Adieu Bacri (1951-2021)

Posté par vincy, le 18 janvier 2021

bacri

Il avait le goût des autres. Un certain sens de la fête. Un air de famille. Il faisait partie dans l'inconscient collectif de nos meilleurs copains, ceux avec qui on aurait aimé passer l'été en pente douce. Jean-Pierre Bacri est mort des suites d'un cancer à l'âge de 69 ans. Et ça nous rend triste.

Pour beaucoup, il restera un peu ce grincheux permanent, ce loser à l'humour grinçant, ce charmeur aux répliques acides, celui qui jouait le drôle comme un drame. Durant près de 40 ans, il a été l'incarnation d'un Français "moyen" mais humaniste, humble mais flamboyant, sentimental et attachant. Il est révélé par Alexandre Arcady (Le grand pardon et Le Grand carnaval). Il éclate dans Coup de foudre de Diane Kurys. Il empoche sa première nomination aux Césars avec Subway de Luc Besson. Il peut être sombre dans la comédie et lumineux dans le noir. Il attirait le personnage à son tempérament, quitte à faire oublier toutes les subtilités de son jeu, beaucoup plus riche qu'en apparence.

Jaoui

Avant de devenir l'un des premiers rôles (et râleurs) les plus aimés du cinéma français, il avait débuté au théâtre avec Lorenzaccio, Ruy Blas, Don Juan (en Sganarelle) puis Ribes / Topor , Pinter et Brecht. C'est d'ailleurs la scène qui va le rendre incontournable. Observateur des mœurs, conscient des luttes sociales, engagé, il écrit ses premières pièces des ses débuts à la fin des années 1970. Mais c'est sa rencontre avec Agnès Jaoui, en 1987 sur le plateau de L'anniversaire, qui deviendra sa compagne durant un quart de siècle, et qui va sceller un destin d'écriture à quatre mains hors du commun. Elle-même l'a confié au Monde ce week-end: "Je ne serais pas arrivée là, bien sûr, si je n’avais pas rencontré Jean-Pierre Bacri. Voilà quelqu’un qui exprimait ce que je ressentais sans même me l’être formulé ; qui avait des réflexions qui me percutaient, me soulageaient, témoignaient de valeurs communes, d’un rapport au bien et au mal que je partageais, avec une conviction qui m’émerveillait car elle était si singulière !"

Les "Jabac" - surnom donné par Resnais - se lancent dans Cuisine et dépendances en 1991 puis Un air de famille en 1996, devenus des classiques sans cesse repris, en plus d'avoir été des succès populaires et cultes au cinéma. Il fera un dernier tour sur les planches avec Les Femmes savantes, mis en scène par Catherine Hiegel.  Il est couronné par un Molière du comédien, 25 ans après avec partagé celui de l'auteur avec sa compagne d'alors pour Cuisine et Dépendances.

Sur le grand écran, il passe par la sensibilité de L'été en pente douce, le délire des Saisons du plaisirs, la mélancolie de La Baule-Les-Pins, l'authenticité de Mes meilleurs copains... Il est un second-rôle idéal, celui qui met du relief aux dialogues et qui renvoi si bien la lumière sur l'ensemble du groupe. Populaire, il n'avait jamais transigé. Employé de banque, venu par hasard au théâtre, le méditerranéen était beau gosse (avec des cheveux) avant de se métamorphoser parisien plein d'esprit et dont les prises de paroles faisaient du bien. Il menait une vie peinarde. Discret, avec ses habitudes, sans trop de contraintes.

Chabat

Comme pour Jaoui, c'est l'adaptation de leur propre pièce, Cuisine et dépendances, qui révèle sa nature comme son don pour les personnages un brin cynique ou désillusionné. Un air de famille le rend alors populaire, sans qu'il ne fasse de compromis. Il enchaîne avec trois films très différents qui le positionne parmi les comédiens les plus bankables: Didier d'Alain Chabat, poussant vers l'humour absurde, On connaît la chanson d'Alain Resnais, déclinant son personnage d'angoissé, et Place Vendôme de Nicole Garcia, protecteur de Catherine Deneuve. Cette fois-ci, il est au premier plan, incisif, hilarant ou séducteur.  Avec Alain Chabat, c'est l'histoire d'une fidélité: projectionniste tué dans La Cité de la peur, invité de "Les Nuls l'émission" ou de "Burger Quiz", scénariste invité dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre (en plus d'en être le narrateur), participation dans Santa & Cie...

Jean-Pierre Bacri tourne peu, mais sûrement. Il réfute les clichés et préfère chercher l'humanité, l'empathie, la profondeur d'un personnage, peu importe qu'il soit chef d'entreprise proche du burn-out, barman sifflotant un générique de jeu TV, proxénète, éditeur égocentrique, ou vendeur de brosses à dents. "Je ne joue pas toujours des personnages râleurs !" rappelait-il en 2015 l’AFP. Certes, il n'aimait pas l'irréel des héros, la triche du surjeu, le mensonge du bonheur total. Il préférait "traquer le vécu, la sobriété, la pudeur", même si le rôle est abject. C'était une gueule. On lui reprochait de toujours faire la gueule. A tort. Lançons un (Ba)cri du coeur, il souriait, riait même, et savait montrer sa générosité et sa chaleur. Car, on l'oublie, il aimait aimer. Ses personnages courait après l'amour, ceux fanés, inaccessibles ou maladroits. L'amour au centre de tout: se fichant d'être aimé, il faisait quand même tout pour que son personnage le plus antipathique ne soit pas détestable. "Je joue des gens qui ont des problèmes, placés face à des contradictions, c'est ce qui m'amuse le plus" précisait-il, préférant jouer "vraiment le contraire" de ce qu'il pensait être.

Lauriers

Il est évidemment formidable dans Le Goût des autres d'Agnès Jaoui, leur meilleure satire, mais il sait aussi transcender les scènes chez Noémie Lvovsky (Les sentiments) ou Pascal Bonitzer (Tout de suite maintenant) ou dans Une femme de ménage de Claude Berri. Pourtant, ce sont dans des films plus décalés qu'il brille et qui démontre son goût très sûr pour les bons scénarios, les grands personnages, souvent seuls dans des univers singuliers, et les cinéastes au ton si personnel (Adieu Gary de Nassim Amaouche, Kennedy et moi de l'ami Sam Kermann, La vie très privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc...).

Choisir Bacri dans un film c'est lui donner une tonalité particulière, où l'on ne voit plus que ce faux misanthrope, ce bougon faussement détaché ou ce solitaire malgré lui. Et à chaque fois, aucune fausse note. Un naturel confondant au point de le confondre avec ses rôles. "Je fais en sorte qu'on ne voie pas les coutures, qu'on ait l'impression que je suis en train de vivre la situation. Je crois qu'un acteur doit avoir une certaine empathie pour les gens, pour les comprendre et donc pour les jouer, ressentir leurs émotions" disait-il dans Le Figaro il y a trois ans. Le sens de la fête en 2017, d'Olivier Nakache et Eric Toledano, représente à ce titre l'acmé de son jeu dans une troupe où il sait être à sa place: centrale mais collective. Ce sera la dernière de ses sept nominations aux César (celui-là, il le méritait pourtant), César qu'il aura eu en tant qu'acteur pour un second-rôle (1998) mais quatre fois comme scénariste avec Jaoui (en plus d'un prix du scénario à Cannes et deux European Awards).

On ne le dira jamais: auteur génial, il était aussi un grand acteur. Sans aucune nostalgie pour l'enfance, il s'était épanoui avec la maturité, comme un grand vin. Il avait conquis sa liberté, son indépendance. "Je ne veux plus des dimanches soir mortels d’ennui de mon enfance, des levers à l’aube pour aller travailler à l’école, au lycée, à la banque. J’ai trop vécu alors de petit spleen en petit spleen" clamait-il dans Télérama. Il lui restait de sa jeunesse "Une certaine futilité, un goût stupide de l’amusement, des plaisirs gamins... Une paresse de cancre aussi".

Dans l'hebdomadaire, il affirmait: "Je ne regrette aucun des films où j’ai joué, je n’en mythifie aucun non plus. Une vie d’acteur est nourrie de l’accumulation d’expériences, quelles qu’elles soient. Je ne sacralise pas ce métier." Nous, on aurait quand même bien envie de le sacriliser tant il a offert des barres de rire, de grands moments d'émotion et une vision de l'humain à contre-courant des comédies populaires et du diktat artificiel du bonheur imposé par la télévision. Il y avait quelque chose en nous de Bacri.

Robert Hossein (1927-2020) quitte la scène

Posté par vincy, le 31 décembre 2020

Il aura attendu le dernier jour de cette année 2020, et le lendemain de son 93e anniversaire, pour tirer a révérence. Robert Hossein, né Abraham Hosseinoff, est mort.

Acteur, metteur en scène et producteur de spectacles « démesurés », Robert Hossein avait un charme vénéneux, celui des hommes virils à belle gueule, capables d’être inquiétants et séduisants, mystérieux et mélancoliques. Sans doute ses origines salves. Enfant de la balle – un père acrobate et une mère comédienne, ancien élève du cours de René Simon et de Tania Balachova, il débute très jeune sur scène. Tout aussi précoce, il se lance dans la mise en scène au théâtre du Grand Guignol, aux côtés de Frédéric Dard (il fait d’ailleurs un clin d’œil à son ami en faisant une apparition dans San Antonio, film de 2003). Longtemps avant de prendre la direction du Théâtre populaire de Reims où il expérimente l’alliage du spectacle vivant et du cinéma, créant des spectacles grandioses et grandiloquents, qui feront sa fortune à partir des années 1980. Il dirige aussi pendant le début des années 2000 le Théâtre Marigny. Cette passion des planches lui vaut un Molière d’honneur amplement mérité dans les années 1990.

Joffrey

Amoureux du jeu, amant prolifique – de Marina Vlady à Candince Patou en passant par Caroline Eliacheff et Marie-France Pisier -, il était iconoclaste dans son art. Dans le privé, fils d’un père azéri et d’une mère juive, il avait décidé de se faire baptiser après ses 50 ans, embrassant pleinement la religion catholique jusqu’à lui dédier ses derniers spectacles, prosélytes et papistes.

Révélateur de talents (notamment la jeune Isabelle Adjani), Robert Hossein a croisé les plus grands (Gabin et Belmondo, entre autres) durant sa carrière cinématographique, éclectique et chaotique.

Là encore, il ne sait pas choisir entre son métier d’acteur et la réalisation. Il réalise quinze longs métrages entre 1955 et 1982, dont quelques-uns inspirés par Frédéric Dard (Toi, le venin) et une version épique des Misérables, avec Lino Ventura et Michel Bouquet.

L’acteur sera bien plus convaincant. Débutant chez Sacha Guitry, il enchaîne les figurations et petits rôles dès la fin des années 1940. En 1955, il perce avec Du rififi chez les hommes de Jules Dassin, puis, entre deux réalisation, tourne avec Roger Vadim (qui en fait un de ses acteurs récurrents), Yves Allégret, Gérard Oury, Christian Jaque, Claude Autant-Lara et André Hunnebelle (dans un OSS 117). S’il passe à côté de la Nouvelle Vague, il décroche en 1964 un premier rôle dans un film populaire (3 millions d’entrées), celui de Joffrey de Peyrac, dans Angélique marquise des anges, romance de cape et d’épée. Le début d’une saga où Hossein, malgré son tragique trépas à l’issue du premier film, s’impose en star.

Bébel

Si l’acteur n’a jamais été tête d’affiche, il a ce charisme nécessaire pour s’imposer dans des films aux genres variés, passant du cinéma italien à la comédie française, du thriller au mélodrame en costume. Il passe ainsi de Marguerite Duras à un Marco Polo à gros budget, de Jean Aurel à Mauro Bolognini, de Claude Lelouch à Nadine Trintignant, en passant par Roger Hanin. Pour Le Casse d’Henri Verneuil, il s’offre un personnage ambiguë, aux côtés de Jean-Paul Belmondo et Omar Sharif. Il retrouve « Bébel » dans Le professionnel de Georges Lautner, Les Misérables de Claude Lelouch Un homme et son chien de Francis Huster. Il le met en scène à Marigny dans les fantastiques Kean et Cyrano de Bergerac.

Si on le croise ici et là – chez Alexandre Arcady dans Le Grand Pardon, chez Jean Yanne, dans le beau Les enfants du désordre de Yannick Bellon, dans le premier film de Sophie Marceau, La disparue de Deauville, de passage dans le Vénus Beauté institut de Tonie Marshall – on sent bien que le cinéma ne l’intéresse plus à depuis maintenant 40 ans.

Shows messianiques

Il préfère la scène avec les textes de Georges Simenon, Jean-Paul Sartre, John Steinbeck, Jean Anouilh… C’est avant tout en mettant en scène des spectacles pour des salles gigantesques, loin des beaux théâtres feutrés, amenant l’interactivité du public, qu’il se taille une réputation sur son seul nom, avec Hossein en lettres capitales, barrant les affiches de publicité.

Il débute cette aventure de grands shows historico-dramatiques avec Le cuirassé Potemkine, Notre-Dame de Paris et Danton et Robespierre, première collaboration avec Alain Decaux. Il rejoue avec l’historien les grandes étapes de l’Histoire de France, demandant au public de condamner ou d’acquitter Louis XVI, non sans polémique. Il est récupéré par les partis politiques de droite et d’extrême-droite puis par les ultra-catholiques quand il revisite Napoléon, Jésus, la vierge Marie, Charles de Gaulle ou encore Jean-Paul II. Ses spectacles sont des cartons au Palais des Sports ou au Stade de France, à Lourdes ou au Puy du fou. De temps à autres, il revient aux classiques : Jules César, On achève bien les chevaux, Ben-Hur et même Angélique, son exquise marquise. L’auteur de Je crois en l’homme parce que je crois en Dieu (2016, Plon) est bien loin du jeune homme saltimbanque qui fréquentait Dard et mettait en scène des pièces comme L’Affaire Szenec ou Les bas-fonds de Maxime Gorki.

Les Miz

On préfère retenir son sens de l’audace et son talent à épater le grand public avec Les Misérables, comédie musicale d’après Victor Hugo, en 1980. Avec le livret de Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil, il réussit avec brio à lancer ce qui deviendra, en anglais, le plus grand succès des musicals de West End à Londres, puis de Broadway. Finalement, il aura eu ce destin à la Valjean, devenant notable et croyant, délaissant ses « crimes » et cherchant les châtiments, choisissant ses créations comme autant de guides vers une forme d’espérance, puisant dans on imagination sans fin. Un « marginal mystique et méfiant » comme il se définissait, « croyant et désespéré », solitaire, à l’image de son livre préféré, Le désert des Tartares, de Dino Buzzati. Le spirituel l’a emporté sur le matériel. « Le passé, c'est un souvenir. Si vous vivez dans le passé, vous êtes foutu. Il faut espérer dans l'avenir, mais je trimballe une éternelle nostalgie de la vie.... ».

César 2021: un président, une présentatrice, des révélations et des courts métrages

Posté par vincy, le 18 décembre 2020

Ce sera le 12 mars, soit un peu plus tard que d'habitude. La 46e cérémonie des César, aka celle de la résurrection, consacreront un cinéma français qui aura souffert en 2020, avec près de cinq mois d'absence pour cause de confinement des salles.

Roshdy Zem, César du meilleur acteur en 2020, présidera la soirée, tandis que Marina Foïs, jamais récompensée malgré cinq nominations, présentera la soirée, coécrite par Blanche Gardin et Laurent Lafitte. Cette cérémonie - en présentiel dans un lieu à déterminer - devra surtout effacer l'historique, soit celle de 2020 piégée par les polémiques et les scandales.

En 2020, les César ont opéré un reboot: conseil d'administration, gouvernance, règles (le César du public disparaît)...

En attendant, deux pré-listes ont été déjà communiquées: les révélations pour les César du meilleur espoir et les courts métrages candidats.

Révélations 2021 - les Comédiennes :

Noée Abita dans Slalom
Najla Ben Abdallah dans Un fils
Aïcha Ben Miled dans Un divan à Tunis
Nisrin Erradi dans Adam
India Hair dans Poissonsexe
Liv Henneguier dans Douze mille
Annabelle Lengronne dans Filles de joie
Pauline Parigot dans Frères d'arme
Julia Piaton dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
Camille Rutherford dans Felicità
Lauréna Thellier dans K contraire
Anamaria Vartolomei dans Just Kids

Révélations 2021 - les Comédiens :

Abdel Bendaher dans Ibrahim
Lucas Enlander dans Les Apparences
Sandor Funtek dans K contraire
Thomas Guy dans Un vrai bonhomme
Guang Huo dans La Nuit venue
Félix Lefebvre dans Été 85
Nils Othenin-Girard dans Un vrai bonhomme
Jules Porier dans Madre
Bastien Ughetto dans Adieu les cons
Benjamin Voisin dans Été 85
Alexandre Wetter dans Miss
Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir

Courts métrages :

19
Réalisé par Marina ZIOLKOWSKI
MARS COLONY
Réalisé par Noël FUZELLIER
L'AVENTURE ATOMIQUE
Réalisé par Loïc BARCHÉ
MASSACRE
Réalisé par Maïté SONNET
BAB SEBTA
Réalisé par Randa MAROUFI
MATRIOCHKAS
Réalisé par Bérangère MCNEESE
BALTRINGUE
Réalisé par Josza ANJEMBE
MORTENOL
Réalisé par Julien SILLORAY
BLAKÉ
Réalisé par Vincent FONTANO
OLLA
Réalisé par Ariane LABED
COMMENT FAIRE POUR
Réalisé par Jules FOLLET
QU'IMPORTE SI LES BÊTES MEURENT
Réalisé par Sofia ALAOUI
FELIX IN WONDERLAND
Réalisé par Marie LOSIER
SAPPHIRE CRYSTAL
Réalisé par Virgil VERNIER
HOMESICK
Réalisé par Koya KAMURA
SHAKIRA
Réalisé par Noémie MERLANT
L'IMMEUBLE DES BRAVES
Réalisé par Bojina PANAYOTOVA
THE LOYAL MAN
Réalisé par Lawrence VALIN
INVISÍVEL HERÓI
Réalisé par Cristèle ALVES MEIRA
TSUMA MUSUME HAHA
Réalisé par Alain DELLA NEGRA et Kaori KINOSHITA
JE SERAI PARMI LES AMANDIERS
Réalisé par Marie LE FLOC'H
UN ADIEU
Réalisé par Mathilde PROFIT
JUSQU'À L'OS
Réalisé par Sébastien BETBEDER
YANDERE
Réalisé par Wiliam LABOURY

Court métrage d'animation :

BACH-HÔNG
Réalisé par Elsa DUHAMEL
SORORELLE
Réalisé par Frédéric EVEN et Louise MERCADIER
LE GARDIEN, SA FEMME ET LE CERF
Réalisé par Michaela MIHÁLYI et David ŠTUMPF SWATTED
Réalisé par Ismaël JOFFROY CHANDOUTIS
GENIUS LOCI
Réalisé par Adrien MÉRIGEAU
SYMBIOSIS
Réalisé par Nadja ANDRASEV
L'HEURE DE L'OURS
Réalisé par Agnès PATRON
TÊTARD
Réalisé par Jean-Claude ROZEC
MOUTONS, LOUP ET TASSE DE THÉ...
Réalisé par Marion LACOURT
LA TÊTE DANS LES ORTIES
Réalisé par Paul CABON
L'ODYSSÉE DE CHOUM
Réalisé par Julien BISARO
TRACES
Réalisé par Hugo FRASSETTO et Sophie TAVERT MACIAN

Drunk ennivre les European Film Awards 2020

Posté par vincy, le 13 décembre 2020

Logiquement, le film danois Drunk (Another Round) de Thomas Vinterberg emporte la plupart des trophées principaux aux European Film Awards. C'est la troisième fois que le cinéma danois est récompensé en tant que meilleur film, après deux réalisations de Lars Von Trier il y a vingt ans. Vinterberg, comme Mads Mikkelsen, sont pour la première fois honorés en tant que réalisateur et acteur.

Signalons aussi le prix de la meilleure actrice pour Paula Beer dans Ondine et le prix de la meilleure comédie pour le film français Un triomphe.

Meilleur film européen
Drunk de Thomas Vinterberg (le film est exploité en France depuis le 14 octobre par Haut et Court). Ce film est aussi le candidat du Danemark à l'Oscar du meilleur film étranger.

Meilleure réalisation
Thomas Vinterberg pour Drunk

Meilleure interprétation masculine
Mads Mikkelsen pour Drunk

Meilleure interprétation masculine
Paula Beer pour Ondine de Christian Petzold (le film est sorti en France sous la bannière des Films du Losange le 23 septembre). 

Découverte de l'année - prix FIPRESCI
Carlo Sironi pour Sole

Meilleur scénario
Thomas Vinterberg et Tobias Lindholm pour Drunk

Meilleure comédie
Un triomphe d'Emmanuel Courcol

Meilleur film d'animation
Josep d'Aurel

Meilleur documentaire
L'affaire collective de Alexander Nanau

Prix Eurimages à la coproduction
Luis Urbano

Meilleur court métrage
La nuit tous les chats sont gris de Lasse Linder

Meilleure photo
Matteo Cocco pour Je voulais me cacher

Meilleur montage
Maria Fantastica Valmori pour Once More unto the Breach

Meilleurs décors
Cristina Casali pour The personal History of David Copperfield

Meilleurs costumes
Ursula Patzak pour Je voulais me cacher

Meilleurs maquillages et coiffures
Yolanda Piña, Félix Terrero & Nacho Diaz pour Une vie secrète

Meilleure musique
Dascha Dauenhauer pour Berlin Aklexanderplatz

Meilleur son
Yolande Decarsin pour Petite fille

Meilleurs effets visuels
Iñaki Madariaga pour La Plateforme

Le coming-out trans d’Elliot Page ravive les questions sur la représentation des LGBT+

Posté par wyzman, le 6 décembre 2020

Outre le retour dans les charts du tube de Mariah Carey « All I Want for Christmas », ce 1er décembre aura été marqué par le coming-out de l’acteur : il est trans, non-binaire (il ne se définit ni comme un homme ni comme une femme), s’appelle Elliot et ses pronoms sont « il » et « iel ».

Un coming-out révélateur

Sur ses différents comptes sur les réseaux sociaux, le Canadien de 33 ans écrit ainsi : « Salut les amis, je veux partager avec vous que je suis trans, mes pronoms sont il/iel et mon nom est Elliot. Je me sens chanceux d'écrire cela. D'être ici. D'être arrivé à cet endroit dans ma vie. Je ressens une immense gratitude pour les personnes incroyables qui m'ont soutenu tout au long de ce voyage. Je ne peux pas commencer à exprimer à quel point il est remarquable d'aimer enfin qui je suis assez pour poursuivre mon authentique moi. J'ai été sans cesse inspiré par tant de personnes de la communauté trans. Je vous remercie pour votre courage, votre générosité et votre travail incessant pour faire de ce monde un endroit plus inclusif et plus compatissant. Je vous apporterai tout le soutien possible et continuerai à lutter pour une société plus aimante et plus égalitaire. »

Et si cette annonce a fait l’effet d’une bombe, c’est sans doute parce que personne ne s’y attendait. L’acteur révélé par Hard Candy de David Slade (2005) et Juno de Jason Reitman (2007) est depuis cette année-là un talent à suivre de près. Jusqu’en 2014, il a alterné blockbusters et films indépendants (presque) oscarisables : la saga X-Men, Bliss de Drew Barrymore, Inception de Christopher Nolan, To Rome with Love de Woody Allen, etc. Mais c’est suite à un premier coming-out survenu en 2014 que le comédien est devenu l’icône de toute une génération fière de sa sexualité et de son identité et disposant d’une meilleure représentation que ses aînées. Du moins c’est ce que l’on croit sur le papier.

Après des projets indépendants au succès relatif (Freeheld, Into the Forest, Tallulah, My Days of Mercy, The Cured, Flatliners), Elliot Page trouve stabilité et sérénité du côté du petit écran. Grâce à Netflix, il rayonne dans Umbrella Academy et Les Chroniques de San Francisco. Particulièrement sensible aux questions sur le genre, le géant du streaming n’a d’ailleurs pas manqué d’impressionner les internautes par la rapidité avec laquelle le deadname* d’Elliot Page a disparu des différents projets auxquels il a participés et qui sont toujours disponibles sur la plateforme. Preuve s’il en fallait une qu’un coming-out trans est bien moins complexe à appréhender que ce que l’on nous fait parfois croire.

*Le deadname d’une personne trans est le prénom qui lui a été donné à la naissance et qui est indiqué sur son état civil mais qui ne correspond pas à son genre

Un traitement médiatique à plusieurs vitesses

Mais parce que comme nous vous le disions plus haut, personne ne s’attendait à ce coming-out trans, le traitement médiatique de celui-ci en dit long sur la situation des personnes trans dans le monde et l’incompréhension qu’ils peuvent subir. Dans un fil Twitter, le compte Le coin des LGBT+ revient ainsi sur la manière dont différents médias (Le Monde, Le Figaro, 20 Minutes, BFMTV ou encore Valeurs actuelles) ont traité l’information.

Et si globalement, un effort a été fourni par presque tous pour utiliser les bons pronoms, force est de constater que nombreux sont ceux à vouloir faire appel au deadname du comédien — élément pourtant rejeté par les personnes trans qui peuvent y voir la volonté de ne pas accepter leur nouvelle et véritable identité — sous couvert de vouloir mieux faire comprendre le coming-out de l’acteur à ceux qui sont moins au fait de ces questions.

Pour ne pas entrer dans les détails de ce que ce coming-out signifie, nombreux sont ceux à mettre l'accent sur les messages qu'Elliot Page a reçus dans la foulée. L'occasion de refaire de Hollywood un espace hautement fantasmé d'ouverture et de mentionner le soutien apporté par Miley Cyrus, Rubi Rose (Batwoman), Kate Mara (House of Cards), Anna Paquin (True Blood), Julianne Moore, Indya Moore (Pose), Lena Dunham (Girls) ou encore James Gunn (Les Gardiens de la Galaxie).

Vers une meilleure représentation ?

Comme on pouvait s’en douter, il n’a pas fallu longtemps pour que la question de la représentation soit abordée. En effet, dans le hit de Netflix Umbrella Academy, Elliot Page incarne une femme cisgenre attirée par les femmes. Et à l’heure où il est de plus en plus fréquemment demandé à des acteurs cisgenres et hétérosexuels de ne pas jouer des personnages LGBT+ pour laisser leur chance à des comédiens justement LGBT+, la situation pourrait sembler ironique. Mais si l'on en croit les informations de Gay Times Magazine, le personnage de Vanya ne devrait aucunement changé ou son interprète recaster.

Et si la situation semble si cocasse, c'est que Hollywood a depuis trop longtemps pris l’habitude de ne pas faire confiance à des comédiens ouvertement queer. On pense notamment à Cate Blanchet dans Carol, Timothée Chalamet et Armie Hammer dans Call Me By Your Name, Jared Leto dans Dallas Buyers Club, Felicity Huffman dans Transamerica ou encore Jeffrey Tambor dans Transparent. Et sans surprise, le cas de Nick Robinson jouant un jeune lycéen gay dans Love, Simon est à mettre à part tant le film de Greg Berlanti a évité les critiques de par son caractère historique, comme le note USA Today. Il s’agit en effet de la première comédie d’un grand studio centrée sur une romance gay.

Alors que Variety rappelle justement que les comédiens, producteurs et scénaristes trans et bankables à Hollywood peuvent se compter sur les doigts (Laverne Cox, Trace Lysette, Brian Michael Smith, les soeurs Wachowski, Joey Soloway et Janet Mock), la machine à rêves américaine veut actuellement se convaincre que les histoires racontées demain seront meilleures que celles produites aujourd’hui. Car il faut bien admettre que la situation est loin d’être idyllique. Le rapport 2020 de la GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) sur la représentation des LGBTQ au cinéma révèle que sur les 118 films de grands studios produits en 2019, 22 seulement disposaient de personnages queers — mais aucun de personnage trans ! Ce qui était déjà le cas en 2018 et en 2017...

La sulfureuse pirate Nelly Kaplan largue les amarres (1931-2020)

Posté par kristofy, le 12 novembre 2020

Nelly Kaplan a succombé à ce satané Covid-19 qui a mis fin à ses 89 ans : elle était l'une des doyennes parmi les réalisatrices. Sa carrière a débuté à une époque où il y avait très peu de femmes qui faisaient du cinéma. Elle est arrivée en France avec ses vingt ans et une passion pour le 7ème art. Elle devient vite l'assistante d'Abel Gance. Nelly Kaplan le glorifiera à travers deux documentaires: en 1963 avec Abel Gance, hier et demain et en 1983 avec Abel Gance et son Napoléon. Elle écrira des livres sur ce réalisateur dont l'œuvre monumentale s'étale de 1911 à 1971. Avec lui, la romancière, essayiste, scénariste, documentariste et scénariste s'intéresse autant au développement de projets qu'aux diverses machines de tournage et de montage. Son autre complice sera le producteur Claude Makovski (décédé ce mois d'août) avec qui ils vont monter ensemble une société de production, Cythère films. Nelly Kaplan veut produire et réaliser, ce qu'elle fait déjà depuis quelques années avec des courts-métrages et des documentaires (dont Le Regard Picasso en 1967 qui gagnera un Lion d'or à Venise).

Son premier long-métrage en 1969, fin d'époque de la 'Nouvelle Vague', va faire sensation. La fiancée du pirate , avec une Bernadette Laffont au sommet de son art, va devenir culte, par son esprit de liberté, son insolence, sa férocité et sa poésie. Cette satire anticonformiste et féministe s'attaque aux conventions bourgeoises dans l'esprit idéologique de l'époque, tout en restant un film populaire et d'apparence romantique. On retient aussi sa musique, avec "Moi, je me balance", de Georges Moustaki et interprétée par Barbara... Avec son personnage amoral et libertaire, dans un style entre art brut et surréalisme, elle fait le portrait d'une femme de son temps, émancipée, dans une époque contraignante et coincée. Le film est alors interdit aux moins de 18 ans. Il faudra attendre vingt ans pour qu'il soit considéré comme grand public.

Nelly Kaplan en plus d'être réalisatrice était écrivaine de romans d'où transpirait beaucoup d'érotisme (d'ailleurs son troisième film Néa est une déclinaison des succès des Emmanuelle). Elle écrivait sous pseudos certaines de ses nouvelles sulfureuses: Mémoires d'une liseuse de draps, chez Pauvert, en 1974, signé Belen, fut censuré et interdit de diffusion.

Retour sur quelques films de Nelly Kaplan :

Abel Gance, hier et demain, 1963 : ce documentaire valorise les différentes recherches techniques de Abel Gance à propos du travelling, de la surimpression d’images, de stéréophonie, et de la polyvision.

La Fiancée du pirate, 1969 : Bernadette Lafont vend ses charmes aux notables de la ville, ils sont se cachent tous d'être ses clients mais publiquement ils veulent la chasser... On y voit un enterrement très aviné. Son histoire à la fois féministe et libertaire est si subversive que Nelly Kaplan en assure elle-même la production. Le film ira au Festival de Venise et deviendra un succès.

Papa les petits bateaux, 1971 : Autour de Sheila White il y a Michel Bouquet, Sydney Chaplin, Michel Lonsdale, Pierre Mondy, Catherine Allegret. Une bande de bandits pas doués kidnappent la fille d’un riche armateur, mais celle-ci leur en fait voir de toutes les couleurs. Une bande rivale est attirée aussi par la rançon, mais c’est aussi le cas de la victime. Un jardin va se remplir de cadavres…. Cette comédie avec une trame de film noir parodique est une curiosité.

Il faut vivre dangereusement, 1975 : Nelly Kaplan est à l'écriture et à la production, mais la réalisation est de son partenaire artistique Claude Makovski. On y suit Claude Brasseur en détective-privé qui accepte un travail de filature d’une femme soi-disant infidèle, Annie Girardot. En fait il s'agit de plusieurs personnes qui convoitent un gros diamant précieux.

Charles et Lucie, 1980 : C'est l'autre grand film de Nelly Kaplan qui se tourne vers un drame plus sérieux, et une chronique douce-amère sur le couple, avec Daniel Ceccaldi et Ginette Garcin. Un antiquaire peu débrouillard et une gardienne d’immeuble perdent le peu qu’ils avaient, victimes d’escrocs qui leur ont raconté une histoire de gros héritage fantôme. Dans leur malheur le couple va rencontrer toutes sortes de gens et leur union en sortira renforcée. Ce film sa séduit jusqu'aux Etats-Unis.

Plaisir d'amour, 1990 : Pierre Arditi est une sorte de Don Juan qui veut séduire trois femmes à la fois, sans se douter qu’en fait ce sont elles qui se jouent de lui (avec Françoise Fabian et Dominique Blanc). Une ronde des sentiments qui a été le dernier film réalisé par Nelly Kaplan, qui se consacrera désormais à l'écriture de scénarios

Abel Gance et son Napoléon, 1983 : Napoléon a été un énorme film et reste l'une des œuvres incroyables d'Abel Gance, avec une durée de plus de 5 heures ! Les évolutions de ce projet d'une ampleur inédite en 1927 sont racontées ici dans cette sorte de making-of passionnant.

Ces films qui représentent l'oeuvre de Nelly Kaplan avait été regroupés dans un coffret dvd chez Potemkine.

Fernando Solanas (1936-2020), l’indigné permanent, est mort

Posté par vincy, le 7 novembre 2020


Le réalisateur argentin, connu pour ses documentaires militants, ancien député et sénateur, Fernando Salanas, est mort le 6 novembre, à l’âge de 84 ans des suites du virus Covid-19.

Né le 16 février 1936 à Buenos Aires en Argentine et mort à Paris, il avait reçu un Ours d'or d'honneur à Berlin en 2004 mais aussi le Grand prix spécial du jury à Venise pour Tangos, l'exil de Gardel, le prix du la mise en scène à Cannes pour Le Sud et le Grand prix de la commission supérieure technique, toujours à Cannes, pour Le Voyage.

Il a réalisé des films, fictions ou docus, très engagés dès les années 1960, en lutte contre la dictature argentine - L'Heure des brasiers, Argentina, mayo de 1969: los caminos de la liberación, Perón, la revolución justicialista, Les fils de Fierro, ... - avant de bifurquer vers un cinéma plus allégorique, après la fin du régime péroniste, avec Tangos, Le Sud, Le voyage, Le nuage, Les invisibles ou Le grain et l'ivraie, son dernier film il y a deux ans.

Surnommé « Pino », il considérait le cinéma comme un manifeste politique, devant ouvrir le débat, se confronter aux citoyens. Il voulait donner la parole au peuple, montrer les gens d'en bas, tout en refusant les conventions, souhaitant même, volontairement, déranger le pouvoir en place. Ses influences variées, son esthétique presque manuéline, était une recherche anticonformiste, rejetant les normes, presque d'inspiration baroque à la manière d'un Fellini. Sur la fin, son cinéma devenait plus nostalgique, pour ne pas dire désenchanté face aux chaos du monde, sans doute perdu dans la complexité de l'ère contemporaine, égaré dans ses exils multiples.

Il venait d'être nommé Délégué permanent de son pays à l’Unesco.

Sean Connery (1930-2020), mort d’un géant

Posté par vincy, le 31 octobre 2020

Oscar du meilleur acteur dans un second rôle et un Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle pour Les Incorruptibles, ainsi qu'un British Academy Film Award du meilleur acteur pour Le Nom de la rose, en plus d'un BAFTA d'honneur pour son « exceptionnelle contribution au cinéma mondial et d'un Lifetime Achievement Award décerné par l'American Film Institute pour l'ensemble de sa carrière... Sean Connery a reçu les plus grands honneurs.

Mais cet écossais au caractère bien trempé, au physique plus qu'avantageux, a surtout traversé quatre décennies au top du box office, passant d'une génération de spectateurs à une autre, sachant choisir avec un flair certain ses films, passant sans effort d'un blockbuster à des projets plus audacieux. Sean Connery est mort à 90 ans au Bahamas des suites d'une longue maladie. Cela faisait 17 ans qu'il était absent des écrans. Mais il aura tourné durant 55 ans.

Ballon rond

Sean Connery est né à Édimbourg, dans un milieu très modeste, catholique irlandais par son père, protestante écossais par sa mère. Il commence à travailler à l'âge de 8 ans, et arrête ses études à 17 ans. Déjà beau mec, il s'engage dans la marine britannique. Sa carrière est interrompue par un ulcère à l'estomac. Mais son passage dans la marine lui encre deux tatouage, "Dad and Mum" et "Scoltand forever". Après divers petits métiers, notamment modèle pour les artistes (chanceux) de l'École des beaux-arts d'Édimbourg, ce fan de fitness d'1m89 avant l'heure (on appelait ça le culturisme à l'époque), il devient figurant puis petit rôle pour la télévision et la scène. Le cinéma l'enrôle au milieu des années 1950. Il doit cependant attendre la diffusion du téléfilm Anna Karénine sur la BBC en 1961 pour se faire remarquer. Il a déjà 31 ans. Autant dire qu'il n'est plus taillé pour être un jeune premier. Mais il a déjà tout du futur mâle moderne.

Ce footballeur accompli a d'ailleurs failli être professionnel pour le Manchester United quelques années plus tôt. Avec un instinct certain, qui sera sans doute son plus grand atout, il réalise qu'un sportif de haut niveau termine sa carrière dans la trentaine. Ce choix le conduit à devenir acteur, "ce qui s'est avéré être l'une des décisions les plus intelligentes que j'aie jamais prises".

Bond, James Bond

Au début des années 1960, il participe à l'épopée du film fresque international Le Jour le plus long. Pendant ce temps, en 1961, le London Express organise un concours afin de trouver un acteur pour le rôle de James Bond, l'agent 007 imaginé dans les livres de Ian Fleming. Sean Connery gagne devant 600 candidats, dont certains très connus. Etant donné sa faible notoriété, Connery a un avantage: il n'est pas cher. Cela va complètement transformé sa carrière. Il va incarner l'espion dans sept épisodes, dont six produits par EON Productions, entre 1962 et 1983. Il va imposer sa voix grave, son regard ténébreux, sa silhouette athlétique et cette aptitude à jouer les durs même en étant le gentil au monde entier.

Ian Fleming ne trouvait pas le grand écossais à son goût: pas assez british, trop musclé... Mais Albert Broccoli sait ce qu'il fait: il a le charisme sexuel, une dureté dans le regard, un pouvoir de séduction froid, une capacité à être tueur et embobineur, charmeur et impitoyable. Le premier film, Dr. No, est un triomphe. Les suivants vont être des phénomènes transformant la série en franchise atemporelle et machine à cash. Encore aujourd'hui, Goldfinger est considéré comme le meilleur film du genre et Opération Tonnerre, jusqu'à Skyfall, a été le film le plus vu de la saga.

Connery devient une star, mais surtout il créé tous les codes du personnage. Il a l'humour d'un Roger Moore, l'élégance chic de Pierce Brosnan et la froideur sensible d'un Daniel Craig.

Bien sûr, il se lasse, malgré des cachets en augmentation exponentielle (on lui offre 5 millions de $ pour le 007 de 1973, qu'il refuse). Il aurait aimé des scénarios moins répétitifs, un personnage qui évolue, ... il trouvera ça ailleurs, dans d'autres genres de films.

Hitchcock, Lumet, Huston, Boorman...

Fort de son aura et de son statut de vedette mondiale, il tourne avec les plus grands. D'abord Alfred Hitchcock dans Pas de printemps pour Marnie en 1964, formidable film d'espionnage du maître. Puis il rencontre Sidney Lumet, celui avec qui il tournera le plus de films, pour La Colline des hommes perdus, l'un des films de guerre les plus puissants de son époque. Il croise Gina Lollobrigida dans La Femme de paille de Basil Dearden, Brigitte Bardot dans le western Shalako d'Edward Dmytryk, Claudia Cardinale dans le film d'aventure soviéto-italien La Tente rouge de Mikhaïl Kalatozov... Car Sean Connery n'aura jamais cessé de séduire ou de diriger à travers ses personnages. Les femmes tombent mais ses victimes aussi. Il est chaud au lit mais peut-être glacial et glaçant quand il s'agit de mener une enquête, commander des hommes ou tout simplement tuer.

Les années 1970 vont définitivement l'installer comme l'un des acteurs majeurs du cinéma mondial. Et taillé pour être un héros, viril ou maudit, historique ou venu de la littérature et de la BD.

Sans être passé par la Royal Shakespeare Company, creuset de tous les grands talents britanniques, même s'il aiamit beaucoup les planches (il joua Macbeth et produisit Art de Yasmina Reza), apprenant à chaque film un peu mieux son métier, il va devenir un de ces comédiens dont la seule présence habite le personnage. Il alterne films spectaculaires et drames de belle facture, grands noms et genres divers. Détective engagé socialement dans Traître sur commande (The Molly Maguires) de Martin Ritt; chef de gang dans Le Dossier Anderson de Sidney Lumet : inspecteur violent dans The Offence de Sidney Lumet (un film si sombre qu'il faudra attendre 35 ans pour le voir en France) ; mutant exterminateur dans le film de SF de John Boorman, Zardoz ; colonel dans la troupe du Crime de l'Orient-Express toujours de Sidney Lumet ; aventurier mégalo dans le brillant film de John Huston L'Homme qui voulut être roi ; chef berbère dans Le Lion et le Vent de John Milius ; Robin des bois vieillissant face à Audrey Hepburn dans La Rose et la Flèche de Richard Lester ; général dans Un pont trop loin de Richard Attenborough ; braqueur génial dans La Grande Attaque du train d'or de Michael Crichton ; mercenaire dans Cuba de Richard Lester ; savant sauveur de planète dans Meteor de Ronald Neame ; marshal futuriste dans Outland : Loin de la terre de Peter Hyams ; roi Agamemnon dans Bandits, bandits (Time Bandits) de Terry Gilliam ; ou encore reporter dans un monde pourri dans Meurtres en direct de Richard Brooks...

De Palma, Annaud, Spielberg, Van Sant...

Certains films sont des flops, mais à chaque fois Connery rebondit: la qualité de la plupart des projets le protège, même sans les succès de James Bond. Certains des films deviennent des films emblématiques dans leurs genre, souvent rediffusés à la télévision. Conscient de son âge avancé, commençant à perdre ses cheveux, voyant sa barbe virer au gris blanc, il se créé alors une stature de patriarche, toujours en très grande forme physique. Il avait déjà entamé cette mue à 45 ans, sans doute une manière pour lui de se débarrasser de James Bond. Sidney Lumet rappelait à juste titre en 1993: "Je ne pense pas qu’il ait beaucoup évolué en tant qu’acteur. C’est plutôt l’opinion qui s’est enfin mise à la mesure de ce qu’il peut faire. J’ai toujours su de quoi il était capable. John Huston, quand il l’a engagé pour L’Homme qui voulut être roi, le savait également. Sean a toujours su jouer comme un géant. Mais c’est seulement dans les dix ou quinze dernières années que les gens ont commencé à dire : “Ça alors ! Il sait jouer !”"

Les années 1980, une fois 007 définitivement abandonné, vont lui donner l'occasion de se transformer et de devenir l'une des stars les plus bankable d'Hollywood durant près de vingt ans.

En 1986, après quelques années d'errance, Sean Connery prouve qu'il est un grand acteur, et porte avec brio le rôle de Guillaume de Baskerville, moine érudit et enquêteur, progressiste et courageux dans Le Nom de la rose, adaptation du best-seller d'Umberto Eco par Jean-Jacques Annaud, l'un de ses plus gros succès. La même année, il est à l'affiche du premier Highlander de Russel Mulcahy. Il touche ainsi différents publics, très larges, qui vont contribuer à le faire aimer des babyboomers nostalgiques de 007 et de leurs enfants-ados devenus adeptes du pop-corn en été.

A partir de là, Sean Connery va devenir incontournable. Grandiose dans Les Incorruptibles de Biran de Palma où il vole la vedette à tout le casting (dont De Niro et Costner) malgré son second rôle, Lieutenant colonel qui va l'affirmer en excellent militaire de cinéma dans Presidio de Peter Hyams, vieux cambrioleur dynastique dans Family Business de Sidney Lumet, et surtout père facétieux et rigide du plus grand héros des années 1980, dans Indiana Jones et la Dernière croisade, passant à l'immortalité grâce à Steven Spielberg. Son film favori avec L'homme qui voulut être roi. deux films sur le mirage du pouvoir.

L'homme qui fut roi en son siècle

Hollywood le paye à prix d'or. Il devient commandant russe passant à l'Ouest dans le grand film sous-marinier A la poursuite d'Octobre rouge de John McTiernan, retrouve Robin des bois et Kevin Costner dans un caméo de Prince des voleurs de Kevin Reynolds, espion à Moscou dans La Maison Russie de Fred Schepisi, ... Si ses rôles s'étiolent par paresse, si la surprise est moins présente, si les succès sont plus inégaux (Medicine Man, Soleil Levant, Juste Cause, Lancelot, Rock...), il reste populaire jusqu'à la fin des années 1990. Il y a bien sûr l'échec de Chapeau melon et bottes de cuir (Connery en méchant, ça ne marche pas vraiment pour les spectateurs) et l'indifférence quand il joue ailleurs que dans des grosses productions pour teenagers. Il s'en sort avec Haute voltige, film de braquage assez malin et surtout avec A la rencontre de Forrester de Gus Van Sant, succès critique et public sur l'amitié improbable entre un jeune afro-américain et un vieil écrivain désillusionné.

Le magistral flop critique (mais joli succès public) de La ligue des gentlemen extraordinaire scellera sa carrière en 2003. A l'époque, il touche 10 à 17M€ de salaire. L'homme aux 95 millions d'entrées en France arrêtera de tourner à l'âge de 73 ans. Entre Bahamas et Espagne, il a tout refusé, de Matrix au Seigneur des anneaux, de Jurassic Park à Frankenstein. Les mutations d'Hollywood ne sont pas pour lui, traitant d'idiots les nouveaux patrons des studios. Il ne prête que sa voix pour des jeux vidéos et un film d'animation.

Clairvoyant, il y a 55 ans, il expliquait: "Plus que tout, j’aimerais devenir un vieil homme avec une belle tête. Comme Hitchcock. Ou Picasso. Ils ont travaillé dur toute leur vie, mais ils ne montrent aucune lassitude. Ils n’ont pas perdu un seul jour avec toutes ces absurdités qui peuvent envahir une existence".

Profitant de sa retraite, il se fait oublier. Sauf quand il s'agit de revendiquer l'indépendance de l'Ecosse. Il sera malgré tout anoblit par la Reine, l'un des plus grands jours de sa vie. Vêtu d'un kilt, ce qui est une première (controversée) dans l'histoire du Royaume. Réputé radin, mais généreux pour les grandes causes,, pas forcément aimable avec les siens mais impeccable sur les plateaux, le vieux lion se fait de plus en plus silencieux dans ses tanières. Autrefois homme le plus sexy du monde, il a incarné des personnages en quête de justice et de vérité. Sans transformation, sans performance exhibitionniste, à la recherche d'une flamme perdue, il a finalement préféré le soleil et le golf. Sean Connery amenait les rôles à lui, prendre tout l'espace de l'écran, même face à une autre star. Il a opté pour une fin loin des yeux, loin des autres, à l'écart, pudique. Comme ces éléphants qui rejoignent seuls leur cimetière (de légende).

Lumière 2020: Michel Audiard et Yves Robert, les mal-aimés populaires

Posté par vincy, le 16 octobre 2020

Ils n'ont sans doute pas eu la reconnaissance nécessaires. Alors que le cinéma populaire et de patrimoine semble retrouver les faveurs de la critique, et forger un vivre ensemble devenu crucial, le festival Lumière braque ses projecteurs sur deux monstres d'un cinéma culte dont les rediffusions télé facilitent la transmission d'une génération à l'autre.

Michel Audiard, dont on fête le centenaire de la naissance, a le droit à sa première rétrospective, 35 ans après sa mort. Lumière accompagne l'événement avec un beau-livre, Audiard-Simenon, en bonus.
Yves Robert est au cœur d'un documentaire, qui révèle une œuvre cohérente, singulière et généreuses.

Les deux ont en commun d'avoir réalisé des succès au box office, mais pas seulement. A contre-courant de leurs contemporains, toujours un pas de côté par rapport au cinéma français, ces producteurs-réalisateurs-scénaristes ont aussi filmé leur société, l'esprit français (et ses contradictions), une certaine bourgeoisie (moyenne le plus souvent), et donné des partitions fabuleuses à des acteurs (plus souvent qu'à des actrices), sublimant souvent le film de copains.

Alors, oui, ça a pris un coup de vieux le plus souvent. Mais il y a aussi quelques exceptions qui les ont conduits à être en vogue et, mieux encore, à être atemporels. Avec Audiard, le plus souvent grâce à ses dialogues et son génie pour adapter les plus grands écrivains (eux-mêmes pas toujours reconnus comme tels à leur époque). Avec Robert, c'était surtout une affaire de découpage et de sensibilité, de mélange de genres, qui donnaient de la profondeur à la légèreté, ou de la légèreté aux malheurs.

Le festival Lumière a célébré le centenaire d'Audiard avec un livre monumental (Actes Sud/Institut Lumière): trois scénarios adaptés de George Simenon, remis en perspective, sous la direction de Benoît Denis, et une rétrospective partielle, dont Les Tontons flingueurs en ouverture. Il a la réplique qui fuse, mais son talent était aussi de trouver l'incarnation pour son verbe. Jean Gabin en était a parfaite illustration (il suffit de revoir Le Président), tout comme Delon et Belmondo ont su s'approprier sa langue. Si les films du réalisateur Audiard sont avant tout d'honnêtes nanards, ses scénarios font le lien avec le cinéma "classique" français d'avant et la comédie à punchlines d'après, en pleine Nouvelle Vague. Il est l'héritier d'un Prévert, où bourgeois et prolétaires, petites frappes et candides honnêtes se confrontaient avec leurs codes. Pas étonnant qu'Audiard s'entoure de fidèles dans les films qu'il écrit: outre Gabin, on croise ainsi souvent Blier, Darc, Ventura, Lefebvre, Girardot... "J'ai divisé la société en deux catégories : mes amis ou mes cons à moi et les cons des autres que je ne supporte pas" a -t-il écrit.

Il y a aussi de cela chez Yves Robert, cette coexistence des classes sociales. Le bourgeois roule en rolls royce et l'agriculteur décide de paresser. Le documentaire de Jérôme Wybon, Yves Robert, le cinéma entre copains, retrace la carrière du saltimbanque devenir réalisateur et producteur de films à gros succès. Ici, tout est famille. Son associée est son épouse, Danièle Delorme. Son égérie est son double, Jean Rochefort. Son "partner-in-crime" est le même que celui de son meilleur ami Claude Sautet, Jean Labadie. On passe ainsi de ses origines modestes à son premier triomphe (La guerre des boutons, Prix jean Vigo, 10 millions de spectateurs et pas un seul prix majeur ). On devine le sacré caractère du monsieur, son perfectionnisme aussi. Si on retient ses cartons au box office - Alexandre le bienheureux, Le grand blond avec une chaussure noire, le diptyque de Pagnol (La gloire de mon père, Le château de ma mère -, ses audaces - producteur de Doillon, distributeur des Monty Python -  le film se concentre surtout sur Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, tout en passant à côté de plusieurs de ses films, y compris comme producteur (Le peuple migrateur).

L'Atelier d'images

Mais ce n'est pas le propos. 17 films au dessus du million d'entrées (dont 3 qui dépassent les 4 millions) et pas un seul prix majeur à son palmarès. Lui qui a si bien croqué son époque, humé l'air du temps, fait rire des petits drames de chacun, préféré l'élégance à la vulgarité, la comédie sociale ou ironique au pur burlesque, le film familial en lui donnant ses lettres de noblesse, a souvent été méprisé par la critique, qui préférait son copain Sautet.

Comme pour De Funès ou Pierre Richard, les cinéphiles semblent redécouvrir que le cinéma de patrimoine n'est pas composé que de grands drames ou de chefs d'œuvres. Les films d'Audiard et de Robert sont non seulement fédérateurs, mais ils traversent les générations, grâce aux rediffusions à succès à la télévision. On rit toujours d'un quatuor de losers buvant cul sec un petit verre de gnôle dans une cuisine ou d'une partie de tennis à quatre mâles déclinant gâchée par le bruit des avions à réaction. Audiard flirtait parfois avec la poésie (Un singe en hiver) et Robert savait être délicat quand il le fallait (le personnage homosexuel de Claude Brasseur dans l'Éléphant et sa suite).

Ils étaient en phase non pas avec leur époque (leur cinéma n'avait rien d'un cinéma à la mode) mais avec leur culture, ni élitiste ni intellectuelle. S'entourant de leur bande, optant même pour un esprit de troupe, bûcheurs infatigables, ces deux tempéraments pas très consensuels, un peu anar de droite pour l'un, un peu gauchiste caviar pour l'autre, ont su raconter des histoires et créer des personnages au profil sociologique toujours d'actualité. Ils filmaient les hommes mais surtout ils s'en moquaient, avec un sens de la phrase choc assez inné.

Si on devait résumer: Chez Audiard, directeur des mots, il fallait souvent gérer les emmerdes mais prendre du bon temps. Chez Robert, directeur d'acteurs, il fallait gérer le bon temps pour supporter les emmerdes. Dans tous les cas, personne ne travaille vraiment, ou tout le monde fait semblant. "Il faut prendre le temps de prendre son temps" disait le bienheureux Alexandre. Avec le temps, la gloire est enfin arrivée. Posthume.

Lumière 2020: le cap de la quarantaine dans Drunk et All About Eve

Posté par vincy, le 12 octobre 2020

© ecran noir

Pas facile de vieillir. Ni pour un enseignant Danois ni pour une star de Broadway. Cela entraîne de sérieuses addictions, et autant de dommages collatéraux, pour ne pas dire des dérapages dans le décor.

L'addiction dans Drunk est dans le titre: l'alcool (on boit aussi beaucoup dans Eve ceci dit). L'alcool, ça désinhibe. Ça donne confiance en soi. Et quand on sombre vers la cinquantaine, que le job, la famille, la vie ne sont que routines, ça peut revigorer et, finalement, retrouver le goût à la vie. Thomas Vinterberg, grandement aidé par son casting d'acteurs, l'excellent Mads Mikkelsen en tête, suit donc une année scolaire avec quatre profs au bord de la crise d'ennui. La force du jeu de Mikkelsen est de nous conduire subtilement de son état apathique à son esprit de reconquête, avec un regard perdu, ailleurs, pour finir dansant, prêt à dévorer la vie. Jamais moraliste, toujours humaniste, le scénario montre tous les aspects de la dépendance (et donc de la dose à consommer) aux élixirs enivrants. Mais Drunk (sélectionné à Cannes 2020) est avant tout un film vivifiant (et pas seulement parce qu'il fait revivre son quatuor). Cette renaissance (doublé d'une prise de conscience de chacun sur leurs échecs) est contagieuse (mise en scène, musique, final formidable et joyeux). On se reconnaît dans leurs failles (indispensables pour que l'on puisse comprendre le prix de l'existence et pour faire entrer sa lumière) et on les accompagne collectivement dans leur envie de boire, non pas pour oublier, mais bien pour se révéler.

La révélation c'est aussi le sujet de Eve, classique de John L. Mankiewicz (6 Oscars, meilleure actrice et prix du jury à Cannes en 1951) avec la charismatique Bette Davis, l'insupportable Anne Baxter et la novice Marilyn Monroe. Ici, l'addiction est davantage psychologique: le pouvoir, et même l'emprise. Cette histoire de harcèlement (dont on retrouve l'héritage dans des films comme Showgirls ou Black Swan), qui a inspiré Tout sur ma mère de Pedro Almodovar, est un magnifique jeu de manipulation entre une star établie, fragilisée par son vieillissement dans un business où la quarantaine signe la retraite, et une fille mystérieuse, trop bienveillante pour être honnête, et qui ne cherche qu'à prendre sa place en haut de l'affiche. Bette Davis brille par sa performance pleine de nuances, tour à tour montrée comme un monstre égoïste puis comme une victime de sa prédatrice. De l'antipathie qu'on pourrait éprouver pour elle, naît, chez le spectateur, une véritable compassion, tandis que le réalisateur inverse symétriquement les rôles avec le personnage de Baxter: la jeune fille pour laquelle on a de la pitié se mue en garce froide et calculatrice. Le film n'a pas vieillit et s'avère un girl fight plein d'esprit entre gens bien élevés.

Dans les deux cas, avec Mads Mikkelsen d'un côté et Bette Davis de l'autre, on comprend que la maturité est synonyme de vulnérabilité. L'amour ne fait pas tout, ni le succès, ni même le confort. Il y a cette réalité qu'on a les plus belles années derrière nous, que la jeunesse, ses rêves et ses espoirs ont fané. Mais que ce soit dans le Danemark d'aujourd'hui ou le Broadway d'hier, le cap rugissant de la quarantaine n'est pas insurmontable tant qu'on reste lucide (bizarrement l'alcool n'est pas un obstacle, au contraire). Tout est dans l'équilibre entre satisfaction égoïste, acceptation de la réalité, et aspiration à vivre sans se soucier de l'horloge qui tourne. On peut plaire, aimer, et danser (vite). Même après quarante ans. Il suffit de quelques applaudissements et d'un bon champagne pour aborder la seconde partie de sa vie.