Fin d'une guerre d'exploitants dans l'Est de Paris. Il y a trois ans, UGC et MK2 avaient déposé un recours pour "concurrence déloyale" à l'encontre du cinéma municipal de Montreuil, Le Méliès, l'un des plus importants en matière de programmation art & essai dans cette partie de l'Île-de-France. Le Méliès voulait doubler son nombre de salles, se rénover, en quelques sortes, voulait investir pour sauver son avenir (voir aussi l'actualité du 12 mars 2008). Grâce à un accord avec la Mairie de Montreuil, UGC et MK2 ont annoncé cette semaine qu'ils abandonnaient ce recours : les travaux vont pouvoir démarrer prochainement et le Méliès sera ainsi doté de six salles, et non plus trois, dès 2012. Cela en fera le plus grand cinéma art & essai de France. Actuellement, le Méliès, créé en 1961 et municipalisé en 2002, attire 200 000 spectateurs sur ses 495 fauteuils actuels.
Plus de 20 000 signatures avaient soutenu l'appel du Méliès contre UGC et MK2. Les deux groupes s'estimaient menacés - ce qui est absurde quand on connaît le poids de chacun. UGC y voyait un concurrent à l'UGC Cité Ciné de Rosny-sous-bois, situé à 4 kilomètres, mais desservant des bassins de population très différents, avec une programmation très grand public. le complexe est l'un des cinq plus gros cinémas de France et ne connaît aucune baisse de fréquentation. MK2, sans doute plus concerné, y voyait un rival à son cinéma Place de la Nation à Paris, à quatre stations de métro (6 kilomètres), avec une programmation équivalente. Autant dire que les habitants de Montreuil ne seront plus une cible prioritaire pour ce cinéma. Cependant, Montreuil et cette zone d'achalandage représentent un bassin de population de 200 000 habitants, avec un revenu moyen en hausse. Pas de quoi paniquer.
C'est aussi un déménagement puisque l'actuel cinéma migrera dans le centre de Montreuil. Dominique Voynet, maire de la ville, espère ainsi que « le déplacement du Méliès va nous permettre de mener une vraie politique culturelle et d’atteindre un équilibre économique par la conquête d’un nouveau public. » Certains craignent cependant que la programmation ne dérive vers des films plus "commerciaux". Dominique Voynet a explicitement parlé de "modification de l'offre commerciale". Une perte d'identité culturelle selon les fidèles du cinéma. L'accord entre la municipalité et les deux groupes concurrents se seraient signés en échange d'une garantie de la part du Méliès d'augmenter le prix de ses tickets. Début 2010, la place de cinéma valait donc 6 euros 50, et non plus 5 euros 50. C'est toujours un tiers de moins que chez UGC ou MK2. Le carnet de dix entrées a lui aussi augmenté, passant de 39 à 46 euros. De quoi financer une partie des investissements.
Car rien ne dit que le montage financier sera consolidé rapidement. Le Conseil Général devait apporter un tiers des 9 millions d'euros nécessaires à cette transformation. Or, le département est étouffé par une dette astronomique, des dépenses non compensées par l'Etat, et une fiscalité réduite à cause de la suppression de la taxe professionnelle. Le budget prévisionnel pour cette année fait état de grosses coupes dans le secteur culturel. A cela s'ajoute la nouvelle Loi des collectivités territoriales qui retireraient la Culture (et d'autres secteurs) aux compétences du département.
Cela promet une nouvelle bataille, mais ce coup-ci, politique.