Césars 2014 : 10 nominations pour le premier film de Guillaume Gallienne

Posté par vincy, le 31 janvier 2014

La liste des nominations

guillaume gallienne les garçons et guillaume à table

Dix nominations pour Les Garçons et Guillaume, à table!. Voilà le verdict des nominations aux Césars, dont on connaîtra les gagnants le 28 février au soir. Il devance La vie d'Adèle et L'inconnu du lac (8 nominations), La Venus à la fourrure (7 nominations), 9 mois ferme et Michael Kohlhaas (6 nominations) et Suzanne (5 nominations). Hormis Neuf mois ferme, tous les films ont été présentés au Festival de Cannes. Un jack-pot pour les sélectionneurs de la Croisette. Notons que Catherine Deneuve obtient sa douzième nomination comme meilleure actrice, égalisant le record d'Isabelle Huppert (qui cumule 14 nominations au total).

Le 2e tour de vote commencera le 10 février. La soirée des Césars rendra hommage à Patrice Chéreau et à Henri Langlois (à l'occasion du centenaire de la naissance de la Cinémathèque française).

Peu de surprises émaillent de cette liste des nominations. Dans certaines catégories, aucun favori ne se détache (documentaire, second rôle masculin comme féminin, film étranger, long métrage d'animation). Cela relèvera un peu le suspense d'une soirée qui devrait couronner La Vie d'Adèle dans au moins quatre catégories : film, réalisateur, actrice, espoir féminin. Kechiche a déjà été césarisé deux fois. S'il gagnait, il égaliserait le record de Polanski (trois fois césarisé). Gallienne devrait repartir avec au moins deux Césars : acteur et premier film.

François Ozon et son Jeune & Jolie, Quai d'Orsay et Grand Central ont été snobés et ne récolte que quelques cacahouètes. De même Le Loup de Wall Street, Au bout du conte, Möbius, Le géant égoïste, Lincoln ou encore Tip Top, pour n'en citer que quelques uns ont été complètement zappés. Le scandale est évidemment du côté d'Adèle Exarchopoulos, oubliée dans la catégorie de la meilleure actrice (et reléguée en simple espoir féminin).

On peut se féliciter de la variété des genres qui ont été reconnus par les professionnels de la profession. Comédie, drame, polar, les Césars vont faire l'éloge de la diversité du cinéma français, même si l'avantage est donné à un certain type de films, ceux du milieu, qui coûtent entre 4 et 10 millions d'euros.

Une chanson nominée puis disqualifiée des Oscars

Posté par vincy, le 30 janvier 2014

C'est tout aussi rare que surprenant. Le conseil d'administration de l'Académie des Oscars a décidé de retirer la nomination de "Alone Yet Not Alone" dans la catégorie meilleure chanson. Le conseil a jugé que la promotion avait été "déloyale".
Aucune autre chanson ne la remplacera. Il ne reste donc que 4 nommés : “Happy” (Moi, moche et méchant 2) de Pharrell Williams, “Let It Go” (La Reine des neiges) de Kristen Anderson-Lopez et Robert Lopez, “The Moon Song” (Her) de Karen O et and Spike Jonze, et “Ordinary Love” (Mandela: Long Walk to Freedom) de Paul Hewson, Dave Evans, Adam Clayton, Larry Mullen et Paul Hewson (voir voir toutes les nominations aux Oscars).
“Alone Yet Not Alone”, écrite par Bruce Broughton et Dennis Spiegel, était chantée par la quadriplégique et évangélique Joni Eareckson Tada. Pour l'enregistrer, l'interprète a été aidée par son mari (qui lui appuyait sur son diaphragme afin qu'elle est plus de souffle).

« La décision a été motivée par la découverte que [Bruce] Broughton [l'auteur de la chanson], un ancien gouverneur [de l'Académie] et actuel membre du comité de direction de la branche musique [de l'Académie] avait envoyé des courriels aux membres de sa branche pour les informer, pendant la période de vote pour les nominations, que sa chanson était candidate », explique l'Académie dans son communiqué. « Que cette communication ait été bien intentionnée ou non, user de son statut d'ancien gouverneur et d'actuel membre du comité de direction pour promouvoir personnellement sa propre candidature aux Oscars crée l'apparence d'un avantage déloyal », a déclaré Cheryl Boone Isaacs, présidente de l'Académie.

Les auteurs de la chanson sont évidemment anéantis.

Ce n'est pas la première fois dans l'histoire des Oscars qu'une nomination est retirée avant la cérémonie. La BOF du Parrain par Nina Rota, le scénario original de Hondo, le documentaire Young Americans... tous enfreignaient les règles strictes de l'Académie qui veut que la compétition soit aussi juste qu'équitable. Or tout lobbying est dorénavant prohibé.

La chanson révoquée cette année est celle d un drame historique, Alone yet not alone, se déroulant en Grande-Bretagne au XVIIIe siècle, réalisé par Ray Bengston et George D. Escobar. Le film est sorti discrètement aux Etats-Unis en septembre et n'a rapporté que 133000$ au box office.

Bruce Willis retrouve M. Night Shyamalan

Posté par vincy, le 29 janvier 2014

14 an après Incassable, et 15 ans après Le sixième sens, M. Night Shyamalan, alors considéré comme le futur Spielberg, Bruce Willis s'apprête à retrouver le cinéaste pour Labor of Love. L'information a été divulguée par le site Deadline.

Le film se déroulera une fois de plus à Philadephie. Le tournage est prévu pour cet automne. Labor of Love est un scénario que Shyamalan aurait écrit avant celui du Sixième sens, et se concentre sur le propriétaire d'une librairie qui vit dans le remord. Il n'a jamais pu exprimer ses sentiments à la femme qu'il aimait avant qu'elle ne meurt dans un tragique accident.

Shyamalan avait rédigé ce scénario au début des années 90. Mais la Fox avait refusé que le scénariste en soit aussi le réalisateur. Cela avait conduit à l'abandon du projet.

Le cinéaste a enchaîné quatre fiascos au box office depuis 2004, dont le dernier After Earth est l'un des pires gouffres financiers de l'année 2013.

Tarantino flingue le site Gawker et autres pirates

Posté par vincy, le 28 janvier 2014

quentin tarantinoIl s'avouait déprimé. Il a décidé malgré tout de répliquer. Quentin Tarantino était désespéré d'avoir du abandonner son film The Hateful Eight. Il évoquait une publication sous forme de livre. Et désirait passer à autre chose. Un cinéaste qui est passé maître du buzz, de l'attente et du désir de ses fans, ne pouvait pas filmer un script qui avait fuité sur Internet (lire notre actualité du 22 janvier).

Mais comme dans un Western, la victime se rebiffe. Selon les informations révélées par The Hollywood Reporter hier soir, il a décidé d'attaquer le hors-la-Loi, le site internet Gawker, accusé d'avoir placé des liens vers des sites où l'on pouvait trouver le scénario. Une violation des droits d'auteur par un site que l'avocat de Tarantino, Evan Spiegel, définit comme du "journalisme prédateur".

Le vrai coupable?

Le réalisateur avait expliqué qu'il n'avait donné son scénario qu'à six personnes. En visant Gawker mais aussi les personnes, toujours pas connues, qui ont contribué à la violation du copyright de The Hateful Eight, Tarantino flingue à vue pour savoir qui est le véritable coupable. Il frappe fort en réclamant 1 million de dollars à chaque accusé. La plainte a été déposée au Tribunal de Los Angeles.

Gawker se défend, évidemment. John Cook, rédacteur en chef du site, explique comment le scénario a été propagé : "Quelqu'un, inconnu de Gawker, (l') a placé sur un site nommé AnonFiles, et quelqu'un d'autre, également inconnu de Gawker, l'a mis sur un site nommé Scribd". Gawker rédige alors un article avec des liens vers ces deux sources et la toile s'est enflammée. Cook estime que cette plainte du cinéaste devrait surtout se diriger contre les moteurs de recherche et les sites de partages de dossiers. La fuite ne provient pas de son site à ses yeux.

L'avocat de Quentin Tarantino contre-attaque : "Plutôt que de simplement publier une information sur le scénario de mon client qui circule à Hollywood sans son autorisation, Gawker a franchi la ligne rouge du journalisme en promouvant des liens permettant de lire le script illégalement."

Tarantino n'en a cure : ce qu'il veut c'est savoir qui est le salopard parmi les six personnes qui ont reçu The Hateful Eight.

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La réponse de Gawker (en anglais)

Le pêché suédois, Elvira Madigan et Adalen 31 : trois films pour redécouvrir Bo Widerberg

Posté par MpM, le 28 janvier 2014

Bo WiderbergLa ressortie en salles ce mercredi 29 janvier de trois films de Bo Widerberg, Le pêché suédois (1962), Elvira Madigan (1967) et Adalen 31 (1969), jette un formidable coup de projecteur sur ce cinéaste suédois prolixe, habitué du Festival de Cannes, des récompenses internationales et des nominations aux Oscar, mais bien moins connu des jeunes générations de cinéphiles français que son célèbre compatriote Bergman.

Né en 1930 à Malmö (la troisième ville du pays), Bo Widerberg se passionne jeune pour l'art, le cinéma et la littérature française, et se tourne presque naturellement vers une carrière de journaliste et d'écrivain.

Ses débuts derrière la caméra ont des airs de jolie légende. Lorsqu'en 1962, il publie Une vision du cinéma suédois (anthologie de son travail de critique pour le journal Expressen de Stokholm), dans lequel il fustige un cinéma suédois jugé "rigide, provincial et arriéré" et ne montrant pas la vie quotidienne et la réalité des temps modernes, le propriétaire de la maison de production Europa Films lui aurait en effet envoyé un télégramme disant : "Voilà 250 000 couronnes. Filmez donc la vérité."

Premier film, premier succès

Le résultat sera Le péché suédois, sélectionné à la Semaine de la Critique en 1963, qui propulse Widerberg sur le devant de la scène suédoise comme internationale. Il tourne dans la foulée son deuxième long métrage, Le quartier du corbeau, qui est sélectionné en compétition officielle à Cannes et connaît un grand succès public. Le film représentera même la Suède à l'Oscar du meilleur film  étranger.  Suivent Amour 65 et Heja Roland! puis, en 1967, Elvira Madigan qui marque le retour de Bo Widerberg à Cannes et son triomphe dans les salles. Le film remporte le prix d'interprétation féminine cannois pour la jeune Pia Degermark qui interprète le rôle titre, puis reçoit deux nominations aux Golden Globes.

La carrière du cinéaste se poursuit en dents de scie : à la fin des années 60, il tourne Adalen 31 qui reçoit le Grand Prix du jury à Cannes et de nouvelles nominations aux Oscar et aux Golden Globes, et Joe Hill qui est récompensé d'un Prix spécial du Jury à Cannes. Puis suivent Un flic sur le toit qui est considéré comme "le premier film policier suédois de niveau international", Victoria qui est un cuisant échec, ou encore La beauté des choses qui rappelle les meilleures œuvres du cinéaste, et lui vaut une nouvelle nomination aux Oscar. Ce sera aussi malheureusement son dernier long métrage : Bo Widerberg meurt soudainement en mai 1997, à nouveau au sommet de sa gloire, et laissant derrière lui une filmographie éclectique et singulière qui a quelque peu renouvelé le paysage cinématographique suédois.

Tournage en toute liberté

Influencé par la Nouvelle vague française, Bo Widerberg a inventé un cinéma au ton extrêmement naturel qui repose sur une méthode de travail particulièrement libre. Le réalisateur cherchait en effet à capter la vie de la manière la plus anti-théâtrale possible en laissant une grande marge de manœuvre à ses comédiens. Le scénario devait juste servir de base à l'action et leur permettre d'arriver (par leurs propres moyens) aux répliques ou situations attendues par le cinéaste. Pour ce faire, il avait pris l'habitude de tourner énormément en attendant le moment où "les acteurs ne pensaient plus à jouer mais faisaient vivre leurs répliques" comme l'explique Marten Blomkvist, biographe de Bo Widerberg. Cette manière de travailler, extrêmement consommatrice en pellicule, lui valut beaucoup de critiques de la part des producteurs et journalistes suédois. Elle lui permit toutefois d'instaurer un style très particulier qui donne l'impression au spectateur d'assister à de vrais moments de vie volés à la réalité.

Les trois longs métrages qui ressortent en salles en ce début d'année (après que le Festival Premiers plans d'Angers lui ait consacré une rétrospective) donnent un premier aperçu du style propre à Bo Widerberg. Tournés tous les trois dans les années 60, mais dans des genres et sur des sujets très différents, ils mettent chacun à sa manière l'accent sur le réalisme lumineux du cinéaste, mais également sur sa vision gourmande de l'existence, son amour de la peinture et son regard moderne sur la condition féminine.

Le péché suédois (1963)

Il s'agit du film qui porte le plus l'influence de la Nouvelle Vague. Bo Widerberg s'essaye à des audaces formelles (caméra qui tourne sur elle-même ou choisit des angles de vues atypiques, récit ultra elliptique, images qui se figent, zooms...) qui donnent d'emblée un ton extrêmement libre au récit.

Le film raconte le parcours d'une jeune fille qui choisit la voie de l'émancipation et décide, au final, d'élever seule son enfant mais de garder le géniteur comme "sex friend". Accompagnée par une bande son qui privilégie un jazz sautillant, la jeune héroïne déambule dans les rues de sa ville, travaille, drague, tombe amoureuse et prend sa vie en mains comme dans un seul mouvement. Un film étonnamment moderne dans son propos comme dans son désir de capter le flux de la vie plutôt que de l'expliquer.

Elvira Madigan (1967)

Le premier film en couleurs de Bo Widerberg utilise une pellicule très sensible qui vient de faire son apparition sur le marché. Elle permet de filmer en lumière naturelle et d'obtenir des tons plus nuancés que sur les films couleurs habituels. La douceur des belles journées d'été donnent ainsi le ton à la première partie du film, qui conte l'idylle romantique entre le lieutenant Sixten Sparre et la funambule Hedvig Jensen. Les deux amoureux se sont enfuis de leurs familles respectives pour donner libre cours à leur amour.

On les voit en pleine nature, éclairés par un soleil radieux qui rend le monde flou tout autour d'eux. L'insouciance de la passion amoureuse mêlée à l'amour des choses simples mais bonnes irradient le film qui est construit comme une juxtaposition de scènes champêtres, de repas frugaux mangés sur l'herbe et de scènes d'amour sensuelles. L'influence de la peinture est flagrante dans la composition de certains plans, où surgit tout à coup le fantôme de Renoir, ou celui de Monet. Curieusement, l'histoire vraie et tragique de ces deux amants conduits au suicide par leur amour interdit respire la vie, la simplicité et la joie de vivre. Car ce qui semble intéresser Widerberg, au-delà du mythe éternel, c'est bien de saisir la vie dans ce qu'elle a de plus précieux, et non les rouages cruels du drame.

Adalen 31 (1969)

Là encore, le ton léger et presque sensuel de la première partie du film contraste avec le sujet historique qu'il aborde : la répression dans le sang d'une grève d 'ouvriers dans la région d'Andalen en 1931. C'est que le cinéaste, loin de réaliser un film social à suspense, choisit au contraire de s'attacher aux pas de ceux dont on sait dès le départ qu'ils seront confrontés à la tragédie finale.

Presque conçu comme une chronique estivale adolescente, Adalen 31 parle donc d'amitié, d'éveil des sens et d'insouciance joyeuse. Les jeunes héros du film aiment le jazz et la peinture (Renoir, à nouveau), le cinéma de genre et la simplicité d'un bon repas entre amis. On sent encore poindre dans les petits détails du récit le désir qu'avait Bo Widerberg de communiquer au public sa vision hédoniste des plaisir de la vie. Mais la seconde partie prouve que le réalisateur sait aussi filmer des séquences monumentales mettant en scènes des centaines de figurants. Le propos politique, bien présent, reste irrémédiablement lié à une vision humaniste de la société et du monde. L'émotion et la révolte ont leur place dans Adalen 31, mais dans les derniers plans, c'est bien la vie (et donc l'espoir) qui reprend le dessus. Comme une métaphore du travail et de la philosophie personnelle de Bo Widerberg.

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Le pêché suédois (1962), Elvira Madigan (1967) et Adalen 31 (1969) de Bo Widerberg
En salles le 29 janvier 2014
En DVD sur le site de Maladiva Films

Ceuta, douce prison : le paradoxe inhumain

Posté par MpM, le 28 janvier 2014

ceutaUne ville baignée de soleil. La mer à deux pas. Une poignée de jeunes gens qui arpentent inlassablement les chemins de terre. Jonathan Millet et Loïc H. Rechi ont posé leur caméra à Ceuta, enclave espagnole au Nord du Maroc, coincée entre la Méditerranée et un mur de six mètres de hauteur, pour donner la parole et suivre ceux qui vivent là, enfermés dans cette prison à ciel ouvert qui sert de zone tampon entre l'Afrique et l'Europe.

Ils s'appellent Simon, Marius, Iqbal, Guy et Nur. Ils viennent du Cameroun, d'Inde ou de Somalie. Ils font partie du millier de migrants qui errent dans cette zone de 18km2 où il n'y a rien à faire, en attente d'une décision de justice qui les renvoie chez eux, ou au contraire leur octroie le précieux laissez-passer pour l'Europe.

Les réalisateurs les suivent dans leur quotidien répétitif hors du centre d'accueil : dans la rue où ils lavent les voitures pour quelques centimes, sur les parkings où ils guident les automobilistes, à la sortie des supermarchés où ils aident les clients à pousser leurs caddies trop remplis, mais aussi dans l'ennui de journées qui n'en finissent plus et au cours des conversations interminables sur le passé et l'avenir. Le passé, ce sont ces parcours terribles qui les ont menés jusqu'aux portes de l'Europe et dont on comprend qu'ils ne se remettront jamais. L'avenir, c'est le jour hypothétique, dans un mois ou dans cinq ans, où ils quitteront enfin Ceuta pour reprendre le cours de leur vie, que ce soit en Europe ou de retour chez eux.

Quelques scènes apportent un éclairage poignant sur leur situation, notamment lorsqu'ils se chamaillent pour se répartir les rares opportunités de travail, lorsqu'ils se racontent en boucle leur périple (terrifiant) à travers l'Afrique ou quand ils passent en revue les maigres chances qui s'offrent à eux. Il faut en effet savoir qu'une fois à Ceuta, les migrants n'ont plus aucune prise sur leur sort. Soit ils font une demande d'asile, avec le risque d'être déboutés et renvoyés d'où ils viennent, soit ils attendent que les autorités décident (plus ou moins arbitrairement) de les renvoyer ou de les libérer. Dans les deux cas, les instances décisionnelles ne sont soumises à aucun délai. Certains migrants attendent plusieurs années avant qu'on statue sur leur sort. D'autres sont expulsés soudainement. Tous survivent comme ils peuvent dans une ville qui n'a rien à leur offrir.

Ceuta, douce prison met en scène avec beaucoup de pudeur ce drame humain comme il y en a désormais dans tant de régions d'Europe, symbole terrifiant de la fermeture progressive du continent. On est avec eux dans un présent comme suspendu qui devient de plus en plus anxiogène et révoltant au fur et à mesure du récit. Bien que le film ne prenne jamais parti, l'incompréhension est grande face à un système qui broie aussi nonchalamment ses forces vives. Par peur et par paresse, ce sont des milliers d'êtres humains qui sont sacrifiés sur l'autel du protectionnisme frileux et de règles obscures qui ne prennent jamais en compte le simple facteur humain.

Toutefois, en laissant pleinement la parole à leurs personnages, les réalisateurs se font certes l'écho de leur détresse, mais aussi de leurs espoirs et de leur envie de vivre. Lorsqu'enfin l'un d'entre eux obtient son laissez-passer vers l'Europe, ils filment ainsi comme un ballet joyeux et spontané les félicitations et les congratulations dont il devient l'objet. C'est cette séquence, parmi toutes, que l'on gardera en mémoire, pour ne pas laisser l'indifférence et le désespoir gagner complétement la partie.

Bilan 2013 : moins de gros budgets mais toujours autant de films français

Posté par vincy, le 27 janvier 2014

lea seydouxLes premières estimations du CNC concernant la production de films français en 2013 ont été publiées mercredi dernier. Le bilan est mitigé : le nombre de films produits est toujours élevé (sans doute trop de l'avis général) et les budgets sont, en moyenne, en baisse. Le nombre de jours de tournage stagne (mais les tournages sont relocalisés en France).

270 films produits en 2013, c'est seulement 9 de moins qu'en 2012. Ce sont d'ailleurs les films européens et les coproductions internationales qui diminuent alors que l'heure est à la coopération et à l'exportation. Au total, 209 films sont d'initiative française, le même chiffre qu'en 2012. Cela représente 5 sorties par semaine. On comprend mieux pourquoi les 2/3 d'entre eux ne trouvent pas leur public.

Cependant, les devis des films d'initiative française sont en baisse de 4%. L'investissement dans les films s'élève à 1,02 milliard d'euros. 45,5 millions d'euros de moins, soit deux gros budgets ou dix films "du milieu". La chute est évidemment plus spectaculaire si l'on prend en compte l'ensemble des productions françaises, incluant les participations minoritaires : 96,5 millions d'euros en moins, soit 7,2% de baisse par rapport à 2012 (pour un investissement total de 1,24 milliard d'euros).

La crise est passée par là. En 2013, un devis moyen est désormais inférieur à 5 millions d'euros, le plus bas niveau en 10 ans. La moitié des films sont produits pour moins de 2,5 millions d'euros, là encore un triste record en dix ans.

Le cinéma français investit moins dans les productions supérieures à 10 millions d'euros : seulement 19 en 2013, contre 33 en 2012. C'est la première fois que le cinéma français produit moins de 20 gros films sur une année. La volonté de ne pas prendre de risque? l'absence d'audace? La résignation à un modèle économique plus raisonnable? Il semblerait que les producteurs préfèrent miser sur le volume de films que sur le volume d'euros dépensés. Une manière de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et d'espérer que l'un d'entre eux deviendra une poule aux oeufs d'or.

© CNC 2004 2008 2012 2013
Nombre de films agréés 167 196 209 209
Dont 100% français 130 145 150 154
Investissements totaux (en millions d’euros) 1048,8 1490,4 1342,3 1245,8
Films > 15 millions d’euros 9 18 18 12
Films > 10 millions d’euros 15 17 15 7
Films de 4 à 10 millions d’euros 58 53 47 57
Films de 1 à 4 millions d’euros 65 74 71 79
Films > 1 million d’euros 20 44 58 54

Un écrin contemporain dédié aux films muets de Pathé

Posté par vincy, le 27 janvier 2014

© Michel DenancéLe théâtre des Gobelins, devenu en 1934 le cinéma Le Rodin (fermé en 2003), va renaître sous la forme d'une fondation Jérôme Seydoux Pathé pour le cinéma muet.

Ce lieu classé aux monuments historiques situé dans le XIIIe arrondissement de Paris, sera inauguré sous sa nouvelle forme en septembre. Le bâtiment a été entièrement reconstruit par Renzo Piano (à qui l'on doit le Centre Pompidou), qui n'a pas touché à la façade sculptée par Rodin.
Le chantier a débuté en 2010. La coque de verre qui surplombe le bâtiment vient d'être achevée (photo).

La Fondation Jérôme Seydoux Pathé a décidé d'en faire un ensemble dédié au cinéma muet : outre les bureaux de la Fondation, on pourra y trouver des archives (scénarios, affiches, correspondances), un centre de documentation, une vidéothèque, une salle de projection (70 sièges) et un espace d'exposition.

Pathé est propriétaire du plus important catalogue de films silencieux au monde, que la société restaure numériquement au fil des années : actualité, reportage, fiction, animation, ... De quoi nourrir ce nouvel espace d'expositions thématiques et de projections de films rares. Pour les chercheurs et passionnés, ce sera aussi l'occasion d'explorer les origines du cinéma, notamment la façon dont cette industrie émergente fonctionnait. Pour les plus jeunes, des ateliers pédagogiques seront organisés avec les écoles et les collèges.

Le coût annoncé d'une entrée sera de 6,5 €.

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Site de la Fondation Jérome Seydoux Pathé

Un nouveau complexe MK2 dans Paris

Posté par vincy, le 27 janvier 2014

Le réseau MK2 va s'agrandir à Paris. Selon une information parue dans Le Figaro, une nouvelle salle de cinéma va s'installer rue Volta, dans le IIIe arrondissement, à proximité de République et des Grands Boulevards. L'arrondissement ne possède aucun complexe de cinéma. Les plus proches sont le MK2 Beaubourg dans le IVe et le Grand Rex dans le IIe.

Le cinéma sera conçu par l'architecte italien Andrea Branzi, designer mondialement reconnu, au coeur de la "jeune rue", concept singulier où les commerces traditionnels vont être "revampés" par 35 designers.

L'ouverture n'est pas prévue avant 2015.

Le réseau MK2 est composé de multiplexes (Bibliothèque, récemment agrandit, Quai de Seine/Quai de Loire), de salles de prestige (Grand Palais, Saint Germain des Prés) et de complexes traditionnels de quartier (Gambetta, Odéon/Hautefeuille, Beaubourg, Nation, Bastille, Montparnasse). Le projet d'un cinéma à Marseille est toujours suspendu.

Sundance 2014 : Whiplash, Grand prix du jury et prix du public

Posté par vincy, le 26 janvier 2014

whiplash

Incontestable : en remportant le doublé Grand prix du jury et prix du public, Whiplash est le grand vainqueur de la sélection du Festival de Sundance cette année. Ce drame propulse l'acteur Miles Teller (Rabbit Hole, The Spectacular Now) dans la cour des grands, de ces jeunes acteurs à suivre dans les prochaines années. Il est devenu en quelques mois la coqueluche de la critique américaine. Dans Whiplash, il incarne un jeune batteur de jazz prometteur qui doit conjurer ses démons (un père qui a échoué dans l'écriture, la peur de la médiocrité). Lui rêve d'être génial. Aussi se lance-t-il dans un apprentissage quasiment militaire de son métier avec un professeur cruel et autoritaire, brutal et déterminé. Ce jeu masochiste entre le maître et l'élève pour que celui-ci atteigne la perfection à n'importe quel prix, au mépris de toute humanité, dans un climat de plus en plus en tendu, a donc envouté le Festival.

C'est la deuxième année consécutive qu'un film américain gagne ce doublé prestigieux Jury/Public, un an après Fruitvale Station. Le réalisateur Damien Chazelle avait récolté le prix spécial du jury du court métrage l'an dernier à Sundance avec Whiplash, dont il a fait le long métrage primé cette année. Sony Classics a acquis les droits de distribution du film pour le monde entier.

Du côté des autres catégories, très peu de films repartent avec plus d'un prix. Parmi les films étrangers, le jury et le public n'ont pas fait consensus. Le jury a préféré récompenser un thriller chilien et un documentaire sur la guerre civile en Syrie tandis que le public a choisi un films sur la condition des femmes en Ethiopie et un documentaire sur un agent des services secrets israéliens.

Palmarès du 30e Festival de Sundance

- Grand prix du Jury - fiction américaine: Whiplash de Damien Chazelle
- Grand prix du Jury - documentaire américain: Rich Hill, de Tracy Droz Tragos et Andrew Droz Palermo
- Grand prix du Jury - fiction étrangère: To Kill a Man de Alejandro Fernandez Almendras
- Grand prix du Jury - documentaire étranger: Return to Homs de Talal Derki

- Prix du public - fiction américaine: Whiplash de Damien Chazelle
- Prix du public - documentaire américain: Alive Inside: A Story of Music & Memory, de Michael Rossato-Bennett
- Prix du public - fiction étrangère : Difret de Zeresenay Berhane Mehari
- Prix du public - documentaire étranger: The Green Prince, de Nadav Schirman
- Prix du public - nouveau talent : Imperial Dreams

- Réalisation - fiction américaine : Cutter Hodierne, Fishing Without Nets
- Réalisation - documentaire américain : Ben Cotner et Ryan White, The Case Against 8
- Scénario - fiction américaine : Craig Johnson, The Skeleton Twins
- Image - fiction américaine : Christopher Blauvelt, Low Down
- Image - documentaire : Rachel Beth Anderson et Ross Kauffman, E-Team
- Montage - documentaire : Jenny Golden et Karen Sim, Watchers of the Sky

- Prix spécial du jury - fiction étrangère : God Help the Girl
- Prix spécial du jury - documentaire étranger : We Come as Friends
- Prix spécial du jury de la révélation : Justin Simien, Dear White People
- Prix spécial du jury de la musique : The Octopus Project, Kumiko the Treasure Hunter
- Prix spécial du jury - documentaire : The Overnighters
- Prix spécial du jury pour l'usage de l'animation - documentaire : Watchers of the Sky

- Réalisation - fiction étrangère : Sophie Hyde, 52 Tuesdays
- Réalisation - documentaire étranger : Iain Forsyth et Jane Pollard, 20000 Days on Earth

- Scénario - fiction étrangère : Eskil Vogt, Blind
- Image - fiction étrangère : Ula Pontikos, Lilting
- Image - documentaire étranger : Thomas Balmes et Nina Bernfeld, Happiness
- Montage - documentaire étranger : Jonathan Amos, 20000 Days on Earth

- Prix Alfred P. Sloan (pour un film valorisant les Sciences et la technologie) : Mike Cahill, I Origins