Duel
1971 (TV) / 1973 (cinéma) 658 000 entrées France
 

David Mann traverse la Californie en voiture. A un moment donné, il tente de dépasser un camion-citerne. Celui-ci semble agressé. Il empêche David de poursuivre sa route, ralentit, joue avec ses nerfs. Une confrontation commence entre les deux véhicules.

Scénario : Richard Matheson
Musique : Billy Goldenberg
Image : Jack A. Martha
Montage : Frank Morriss
Durée : 74 mn (TV), 90 mn (ciné)

casting:
Dennis Weaver (David Mann)
Jacqueline Scott (Mme. Mann)
Eddie Firestone(le proprio du Café)
Lou Frizzell (le chauffeur de bus)

De son premier film en format long, Steven Spielberg le qualifiera " d'ésotérique ". Même s'il a été initialement produit pour la télévision, le réalisateur le considère bien comme son premier film de cinéma. Il a été tourné dans des conditions cinématographiques et le film a ainsi pu sortir en salles en Europe.
Le succès a été immédiat, tant à la télé qu'au cinéma. Un phénomène reconnu par la profession, jusqu'à David Lean, que Spielberg admire par dessus tout, qui y voit un " jeune réalisateur brillant ".
L'histoire a été écrite par un auteur de Science-fiction, Richard Matheson, et publiée dans Playboy. De ce qu'on sait, il ne s'intéressait pourtant pas beaucoup aux filles à cette époque là. Duel est un matériau riche en suspens, tension angoissante, et cinématographiquement idéal. Spielberg prend le parti pris de ne pas montrer le chauffeur du camion, faisant de l'engin l'ennemi physique, le réel méchant. Il est filmé comme s'il était gigantesque, impressionnant, monstrueux. On commence déjà à deviner quelques thèmes du cinéaste.
Si il oppose classiquement sa vision de l'homme contre la machine (et traite déjà un propos humaniste), il explore davantage une masculinité défaillante, fragile, une virilité orgueilleuse et impotente. Il utilise pour personnifier le mâle contemporain affaiblit (avec quelques années d'avance sur la réalité sociale) un Américain moyen. C'est le héros " spielbergien " par excellence. Il est confronté à une situation extraordinaire, qui le dépasse, qu'il se doit de surpasser. Le camion rappelle, lui, les menaces non humaines des films à venir : robots, dinosaures, requins, serpents, avions… Bêtes ou objets immondes dans leur horreur.
On remarque aussi, avec la séquence du bus scolaire, l'utilisation cruelle des enfants à des fins cinématographiques. La face obscure de Spielberg est déjà présente puisque c'est le camion qui les " sauvera ". Entre temps, avec un certain sadisme, le cinéaste nous aura fait croire au contraire.
Duel est donc cohérent avec ce qui suivra. En y ajoutant des réflexions intérieures en guise de monologues, le réalisateur obtient un résultat étonnant de film d'auteur spectaculaire. L'expérience est sensationnelle, cauchemardesque. D'explosions en destructions, Duel est " trash " mais remarquablement cinégénique et " cinégénial ". La course-poursuite est légendaire a été réalisé avec une grande liberté, notamment parce que l'équipe était loin des influences des décideurs de Universal, mais aussi parce que les coûts de production étaient très faibles.
Le réalisateur a filmé ce duel entre l'automobiliste et le camion tel un western : décor aride et sableux, bars au milieu de nulle part. On est assez proche de Sergio Léone. Le duel est sous le soleil exactement, le long de routes infinies. Il y a l'homme solitaire et la machine diabolique. L'homme est là pour renaître après une traversée du désert. Duel est un film noir ; au delà de son aspect violent, le film est complètement suicidaire dans son esprit. Y compris dans sa construction. Après tout, Spielberg a failli en faire un film muet et n'a conservé qu'une quarantaine de lignes de dialogues. Le chauffeur du camion n'est pas visible parce que très tôt il est apparu qu'il était impossible de le filmer à cause de la réverbération du soleil. Formellement, il se rapproche assez d'une autre expérimentation fantastique de l'époque : " THX 1138 ", d'un certain George Lucas.
Bien sûr le film est avant tout une preuve de la maîtrise cinématographique du prodige. La version cinéma est réputée moins parfaite, à cause de l'intervention de la femme du personnage principal. Il n'empêche que Duel a permis à Spielberg de passer son premier examen de passage avec brio.
 
      Dossier réalisé par Vincy + PETSSSsss
      (C) Ecran Noir 1996-2005