The color purple
1985 - 1 756 000 entrées France
 

C'est l'histoire de Celie, 14 ans, jeune fille du Sud, au début du XX ième siècle. Enceinte de son père, mariée de force à une brute mysogine, séparée de sœur bien aimée, nous suivons sa vie durant 30 ans, de sa soumission à sa libération, de son abandon à ses affections.

Scénario : Menno Meyjes (d'après le roman d'Alice Walker)
Musique : Quincy Jones
Image : Allen Daviau
Montage : Michael Kahn
Durée : 154 mn

casting:
Danny Glover (Albert)
Whoopi Goldberg (Celie)
Margaret Avery (Shug Avery)
Oprah Winfrey (Sofia)

" La couleur pourpre " est une expérience à part, complètement sous-estimée par le public et souvent mal comprise par la critique. Dès lors qu'il s'agit de Spielberg, désormais, un film n'est plus considéré comme normal. Qu'un " blanc " réalise un film de " noirs " choque. Qu'il affirme faire " un film adulte sans effets spéciaux " surprend. Pourtant, après le second Indiana Jones qui lui laisse un goût d'insatisfaction, le cinéaste cherche un sujet fort et un tournage différent. Avec 12 acteurs au centre de l'histoire, il a l'impression de diriger une troupe de théâtre. 12 acteurs dont une petite nouvelle nommée Whoopi Goldberg (sensationnelle !), une future star de la TV (Oprah Winfrey avant ses régimes populaires) et une chanteuse (Margaret Avery remplaçant Tina Turner, qui a boudé le rôle). C'est même son premier film sans effets spéciaux.
C'est son associée d'Amblin, Kathleen Kennedy, qui lui faire lire le livre, qui lui parle immédiatement. Il voit cette histoire de femmes (il a 3 sœurs), cette description des relations entre les deux sexes, les émotions qui en découlent. Il part à la rencontre de ces personnages, comme il apportaient des aliens pour mieux refléter la personnalité de l'Homme. Il y ajoute des couchers de soleils somptueux, des chants mélodieux (du gospel " Sister " à celui des deux sœurs), et des femmes battantes, meurtries, solidaires dans un univers mâle qui leur fait mal. Epique, " La couleur pourpre " s'apparente à " RD3T", même si le mélodrame remplace la science-fiction. Il y a là l'itinéraire d'une personne, comme une initiation, une recherche absolue de son destin. Un peu comme le robot-enfant de " A.I. ", elle va vouloir retrouver l'affection de celle dont on l'a séparée. Le film pénètre profondément dans nos chairs et nous fait verser quelques larmes. Elle supporte la souffrance parce qu'elle sait qu'à un moment donné la foi croisera son chemin. Elle y croit. D'ici là, elle devra apprendre à dire " non ", à sourire sans se cacher les dents, à profiter un peu de la vie. Bouleversant, " La couleur pourpre " est d'une rare justesse émotionnelle, portée par la voix off suave et apaisée de Celie.
Produit par Quincy Jones, l'œuvre a reçu 11 nominations aux Oscars. Une seule fut oubliée : celle de réalisateur. Personne ne semblait accepté le tournant d'un faiseur de blockbusters. Au final, le comble fut atteint. " Out of Africa " emporta 7 Oscars tandis que " The Color purple " repartit bredouille. Le film rapporta deux fois moins qu'Indiana Jones, mais à la vue du sujet, fut un gros succès. Spielberg n'en prit pas ombrage. Il était parvenu à séduire un nouveau public, plus adulte. A la même époque, il venait de lire " Schindler's list ", reculait encore son remake de " A guy named Joe " et travaillait sur " Empire of the Sun ", le troisième Indy et même " Hook ". C'est pourtant ce film " féminin " qu'il avait choisi. Il a tellement été emballé par le livre qu'il voulait le réaliser immédiatement. Il n'avait pas non plus besoin de la reconnaissance. Deux de ses films avaient été de grands succès critiques et la plupart ont trouvé écho auprès d'un large public.
D'un point de vue technique, Spielberg l'a conçu comme un film d'auteur. Pas de storyboards (à l'instar d' "E.T. "), beaucoup de dialogues, pas d'action, de nombreux personnages, une violence complètement effacée ou adoucie… et, bien évidemment, une figure paternelle lâche et chauvine. Il est surtout imaginé comme une œuvre universelle : il ne s'agit pas de faire une observation ethnique ou une critique sociale. C'est ce qui gêne certains. " La couleur pourpre " est un mélodrame humain à comparer avec " Autant en emporte le vent ", pas avec un film sur les ghettos ou les conflits raciaux des années 60. C'est surtout la première fois (et l'une des rares fois) où la femme prend une réelle importance dans le cinéma de Spielberg (sinon, il faudra attendre " Always " et " A.I. "). Il se rapproche davantage de ses cinéastes de référence (Truffaut, Lean, Kurosawa) en pensant réaliser une œuvre noble, par opposition à son étiquette de fantaisiste. Il essaie surtout de s'imaginer un nouveau désir, de créer ses nouvelles envies de cinéma. Car au bout de quinze ans, à peine, de carrière, il a réalisé tous ses rêves, y compris le film de sa vie (" E.T. "). Il faudra attendre " Schindler's list " (94), pour qu'il s'accomplisse pleinement. " The Color Purple " n'en est que l'intro.
C'est aussi là que l'on constate son avance sur les autres. Pendant que ses disciples (Zemeckis, Dante, Donner, Levinson) s'exercent à la réalisation, lui amorce déjà sa seconde période, de loin la moins aboutie. Mais il va définitivement régler ses comptes avec ses propres Maîtres, pour mieux se libérer dès les années 90. Clairement, il n'aurait pas réalisé " La couleur pourpre " avec autant de distance, avec autant d'esthétisme, une décennie plus tard. Il rend merveilleux l'horreur comme il le faisait pour " E.T. ". En fait, ce film est labellisé Spielberg, des références à la culture populaire aux personnages proches de son univers. C'est davantage une très belle leçon de cinéma, et un travail d'équipe exceptionnel, qu'un film simplement distant, bien rythmé et maniéré.
 
      Dossier réalisé par Vincy + PETSSSsss
      (C) Ecran Noir 1996-2005