(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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EN : Finalement, c’est une expérience théâtrale qui vous a conduite à la comédie au cinéma ?
IC : Oui, c’est juste après les représentations que je devais jouer Quatre étoiles de Christian Vincent qui est en fait la première vraie comédie dans laquelle je joue. Avant, j’avais fait des petits rôles dans des comédies comme Mercredi ou la folle journée. Mais moi dans ce film, je joue dans le drame : je suis une femme dépressive qui pète un plomb sur l’autoroute. J’avais trouvé qu’elle soit enrhumée, parce que moi j’étais enrhumée. Donc en plus elle est super malade ! Et finalement c’était drôle à voir, mais moi je le voyais pas comme ça. Je le voyais comme un truc plutôt tragique. J’avais de vraies émotions dramatiques en moi. Donc, après L’hiver sous la table, je me suis sentie capable de faire Quatre étoiles, et ça c’est grâce à Zabou. Elle m’a vraiment aidée pour cela.
EN : Justement, c’est très différent, quand on joue, d’être dans un rôle qui fait rire ?
IC : En fait, non. Pas tant que ça. Le truc qui est absolument nécessaire pour une comédie, c’est d’avoir de bonnes répliques et surtout d’être dans une situation super. Qui permette d’être hyper sincère et qui en même temps soit décalée ou dont l’étrangeté fait rire. C’est la situation qui fait tout. Même si on n’a pas de répliques drôles, la situation peut suffire parfois. Et on peut improviser pour trouver des répliques qui deviennent comiques. Sans ce comique de situation, je serais incapable de me sentir légitime pour faire rire. Comme ça, toute seule, je ne suis pas drôle… Alors qu’il y en a qui le sont !
EN : Quand on se sent très proche d’un personnage, est-ce qu’il n’y a pas le risque de mettre trop de soi ?
IC : J’ai l’impression que c’est important d’être proche de soi et en même temps d’être transplanté ailleurs. Par exemple, je repense aux frères Larrieu. Ce qui était super fort dans le tournage c’était de se retrouver tout à coup dans la montagne noire, avec des gens totalement différents de ceux que j’ai l’habitude de croiser habituellement. Je restais proche de moi, avec en tête des choses très différentes. Je devais jouer une fille qui était dans la communication… non, dans l’événementiel. Je ne savais même pas ce que c’était, l’événementiel… Du coup j’ai essayé de trouver des gens pour leur demander, pour savoir comment on est dans la vie quand on fait de l’événementiel (rires). Bon, après, je me suis rendue compte que tout le monde peut faire de l’événementiel, qu’il n’y avait pas un truc spécial ! Mais ça donne une image quand même. L’idée c’est d’avoir ça dans la tête, j’y pense, et après je n’y pense plus. Mais je me dis que quelque chose s’est déposé. En fait, c’est comme dans une rencontre. Pour qu’il y ait un échange, pour que ce soit enrichissant, il ne faut pas qu’il y en ait un qui ne fasse que parler et l’autre qui écoute. Si on arrive à trouver un équilibre entre les deux, la rencontre sera belle. Je pense que c’est pareil pour un rôle. Je donne autant de moi que le metteur en scène et l’histoire ne m’apportent. Et j’essaye aussi d’être à l’écoute. Pour Les chaises musicales, j’étais très à l’écoute de Marie [Belhomme] parce que là, le personnage, c’est elle ! Peut-être encore plus que moi.
EN : Justement, comment s’est passée la rencontre entre vous deux ?
IC : J’ai lu le scénario du film et puis nous nous sommes rencontrées. Elle était très mal à l’aise pendant la rencontre. Elle ne croyait pas que c’était réellement possible de faire le film. D’ailleurs, maintenant encore, elle dit qu’elle ne croit pas vraiment qu’elle l’a fait. Donc elle a vraiment ce caractère de Perrine, à avoir du mal à se dire que les choses sont accessibles pour elle. Ca m’a tout de suite touchée. Je me suis dit qu’elle saurait bien parler de ce sujet puisqu’elle est le sujet elle-même. Qu’elle saurait m’aider. Que je pourrais l’observer. C’est très souvent, d’ailleurs, quand on a une incertitude par rapport à comment jouer un rôle, ou qu’on a besoin d’inspiration, de regarder le metteur en scène et de s’inspirer de comment il est, comment il vit. De voir sa personnalité et d’y penser comme ça, vaguement, pendant qu’on joue. Et ce qui est très beau avec Marie [Belhomme], c’est que sur le plateau, elle a commencé à s’ouvrir, à prendre sa place, à prendre possession du métier, du sujet, de la direction d’acteur. Elle est montée en puissance pendant tout le tournage et elle a vraiment trouvé sa place. En fait, le film s’est joué aussi sur le plateau. Elle a eu exactement la même évolution que le personnage dans l’histoire. C’était assez touchant.
EN : Il n’y a pas quelque chose d’un peu stressant au fait de jouer en ayant l’impression que c’est elle qui connaît mieux le personnage, qui est le personnage ?
IC : Elle y avait pensé, un moment, de jouer elle-même ! Mais j’ai tout de suite senti qu’elle était heureuse que j’accepte. Et puis ça allait ce que je lui proposais. Non, on avait plutôt l’impression d’être deux sœurs. Ca peut paraître bizarre mais j’avais déjà ressenti ça pour Anna M. avec Michel Spinoza. Michel était tellement investi de ce personnage et de ce sujet, il avait attendu sept ans avant de pouvoir faire le film, que j’avais l’impression qu’on était main dans la main sur le plateau et qu’il y avait deux Anna M. sur le plateau, lui et moi. Au contraire, c’est vachement agréable de ne pas se sentir seul et d’avoir l’impression qu’on est à ce point-là dans la même compréhension. C’est chouette, on est accompagné. Et puis on a l’impression de partager les mêmes émotions. Il n’y a pas de distance. J’aime bien ça, ça ne m’oppresse pas : ça me soutient.
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