté de faire de mon mieux pour qu'il paraisse très isolé mais aussi en faisant en sorte que les passages romantique soient intéressants. Finalement, je me suis peu soucié des problèmes de structure. J'ai pris pas mal de liberté par rapport au genre.

EN : Aviez-vous le control de chaque aspect du film?

AL :Pour la plupart, oui. C'est sûr qu'en Chine, on ne connaît pas le principe des "sneak previews" (projections organisées par les producteurs pour tester les réactions du public, et pouvoir ainsi arranger le film en fonction, ndr). Ils tournent leur films, les montent et les sortent aussitôt (rires). Mais pour ce film là, j'ai du passer deux fois par ce système. Durant le tournage, je n'ai jamais eu à faire face à une quelconque pression de la part du studio. Par contre, en post-production, là ils essayent de vous influencer d'une manière ou d'une autre. Ils commencent à avoir peur, à se demander pourquoi on fait ceci ou cela... Le "final cut", dans mon contrat, était lié avec le budget du film. Si je parvenais à rester en dessous d'une certaine limite, je pouvais faire ce que je voulais. Mais comme j'ai fini par le dépasser... (rires). Mais je crois que quand il s'agit d'un metteur en scène -d'un homme seul- face à un studio, le "final cut" va au-delà du simple contrat parce que le studio aura toujours dix mille façons pour vous faire entendre raison. Je crois qu'il s'agit avant tout de développer de bonnes relations avec le studio et de voir de quelle manière ils vous font confiance.

EN : Vous avez donc dû faire quelque concessions?

AL : Oui, mais de temps en temps celles-ci peuvent être raisonnables. Vous devez parfois choisir vos batailles. Comme vous ne pouvez pas toutes les gagner, vous devez choisir celles qui vous tiennent vraiment à coeur. Par exemple, dans Ride With the Devil, l'histoire s'est révélée très confuse auprès du public. Et elle l'était vraiment, c'est un fait. Le studio voulait que je mette un peu d'ordre dans tous ça, et ce n'était évidemment pas de mon goût. Mais quand vous voyez que même un brillant professeur ne saisit pas toute l'histoire, ce n'est peut-être pas la bonne bataille que vous menez. Vous devez alors peut-être tenter de sauver d'autres aspect du film. J'ai alors tourné d'autres scènes, fait en sorte que la narration soit plus simple...

EN : Avec Crouching Tiger, Hidden Dragon, vous avez adapté le quatrième volume d'une série qui en compte cinq. J'ai lu que vous comptiez maintenant réaliser une suite mais aussi une prequelle. Alors qu'à Cannes, vous aviez annoncé que vous en aviez assez des arts martiaux et que si quelqu'un voulait réaliser une suite à votre film, et bien il n'avait qu'à le faire. Qu'en est-il maintenant?

AL : Les réactions du public et de la critique sont si bonnes, qu'aujourd'hui j'hésite. Je ne ferais probablement pas une suite parce que je crois que la fin fonctionne très bien comme cela, mais le deuxième tome est vraiment excellent. Je serais donc plutôt tenté de réaliser un épisode se déroulant avant. Ce deuxième volume raconte l'histoire de Li Mu Bai et Yu Shu Lien (Chow Yun Fat et Michelle Yeoh dans Crouching Tiger, Hidden Dragon, ndr). Il y a de la romance, des combats, des effets de narration intéressants... Mais ce serait vraiment bien si on pouvait amener quelques idées nouvelles... J'ai passé le plus clair de mon temps à apprendre sur ce film-là. Et si je pouvais en faire un autre, il y a certaines choses que je ferais mieux. Propos recueillis par John Nada.


   John Nada

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