Venise 2020: Le Lion d’or pour Nomadland de Chloé Zhao

Posté par vincy, le 12 septembre 2020

Cette édition si spéciale du festival de Venise, la 77e, n'aura pas brillé d'un point de vue médiatique. Les Américains étaient relativement absents. Le tapis rouge était cloîtré. Les spectateurs masqués. Ambiance de confinement. Pourtant, de l'avis général, tout s'est bien passé. Si le festival manquait sans doute d'un film dont le good buzz fasse le tour de la planète, il a réussi à exister malgré la covid. Mieux, avec le court métrage de Pedro Almodovar, La voix humaine, unanimement apprécié, il s'est offert un petit gâteau surprise en guise de cadeau.

Côté palmarès, aucun film ne se détache non plus même si Quo Vadis, Aida? de Jasmila Zbanic, Nomadland de Chloé Zhao, Notturno de Gianfranco Rosi et Miss Marx de Susanna Nicchiarell glanent quelques prix mineurs en marge du festival. Nomadland a été couronné par le Lion d'or, qui récompense une réalisatrice singulière dans l'Hollywood d'aujourd'hui, Chloé Zhao. Adulée pour ses films d'auteurs (The Rider, Les Chansons que mes frères m'ont apprises), cette américaine née en Chine a été choisie pour une superproduction Marvel (Eternals, 2021). Avec Nomadland, elle reste dans son territoire. Le film interprété par Frances McDormand et David Strathairn nous renvoie dans le passé et dans les horizons immenses: Après avoir tout perdu pendant la Grande Récession, une sexagénaire se lance dans un voyage à travers l'Ouest américain, vivant comme un nomade des temps modernes. Ironiquement, alors que les Américains sont absent de Venise, c'est une production Fox Searchlight distribuée par Disney qui est sacrée par le deuxième plus grand festival du monde.

Le prix FIPRESCI de la critique a été décerné à The Disciple de l'indien Chaitanya Tamhane pour la compétition (par ailleurs distingué par le jury de Cate Blanchett pour son scénario) et à Dashte Khamoush (The Wasteland) de l'iranien Ahmad Bahrami (Orizzonti) pour les autres sélections. Le film a d'ailleurs été couronné par le jury d'Orizzonti. Le cinéma iranien a aussi été distingué avec le prix Marcello Mastroianni pour le jeune Rouhollah Zamani.

Du côté des Giornate degli autori (Venice Days), le palmarès a couronné The Whaler Boy du russe Philipp Yuryev (meilleur réalisateur), 200 Meters du palestinien Ameen Nayfeh (prix du public), et Oasis du serbe Ivan Ikic (prix Label Europa). Le Grand prix de la Semaine internationale de la Critique a distingué Hayaletler (Ghosts) d'Azra Deniz Okyay (Turquie). Enfin, The World to come de l'américaine Mona Fastvold a remporté le Queer Lion Award.

Côté hommages, deux Lions d'or d'honneur ont été remis à l'actrice écossaise Tilda Swinton et la cinéaste de Hong Kong Ann Hui. Abel Ferrara a reçu le prix Jaeger-LeCoultre Glory to the Filmmaker.

Il restait aux deux jurys principaux de révéler leurs choix: celui de la compétition (Cate Blanchett, présidente, Matt Dillon, Veronika Franz, Joanna Hogg, Nicola Lagioia : écrivain Drapeau de l'Italie Italie, Christian Petzold et Ludivine Sagnier) et celui de la section Orizzonti (Claire Denis, présidente, Oscar Alegria, Francesca Comencini, Katriel Schory et Christine Vachon).

Globalement, l'Europe et l'Asie se sont partagés la pièce montée.

On a déjà parlé du Lion d'or, mais le palmarès est aussi cosmopolite que divers. Le jury de Cate Blanchett n'a pas manqué de donner enfin un prix d'interprétation masculine à Pierfrancesco Favino pour Padrenostro, lui qui l'avait manqué l'an dernier à Cannes pour Le traître (qui lui a valu son premier Donatello du meilleur acteur cette année). De même côté actrice, Vanessa Kirby (The Crown) pouvait difficilement être snobée avec deux films en compétition : The World to Come et celui pour lequel elle a ce prestigieux prix, Pieces of a Woman, premier film anglophone du hongrois Kornél Mundruczó. Kiyoshi Kurosawa reçoit avec le prix du meilleur réalisateur sa plus importante récompense dans sa carrière, faiblement honorée (hormis à Cannes avec un prix en 2015). Initialement choisi par Cannes, le nouveau film du mexicain Michel Franco repart de son côté avec le Grand prix du jury (cinq ans après son prix du scénario à Cannes).

Listen d'Anna Rocha de Sousa est parmi les vainqueurs de la soirée avec un prix spécial du jury Orizzonti et le prix du meilleur premier film toutes sélections confondues. On notera dans la sélection Orizzonti les deux prix d'interprétation pour un acteur tunisien et une actrice marocaine, confirmant année après année la pleine forme du cinéma maghrébin sur le Lido. Quant à Lav Diaz, Lion d'or en 2016, son cinéma si singulier est une nouvelle fois récompensé avec le prix du meilleur réalisateur.

LE PALMARÈS

Compétitition
Lion d'or: Nomadland de Chloé Zhao
Grand prix du jury: Nuevo Orden (New Ordre) de Michel Franco
Lion d'argent du meilleur réalisateur: Kiyoshi Kurosawa pour Les amants sacrifiés
Coupe Volpi de la meilleure actrice: Vanessa Kirby (Pieces of a Woman de Kornél Mundruczó).
Coupe Volpi du meilleur acteur: Pierfrancesco Favino (Padrenostro de Claudio Noce)
Meilleur scénario: The Disciple de Chaitanya Tamhane
Prix spécial du jury: Dear Comrades d'Andreï Konchalovsky

Sélection Orizzonti
Meilleur film: Dashte Khamoush (The Wasteland) d'Ahmad Bahrami
Meilleur réalisateur: Lav Diaz (Genus Pan (Lahi, Hayop))
Prix spécial du jury: Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Meilleure actrice: Khansa Batma (Zanka Contact de Ismaël El Iraki)
Meilleur acteur: Yahya Mahayni (L'Homme qui avait vendu sa peau de Kaouther Ben Hania)
Meilleur scénario: I predatori de Pietro Castellitto
Meilleur court métrage: Entre tu y milagros de Mariana Saffon

Prix Luigi de Laurentiis (premier film): Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir: Rouhollah Zamani (Sun Children de Majid Majidi, compétitition)

Venise 2020: les films de la sélection officielle

Posté par vincy, le 28 juillet 2020

Quelques films prévus à Cannes, une sélection très européenne et asiatique: Venise n'a pas de gros événements hollywoodiens à présenter, mais quelques auteurs prestigieux à proposer aux jurys. Alberto Barbera n'a sans doute pas réussi son pari de vouloir profiter de l'absence de Cannes. Il en résulte un festival passionnant pour les cinéphiles mais qui manque de glamour et d'excitation pour les autres.

Il y a heureusement quelques grands noms, y compris côté documentaires. Et comme un retour aux origines de Venise, avant que le festival ne joue les rampes de lancement pour les Oscars.

En compétition, le jury du 77e festival sera présidé par Cate Blanchett, entourée de Veronika Franz, Joanna Hogg, Nicola Lagioia, Christian Petzold, Cristi Puiu et Ludivine Sagnier. Pour la section Orizzonti, Claire Denis présidera le jury, aux côtés de Oskar Akegria, Francesca Comencini, Katriel Schory et Christine Vachon.

COMPETITION
In Between Dying, Hilal Baydarov
Le Sorelle Macaluso, Emma Dante
The World to Come, Mona Fastvold
Nuevo Orden, Michel Franco
Amants, Nicole Garcia
Laila in Haifa, Amos Gitai
And Tomorrow The Entire World, Julia Von Heinz
Dorogie Tovarischi (Dear Comrades), Andrei Konchalovsky
Wife of a Spy, Kiyoshi Kurosawa
Khorhid (Sun Children), Majid Majidi
Pieces of a Woman, Kornel Mundruczo
Miss Marx, Susanna Nicchiarelli
Padrenostro, Claudio Noce
Notturno, Gianfranco Rosi
Never Gonna Snow Again, Malgorzata Szumowska & Michal Englert
The Disciple, Chaitanya Tamhane
Quo Vadis, Aida?, Jasmila Zbanic
Nomadland, Chloe Zhao

HORS COMPETITION – Fiction
Lacci, Daniele Luchetti– OUVERTURE
Lasciami Andare, Stefano Mordini - CLÔTURE
Mandibules, Quentin Dupieux
Love After Love, Ann Hui
Assandira, Salvatore Mereu
The Duke, Roger Mitchell
Night in Paradise, Park Soon-Jung
Mosquito State, Filip Jan Rymsza

HORS COMPETITION – Documentaire
Sportin’ Life, Abel Ferrara
Crazy, Not Insane, Alex Gibney
Greta, Nathan Grossman
Salvatore – Shoemaker of Dreams, Luca Guadagnino
Final Account, Luke Holland
La Verità Su La Dolce Vita, Giuseppe Pedersoli
Molecole, Daniele Segre
Narciso Em Ferias, Renato Terra, Ricardo Calil
Paolo Conte, Via Con Me, Giorgio Verdelli
Hopper/Welles, Orson Welles
City Hall, Frederick Wiseman

HORS COMPETITION – Séances spéciales
30 Monedas – Episode 1, Alex De La Iglesia
Princesse Europe, Camille Lotteau
Omelia Contadina, Alice Rohrwacher

ORIZZONTI
Apples, Christos Nikou - OUVERTURE
La Troisieme Guerre, Giovanni Aloi
Milestone, Ivan Ayr
The Wasteland, Ahmad Bahrami
The Man Who Sold His Skin, Kaouther Ben Hania
I Predatori, Pietro Castellitto
Mainstream, Gia Coppola
Genus Pan, Lav Diaz
Zanka Contact, Ismael El Iraki
Guerra e Pace, Martina Parenti, Massimo D’Anolfi
La Nuit Des Rois, Philippe Lacôte
The Furnace, Roderick Mackay
Careless Crime, Shahram Mokri
Gaza Mon Amour, Tarzan Nasser, Arab Nasser
Mila, Christos Nikou
Selva Tragica, Yulene Olaizola
Nowhere Special, Uberto Pasolini
Listen, Ana Rocha De Sousa
The Best is Yet to Come, Wang Jing
Yellow Cat, Adilkhan Yerzhanov

Venise 2020: Tilda Swinton et Ann Hui à l’honneur

Posté par vincy, le 20 juillet 2020

Venise fait comme si de rien n'était. Les festivals sont de plus en plus virtuels voire annulés (Telluride par exemple). les grosses sorties reportées (dernière en date, Tenet, désormais hors calendrier). Mais la Mostra continue d'y croire malgré une pandémie de Covid-19 toujours intense sur la planète.

Toujours est-il que pour cette 77e Mostra, Alberto Barbera a choisi ses deux Lions d'or d'honneur pour l'ensemble de leur carrière: l'actrice britannique Tilda Swinton, actuellement en tournage à Madrid avec Pedro Almodovar (photo), et la réalisatrice hongkongaise Ann Hui.

Tilda Swinton, 59 ans, est "unanimement reconnue comme une des interprètes les plus originales et les plus intenses à s'être fait connaître à la fin du siècle dernier", a expliqué dans son communiqué le directeur de la Mostra, Alberto Barbera. Oscarisée pour Michael Clayton, deux fois Teddy Award à Berlin, meilleure actrice européen pour We need to talk about Kevin, et prix d'interprétation à Venise pour Edward II en 1991, Tilda Swinton est l'un des actrices les plus éclectiques dans les genres, mais aussi les plus fidèles à ses cinéastes (Jarmusch, Anderson, Guadagnino...). Elle sera à l'affiche cet automne de The French Dispatch et de The Personal History of David Copperfield.

"Ann Hui est une des réalisatrices les plus appréciées, prolifiques et polyvalentes du continent asiatique", a rappelé Alberto Barbera. Elle a commencé comme assistante de réalisation auprès du maître du cinéma d'arts martiaux King Hu. Figure fondatrice de la Nouvelle vague hongkongaise, elle a déjà réalisé 26 longs métrages de fiction (notamment Nu ren si shi, son plus grand film) et deux documentaires. Lauréates des principaux prix majeurs en Asie (dont 7 fois le prix du meilleur cinéaste aux oscars hongkongais), elle aussi obtenu deux prix à Berlin (dont une Berlinale Camera pour son œuvre) et quatre prix parallèles à Venise pour Une vie simple en 2011

Oscars: 819 votants de plus, dont la moitié non américains

Posté par vincy, le 4 juillet 2020

819 personnalités ont été invités par l'Académie des Oscars. Au total, le nombre de votants atteint les 9 300 membres. Toujours dans sa logique d'ouverture internationale et de diversification de son collège électoral, les nouveaux membres sont à 45% des femmes, 36 % issus des minorités et surtout 49 % ne sont pas américains. Les nouveaux membres proviennent de 68 nationalités différentes, dont la France qui envoie un contingent de 35 personnes de tous métiers.

Désormais, avec 3179 membres, il y a un tiers de femmes votantes dans les 17 catégories, contre un quart il y a cinq ans. Les non-blancs ont triplé passant de 554 en 2015 à 1787 en 2020, soit près d'un votant sur cinq. Quant aux non-américains, ils sont désormais 2100 étrangers, soit trois fois plus en cinq ans.

Cela amènera forcément à des changements structurels sur les nominations, avec davantage de films internationaux nommés dans diverses catégories, et des choix sans doute moins grand public.

Le cru cannes 2019 en vedette

Côté français, on notera les récents nommés aux Oscars comme Jérémy Clapin et Ladj Ly. Mais aussi l'arrivée de Thierry Frémaux, directeur général de Cannes, et de nombreuses personnalités fidèles, révélées ou sacrées à Cannes comme Mati Diop et Adèle Hanel, ou encore Rosalie Varda. De nombreux producteurs ont aussi été conviés: Toufik Ayadi, Christophe Barral, Bénédicte Couvreur, Jean Labadie, Jean-François Le Corre, Damien Megherbi, Justin Pechberty et Marc du Pontavice.
C'est la catégorie réalisateur qui accueille le plus de français: outre Ly, Diop et Clapin, il y a Bruno Collet, Jean-Loup Felicioli, Alain Gagnol, Delphine Girard, Yves Piat, Nicolas Philibert, et Yolande Zauberman, césarisé cette année avec son documentaire M.
Les autres invités sont scénaristes (Giordano Gederlini, Alexis Manenti), monteurs son (Katia Boutin, Julien Lacheray, Anne Le Campion), ingénieurs du son (Cyril Holtz, Jean Umansky), monteur (Benjamin Massoubre), costumière (Caroline de Vivaise), cascadeur (Dominique Fouassier), directrice de casting (Leïla Fournier), ou dans le marketing (Emmanuelle Castro, Olivier Mouroux, Béatrice Wechsberger).

Cosmopolite et éclectique

Sinon, on soulignera les arrivées (et la confirmation de Venise et Cannes comme pourvoyeurs de talents) de Yalitza Aparicio (Roma), Awkwafina, Lee Jung-Eun, Choi Woo-Shik, Park So-Dam et Jang Hye-Jin (Parasite), Ana de Armas, Pierfrancesco Favino (Le traitre), Eva Longoria, George MacKay, Ben Mendelsohn, Florence Pugh, John David Washington, Olivia Wilde, Constance Wu, Zhao Tao, Levan Akin, Ari Aster, Ici?ar Bolla?in, Cristina Comencini, Terence Davies, Robert Eggers, Samira Makhmalbaf, Matt Reeves, Michael Nyman, Bernie Taupin, Zeynep O?zbatur Atakan (producteur des films de Nuri Bilge Ceylan), Michel Franco, ou de Luis Urbano (producteur des films de Miguel Gomes).

[On va tous au cinéma] Milla (2 décembre)

Posté par redaction, le 29 juin 2020

Le pitch: Milla n’est pas une adolescente comme les autres. Pour la première fois, elle tombe amoureuse, mais d'un jeune dealer. C’est toute sa vie et celle de son entourage qui s’en retrouvent bouleversées. Le pire cauchemar pour ses parents survient.

Le cast: Réalisé par Shannon Murphy, avec Toby Wallace, Eliza Scanlen, Michelle Lotters et Ben Mendelsohn.

L'atout: Meilleur espoir au festival de Venise et meilleur acteur à celui de Marrakech pour Toby Wallace, mention spéciale à Zurich, prix de la jeunesse à Luxembourg, et prix du meilleur premier film à Palm Springs et à Sao Paulo, Milla (Babyteeth à l'origine) a conquis la planète festivalière. Ce premier film bénéficie non seulement d'un bon buzz mais aussi d'une esthétique qui le distingue des films du genre, porté par des comédiens qu'il faudra suivre. A commencer par Eliza Scanlen, remarquée dans les filles du Docteur March et qu'on retrouvera chez M. Night Shyamalan ou encore dans un thriller avec Robert Pattinson.

Sami Bouajila (Un fils): « Dès la première lecture, j’ai vu que c’était une perle »

Posté par vincy, le 24 juin 2020

Sami Bouajila, primé à Cannes en 2006 et césarisé en 2008, est à l'affiche de La terre et le sang (sur Netflix) et d'Un fils de Mehdi Barsoui, pour lequel il a reçu le prix du meilleur acteur à Venise dans la section Orrizonti. Un fils ressort en salles cette semaine, après un début de carrière prometteur interrompu par le confinement et la fermeture des cinémas. Film bouleversant, subtil et sensible, Un fils est l'histoire d'une famille tunisienne moderne et privilégiée. Mais lors d'un week-end dans le sud du pays, Farès, Meriem et Aziz sont pris pour cible par un groupe terroriste et le jeune garçon est grièvement blessé... Il doit subir une greffe en urgence pour être sauvé.

Avec un scénario solide qui vire vers le thriller politique, avec une dose de pardon et de filiation pour lui donner une tonalité plus universelle, ce drame jamais sirupeux mais très maîtrisé, est un premier film plus que prometteur, confirmant la nouvelle vague du cinéma tunisien.

Nous avions rencontré l'acteur lors du festival de Dinard, où il était membre du jury.

Ecran Noir: Comment est arrivé Un fils?

Sami Bouajila : Le cinéaste a écrit en pensant à moi, il m’a envoyé le scénario. Dès la première lecture, j’ai vu que c’était une perle. Et après la rencontre n’a fait que confirmer mon sentiment. J’ai eu à affaire à un cinéaste comme j’aime, surtout pour un premier film : inspiré, une grande acuité, une belle direction, une écriture très épurée. Nos deux personnages sont aussi en perdition dans des espaces de westerns, déserts. C »était super. Le rôle était magnifique, assez emblématique, parce que partagé, traversé par plein de choses. Ce personnage fonctionnait en duo avec ma partenaire (Najla Ben Abdallah, ndlr). C’était passionnant.

Cela change-t-il quelque chose qu'il soit tunisien?

Sa nationalité n’a rien à voir. Il me fait penser à Bentoumi, Kechiche ou Desplechin. Il faut voir l'artiste comme un artiste. Il faut sortir des cloisons. Le cinéma comme la musique sont universels. J’aime les rôles qui me sont proposés. Je voudrais juste faire la même chose avec plus d'ampleur. J'aime rencontrer des cinéastes étrangers, des auteurs français. J'aime les personnages qui ont des choses à dire, des choses à défendre, qui ont un point de vue et un regard qui surprend.

Qu'entendez-vous par "plus d'ampleur"?

Donner de l’ampleur, c’est comme pour un tableau. On commence quelque chose et puis, le tableau   la dimension qu'on veut bien lui donner. Il n’y a pas de fin dans ce métier-là Je me suis inscris sur la longueur. Ça ne peut-être qu’empirique.

Avec une carrière qui a près de trente ans, est-ce que les propositions évoluent?

Ce sont les projets qui me choisissent. Avec le temps, comme vous le dites si bien, il y a une évidence qui se fait. Et du coup j’acquiers une certaine sérénité, et les choses sont encore plus évidentes. J'ai le sentiment de ne faire que commencer, à maîtriser mon instrument. Ce que vous dîtes, je l’ai initié assez tôt. Faire attention de ne pas me retrouver, cantonné, prisonnier dans un seul registre. Après, je n’ai fait que cultiver cette chose-là. Ce que j'essaie de dire, c'est que j'ai l'impression d'atteindre un âge de maturité en tant que personne. Je pense que dans mon travail, je le ressens ainsi.

Mais depuis Indigènes en 2006, et votre prix d'interprétation collectif à Cannes (partagé avec Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem et Bernard Blancan), on a quand même le sentiment que l'ouverture aux acteurs issus de minorités visibles commence seulement?

Vous venez de le dire… je finis vos phrase : qui commence seulement. Ça rejoint ce que je vous disais sur la sérénité.  L’inconscient collectif, notre inconscient collectif à tous, était mûr pour recevoir ce qui se disait dans ce film-là. Ça a déclenché quelque chose dans ce sens là. J’adore mon parcours maintenant et je pense que Roschdy (Zem) pense la même chose. Je n’envie plus les autres. J'aime mon artisanat. J'aime ma place, mes projets. Je crois qu’on écrit une belle histoire du cinéma français.

Quels sont vos projets?

Je viens de finir le film de Farid Bentoumi qui s’appelle Rouge (avec Zita Hanrot et Céline Sallette, en salles le 20 octobre, en sélection à Cannes 2020, ndlr). C'est un petit clin d'œil, en toute modestie, à Ken Loach. J’ai eu affaire encore une fois à un réalisateur en place en phase avec lui-même, avec des sujets qui lui tiennent très fort à cœur, qui viennent de loin.

Et la réalisation, vous y pensez?

Plusieurs tentatives ont avorté. Mais j’ai une idée qui m’accompagne depuis longtemps et je vais enfin la réaliser. J’ai trouvé l’auteur avec qui l’écrire. Ça aurait mis du temps à s’accoucher mais ça va s’accoucher.

[On va tous au cinéma] The Perfect Candidate (12 août)

Posté par redaction, le 8 juin 2020

Le pitch: Maryam est médecin dans la clinique d'une petite ville d'Arabie saoudite.Alors qu'elle veut se rendre à Riyad pour candidater à un poste de chirurgien dans un grand hôpital, elle se voit refuser le droit de prendre l’avion. Célibataire, il lui faut une autorisation à jour signée de son père, malheureusement absent. Révoltée par cette interdiction de voyager, elle décide de se présenter aux élections municipales de sa ville. Mais comment une femme peut-elle faire campagne dans ce pays ?

Le cast: Réalisé par Haifaa Al Mansour, avec Mila Alzahrani, Nourah Al Awad, Khalid Abdulrhim

L'atout: en compétition à Venise l'an dernier, le film est signée de la première cinéaste saoudienne, déjà auteure du très remarqué Wadjda il y a sept ans. Une fois de plus elle s'attaque aux inégalités homme-femme et aux injustices qui frappent les saoudiennes.

Le Festival de Venise maintient son édition 2020

Posté par vincy, le 25 mai 2020

Le Festival de Venise a confirmé qu'il aurait bien lieu, a annoncé le gouverneur de la Vénitie, contrairement à la Biennale d'architecture qui a décidé de passer son tour cette année. Cate Blanchett est toujours confirmée comme présidente du jury. Le Festival se déroulera du 2 au 12 septembre, comme prévu.

Moins de fréquentation attendue

Cependant, la programmation sera allégée, avec moins de films projetés. La manifestation acte que de nombreux professionnels ne pourront pas venir et que les déplacements internationaux seront toujours entravés. Une plateforme numérique de diffusion de films pourrait ainsi compléter les séances cinématographiques classiques pour les professionnels absents. On estime que seuls 30 à 40% du nombre  de festivaliers habituels seront présents.

L'Italie,  l'un des pays plus touchés par le coronavirus avec près de 33000 morts, doit rouvrir ses frontières le 3 juin, ce qui pourrait au moins permettre aux Européens de venir.

Attendre ou être solidaire

Venise lancera donc le retour du cinéma dans l'après-Covid-19. Certes, sur un mode mineur, mais pas moins symbolique après les annulations de Cannes et Locarno. Le festival assure qu'il conservera sa dimension internationale et déroulera le tapis rouge aux artistes.

Alberto Barbera, directeur du festival, n'aura que l'embarras du choix côté avant-premières et grands noms. Mais une présentation à Venise dépendra aussi de l'attitude des producteurs qui, habituellement, visent une sortie au second semestre pour les palmarès de fin d'année.

Dans un contexte où les cinémas ne sont pas encore rouvertes partout, où le box office mondial est à son plus bas, et où les jauges dans les salles sont contraintes par les mesures sanitaires et limitent les entrées, certains producteurs voudront attendre l'année prochaine pour montrer leur film.

D'autres voudront au contraire, par solidarité, relancer l'industrie en s'offrant cette première vitrine de la saison.

Cannes, Karlovy-Vary, San Sebastian

Venise va devoir gérer le nombre de sièges vides, la distanciation sociale des photographes, la sécurité des invités, le surnombre de films proposés aux comités de sélections, des conférences de presse en mode virtuel, etc...

Et le festival a les yeux rivés sur Cannes: l'éventuel succès du marché du film en mode 2.0 fin juin sera la premier vrai test de la santé du secteur. Ensuite, avec son label Cannes 2020, le festival français va sans doute vouloir, par solidarité, s'intégrer à la programmation de Venise. Sans compter que certains films cannois n'iront pas à Venise, soit parce qu'ils seront présentés ailleurs avant, soit parce qu'ils préfèrent patienter jusqu'à Berlin ou Cannes en 2021.

A la fin de l'été, des festivals comme Angoulême et Deauville, en France, devraient se maintenir, tout comme San Sebastian en Espagne. e montrer leur film, officiellement annulé, a décidé de présenter 16 films - dont Babyteeth, Procima, Luxor et Ema -  dans 80 villes de la République Tchèque durant 9 jours début juillet.

Venise va être un laboratoire passionnant pour les organisateurs de festivals et le premier indice pour connaître l'état du cinéma mondial après cette crise sanitaire et économique.

Tout cela en espérant que le virus se soit calmé d'ici là un peu partout dans le monde. Et que les spectateurs retrouvent le chemin des salles

Et si on regardait… les films primés aux prix David di Donatello

Posté par vincy, le 10 mai 2020

Vendredi soir, l'Italie célébrait son cinéma avec ses César, les Donatello. Une manière de se réconforter alors que le pays a subit plus de 30000 décès liés a Covid-19. Le cinéma italien avait vécu l'une de ses plus belles années en 2019.

Le traitre. En vidéo à la demande. Injustement oublié au palmarès cannois l'an dernier, le drame de Marco Bellocchio a raflé les prix du meilleur film, réalisateur, scénario, acteur (Pierfrancisco Favino), second-rôle masculin, (Luigi Lo Cascio) et montage. Autant dire que le film est reparti grand vainqueur de la soirée.

Martin Eden. Récompensé à Venise avec le prix du meilleur acteur, le film a reçu le prix du meilleur scénario adapté, mérité tant le travail de transposition du roman de Jack London est impressionnant.

Il primo re. Prix de la meilleure production, de la meilleure image et du meilleur son, le film de Matteo Rovere, sur les origines de Rome et en latin, est disponible sur OCS depuis le 4 mai.

5 est le numéro parfait. Ce thriller / film noir d'Igort a valu à Valeria Golino son 3e Donatello (sur 22 nominations toutes catégories confondues). Elle était aussi nommée en tant que meilleure actrice pour Tutto il mio folle amore. Adapté de la BD du réalisateur, avec Toni Servillo dans le rôle d'un tueur à gage décidé à tout flinguer, le film est disponible en vidéo à la demande.

Pinocchio de Matteo Garrone est reparti avec les prix des meilleurs décors, costumes, effets spéciaux, coiffures et maquillages. Le film devait sortir en salles en France. On ne peut finalement le voir que sur Amazon Prime Video.

Quelques film lauréats ne sont pas encore visibles. Bangla de Phaim Bhuiyan, prix du meilleur nouveau réalisateur. Le film est sorti en janvier en France. Et La dea fortuna de Ferzan Ozpetek. Jasmine Trinca a remporté son 2e Donatello de la meilleure actrice. Le film a aussi été récompensé pour la chanson originale. Pas de sortie prévue en France pour l'instant. On ne peut pas non plus voir Inverno, de Giulio Mastromauro, prix du meilleur court métrage, Mio fratello rincorre i dinosauri, de Stefano Cipani, Prix de la jeunesse ou Il primo Natale, de Ficarra et Picone, Prix du public.

Enfin, Parasite, prix du Meilleur film étranger. Plus besoin de vous présenter la Palme d'or. Visible en vidéo à la demande évidemment. Le film aura décidément tout rafler cette année dans le monde entier.

[2019 dans le rétro] Le cinéma de genre en quête d’un nouveau souffle

Posté par kristofy, le 4 janvier 2020
C’était quoi le cinéma de genre en 2019 ?

L'année dernière parmi une production pléthorique au niveau international, il y avait tout de même eu une dizaine de films français notables (dont Revenge de Coralie Fargeat, La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher, La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière...). Les surprises les plus fortes de 2018 en films de genre, de la SF à l'horreur, nous étaient venues en fait des plus grands cinéastes : Guillermo del Toro avec La Forme de l'eau, Steven Spielberg avec Ready player one, Lars von Trier avec The House that Jack built, la version en 3D de Détective Dee: la légende des Rois Célestes de Tsui Hark, et Ghostland du français Pascal Laugier.

Une fois ce souvenir ravivé, force est de constater que pour ce qui est des films sortis en salles en 2019, il y a toujours une belle diversité, mais beaucoup moins de succès populaire qui séduit au delà des spectateurs aficionados de sensations fortes, sauf à quelques exceptions.

Le genre sacré dans les festivals

Le succès d'estime de l'année avec un bouche-à-oreille de la part de ceux qui l'ont vu est sans doute le cauchemardesque Midsommar de Ari Aster. Même si, avec autant de buzz, on s'attendait à un succès bien plus large. Sans doute un excès de vanité et un culte peut-être trop prématuré (le film a été ressenti comme très flippant pour beaucoup, et trop long et navrant pour d'autres).

Bien évidemment on peut toujours compter sur les films coréens à sous-texte politique comme Le Gangster, le flic et l'assassin de Lee Won-tae (passé par le Festival de Cannes), billard à trois bandes efficace. L'année 2019 aura d'ailleurs été marquée par un autre succès plus extraordinaire lié au cinéma de genre mais qui dépasse ce type même de cinéma, un succès d'autant plus extraordinaire puisqu'il a déjoué n'importe quelle prédiction : il s'agit de Parasite de Bong Joon-ho qui a reçu la Palme d'or et attiré en salles par plus de 1,6 million de spectateurs en France (devenant le film à Palme d'or le plus vu depuis 15 ans et le film coréen le plus populaire de l'histoire). Tellement fédérateur, qu'il figure dans le top des favoris de l'année de tout le monde,  avec peut-être bientôt l'Oscar du meilleur film international... A cette Palme d'or, Venise a répondu par un Lion d'or à un autre film "de genre", et le sempiternel combat du Bien contre le Mal si américain, avec Joker de Todd Phillips, qui a su renouveler le film de super-héros.

Le cinéma de genre français se (re)cherche...
Il ne faut pas se le cacher: ce type de film représente un risque financier (un peu moins s'il est en langue anglaise), d'autant plus s'il est soumis à l'interdiction aux moins de 16 ans qui fait peur aux distributeurs et aux exploitants. Pourtant le public est bel et bien là comme le prouve les gros succès de certains films américains prémâchés et formatés (Ça - chapitre 2, Annabelle 3, Simetierre...).

L'embellie de l'année dernière est passée et malheureusement, en 2019, le cinéma de genre français dans les salles était quasiment invisible. Girls with balls de Olivier Afonso a connu une regrettable difficulté avec son distributeur initial et a dû être diffusé sur la plateforme Netflix. En fait, le seul film a être sorti discrètement en salles aura été Tout les dieux du ciel de Quarxx. Pour se consoler il y a eu tout de même une poignée d'autres films qui en s'approchant de certains éléments du genre sont à saluer : le sous-marin en guerre de Le Chant du Loup de Antonin Baudry, efficace, le rite vaudou de Zombi Child de Bertrand Bonello, délirant, et différentes folies meurtrières jouissives dans Le Daim de Quentin Dupieux (avec Jean Dujardin) ou dans Furie de Olivier Abbou, sans oublier le plutôt drôle Rebelles de Allan Mauduit (avec Cécile De France). On en voudrait plus... Pour se regonfler notre égo on peut se dire que le meilleur film de genre de 2018 avait été Ghostland réalisé par le français Pascal Laugier, qui a cartonné à l'international. Et il en est de même encore en 2019 (là encore tourné en langue anglaise) avec le "survival" dans une maison inondée en plein ouragan face à des alligators de Crawl de Alexandre Aja. Cela pourrait changer dans les années qui viennent depuis que le CNC a mis à disposition une aide spécifique aux films de genre. Mais il reste toujours le problème de la diffusion.

Le cinéma de genre américain capitalise ses recettes...
Au global les plus gros succès aux Etats-Unis en millions de dollars sont, comme d'habitude, des suites avec des super-héros. Le cinéma de genre est donc aussi inclus dans cette exploitation d'un univers déjà connu avec diverses suites : Godzilla 2: Roi des monstres, Retour à Zombieland, Happy Birthdead 2 You, et bien sûr Star Wars, épisode IX: l'ascension de Skywalker. Et quand on ne fait pas de suite alors on produit un reboot d'une histoire bien connue mais avec un autre acteur comme le nouveau (et raté) Hellboy de Neil Marshall, et l'ambitieux Alita: Battle Angel de Robert Rodriguez, qui espérait en faire une trilogie. Parfois le plaisir (coupable) est bien là, mais souvent bien que le spectacle soit plaisant la déception s'invite aussi.

Les grands noms ne font plus recette...
Il y a quelques années certains noms sur une affiche étaient suffisamment vendeur pour remplir les salles, un succès précédent était la promesse d'un nouveau succès, mais ce n'est clairement plus le cas. Il y a eu plusieurs résultats (à divers degrés) très en dessous des espérances des distributeurs, et surtout de celles du spectateurs. C'est le cas pour Gemini Man de Ang Lee avec Will Smith, malgré ses prouesses techniques, Glass de M. Night Shyamalan avec Bruce Willis, alors que le film remplissait son contrat, Ad Astra de James Gray avec Brad Pitt, sans doute trop métaphysique, et The Dead don't die de Jim Jarmusch avec Bill Murray, trop léger. Cette année on a frôlé l'overdose de nouvelles adaptations d'histoires de Stephen King : Doctor Sleep (la suite de Shining), Simetierre (le remake), Ça: chapitre 2 (la suite du remake). Mais King reste une valeur sûre en salles si on en croit le box office des deux derniers.

A noter toutefois que c'est avec le cinéma de genre que l'actrice noire Lupita Nyong'o regagne en popularité depuis son Oscar pour 12 Years a Slave en 2013. Après avoir reçu peu de propositions, elle a su rebondir sur le carton de Black Panther l'année dernière. Cette année, elle était l'héroïne principale de deux films fantastiques, à se battre contre des zombies dans Little monsters (récompensé du Corbeau d'or au BIFFF) et contre son double maléfique dans Us de de Jordan Peele.

Les surprises les plus rafraîchissantes...
Si les gros films, pour généraliser, n'ont pas été cette année à la hauteur des attentes, il y a eu d'autres films plus modestes qui ont été des bonnes surprises (comme chaque année d'ailleurs). Captive State de Rupert Wyat ayant connu un échec aux Etats-Unis est sorti presque inaperçu courant avril tout comme la comédie-phnéomène cultissime Ne coupez pas! du japonais Shin'ichirô Ueda, sortie très discrète aussi de Brightburn: l’enfant du mal de David Yarovesky.

C'est clairement le cinéma nordique qui renouvelle le plus le cinéma de genre, même si il est relativement ignoré, faute d'un manque de diffusion des films : Cutterhead du danois Rasmus Kloster Bro, The Quake du norvégien John Andreas Andersen, The Unthinkable du collectif suedois Crazy Pictures (sorti en dvd), et Border en Suède par le danois Ali Abbasi sorti en salles début janvier 2019 (après une récompense au Festival de Cannes 2018). N'oublions pas le norvégien André Øvredal, qui a réalisé aux Etats-Unis Scary Stories (co-scénarisé par Guillermo Del Toro).

Pour conclure, finissons sur un espoir pour l'année à venir. La nouvelle actrice qui peut prétendre au titre de la 'Screaming Queen' de 2019 est Samara Weaving dans l'attrayant Wedding Nightmare...