1941
1979 - 682 000 entrées France
 

Un aviateur US belliqueux et kamikaze. Une nymphomane qui prend son pieds en s'envoyant au ciel avec un engin qui décolle. Un général qui pleure devant Dumbo. Une maison qui glisse d'une falaise. Un sous-marin au périscope phallique et aux chiottes stratégiques. Une grande roue en folie avec un ventriloque à son bord. La parano s'empare de L.A. (et d'Hollywood) à la suite de l'attaque de Pearl Harbor. La Californie se sent menacée par jes japonais. Mais ce ne sera pas pire que les Californiens eux-mêmes.

Scénario : Robert Zemeckis, Bob Gale, John Milius
Musique : John Williams
Image : William Fraker, Frank Stanley
Montage : Michael Kahn
Durée : 118 mn

casting :
Dan Aykroyd (Sergent Tree)
John Belushi (Wild Bill Kelso)
Ned Beatty (Ward Douglas)
Christopher Lee (Von Kleinschmidt)
Tim Matheson (Birkhead)
Et aussi Robert Stack, Nancy Allen, John Candy, Treat Williams.

En 1938, Orson Welles avait affolé les Etats Unis en annonçant " La guerre des mondes " à la radio. Cette panique exista réellement à Los Angeles après l'attaque de Pearl Harbor. Une frénésie telle que de nombreuses cartouches furent gâchées pour tirer dans des nuages.
Spielberg n'a pas confiance en lui, malgré deux succès consécutifs. Pourtant, il s'aventure dans la comédie, avec un casting digne du " Saturday Night Live ", dès que ce script délirant (et hilarant) lui tombe dans les mains. Beaucoup trouve que " 1941 " est raté. Les faits montrent que le film a été un échec public (mais pas financier). Pourtant, c'est un pur moment de bonheur, de folie, d'ivresse, entre Mel Brooks et le cartoon. Sans le savoir, Spielberg signait son seul film drôle (avec la saga des " Indiana Jones " dans un registre plus aventureux), et sans doute le plus culte.
Pour Spielberg, c'est la révélation d'une face peu connue de sa lune, l'humour. On le retrouve dans une scène ou un personnage à chacun de ses films. Mais là il a voulu exploré son coté " Hellzapoppin ", comme il le dit lui-même, jusqu'à s'auto-parodié en plagiant l'ouverture maritime de " Jaws " ou la station-service de " Duel ".
" 1941 " abuse de tout : l'excès des personnages, les situations extrêmes (et rarement subtiles), les prises de vues sinueuses (le film est entièrement tourné avec une Louma, caméra qu'avait repéré Spielberg à un Festival de Deauville). Le film marque un tournant dans la vie de Spielberg. Il va vouloir s'associer à un producteur pour arrêter les dépassements de budget (de 4 on est passé à 32 millions de $) et de jours de tournage qu'il subit depuis " Jaws ". Il va se rendre compte que l'échec du film ne le touche pas, comparé à la rupture avec sa copine de l'époque. Le cinéma n'est pas toute sa vie. Après cette utilisation gâtée de la Louma (" 1941 " est devenu une référence dans le domaine), il préférera des caméras plus classiques et des plans plus rigides.
Pourtant la perception des gens est celle d'un film raté et déficitaire. Tout faux. Mais le public a été perturbé : cette grande fête foraine que livre Spielberg n'a pas d'histoire centrale (mais 7 !), aucun personnage auquel s'identifier… c'est comme un cirque, un spectacle qu'on adore mais qui part dans tous les sens. En ce sens, il rend hommage indirectement au premier film qu'il a vu au cinéma, " Sous le plus grand chapiteau du monde". Le film est aussi l'exact opposé d'un " Saving Private Ryan ". Il ne montre pas la guerre, il n'y a pas de sang, mais dévoile un gigantesque capharnaüm, une sorte de parc d'attractions. C'est en fait un parfait portrait de ce que les californiens sont : superficiels et déconnectés, hystériques et bizarres. La satire vise cet état clairement quand le général parle d'un état insane. Le script fut tellement mal perçu que John Wayne refusa le rôle du général (idem pour Charlton Heston), écrivant à Spielberg qu'il déshonorait l'Amérique avec de tels propos et qu'il ferait mieux de faire un film sur la Deuxième Guerre mondiale. Justement, après les zincs rescapés de " RD3T ", " 1941 " prouve à quel point ce conflit inspirera Spielberg (au total 4 films autour du sujet). Les avions ont aussi une réelle importance dans son cinéma. Et les poursuites ici sont aériennes et parodient même " Star Wars ". Bourrée de blagues et de répliques comiques, cette farce, écrite par un certain Robert Zemeckis, se veut un hommage aux comédies des années 40.
Le général (encore lui) qualifie ce qu'il voit de " démentiel ". Ca tombe pas loin… Le paroxysme est atteint lorsque la grande roue s'échappe de ses tenants et roulent vers la ville. Un grand moment d'extravagance. On ne peut que s'attacher à ce genre de moments imprégnés à jamais dans nos mémoires.
Surtout, Spielberg évoque là une vision puissamment anti-militariste qui rappelle la comédie-parodie de Kubrick (et oui déjà), " Dr Strangelove ". Les puristes critiquent la surenchère désopilante du film. Les cinéphiles y verront là un rare instant de liberté dans l'œuvre d'un cinéaste qui semble tout contrôler. L'absurde bataille contre le bon sens. Le père de famille s'occupe davantage de l'ennemi que de son entourage, un peu comme Dreyfuss dans " RD3T " avec son hallucination. Le film puise sa rage dans la peur, les phobies, l'animalité de l'homme. Le tout vire dans le cocasse outrancier, et s'accélère pour finir en feu d'artifice et laisser une impression de jubilation après un regard si subversif sur ses compatriotes. Elément souvent oublié dans ses biographies.
 
      Dossier réalisé par Vincy + PETSSSsss
      (C) Ecran Noir 1996-2005