Elmore Leonard, petit arrangement avec la mort (1925-2013)

Posté par redaction, le 20 août 2013

Elmore Leonard

L'écrivain américain Elmore Leonard, surnommé "Dutch", est décédé aujourd'hui à l'âge de 87 ans. Victime d'une attaque, le mois dernier, il rédigeait son 46e roman. Et là aucun twist final pour nous faire croire à une arnaque.

Baptisé par le New York Times du "plus grand auteur de polars vivant",, son talent particulier à décrire des personnages atypiques, entre crime et humour noir, en a fait l'un des auteurs les plus inspirant pour Hollywood. Apôtre de la rédemption, roi du twist final qui détermine la vraie couleur (et donc la morale) de ses personnages, prince de la digression avec de multiples pistes qui perdent le lecteur, il était surtout apprécié pour ses dialogues non pas littéraires mais "parlés", vivants et réalistes. Entre Far-West et "pulps" cultes, il laisse une oeuvre profondément américaine, en détournant les myhtes, ou au contraire en les glorifiant jusqu'à la noirceur.

3h10 pour Yuma (deux versions en 1957 et 2007) est resté dans l'histoire du Western. Mais Leonard est aussi à l'origine d'autres westerns comme Hombre (de Martin Ritt, avec Paul Newman, 1967), Valdez (d'Edwin Sherin, avec Burt Lancaster, 1971) ou Tandado ville sans loi (1990).

Il a également écrit lui-même les adaptations de La guerre des bootleggers (The Moonshine War, 1971), Stick le justicier de Miami (de et avec Burt Reynolds, 1985), Paiement cash (de John Frankenheimer, 1986), Cat Chaser (d'Abel Ferrara, 1989). Leonard était aussi scénariste : Joe Kidd (de John Sturges, avec Clint Eastwood, 1972) et Monsieur Majestyk (de Richard Fleischer, avec Charles Bronson, 1974).

En 1995, un changement se produit : les films adaptés de ses romans deviennent meilleurs et profitables. Ainsi Get Shorty, de Barry Sonnefeld, avec John Travolta, Gene Hackman et Rene Russo ramène une sélection à Berlin, un Golden Globe du meilleur acteur et 77 M$ au box office US. Deux ans plus tard, Tarantino adapte Rum Punch qui deviendra Jackie Brown, sans doute l'un de ses plus grands films, avec Pam Grier, Samuel L. Jackson, Robert De Niro, Michael Keaton, Bridget Fonda, Chris Tucker, Robert Forster... Là encore le film est en compétition à Berlin. Tarantino aime tellement les bouquins de Leonard qu'il avoue avoir écrit le scénario de True Romance en s'inspirant de lui.

L'apothéose arrive en 1998 avec Hors d'atteinte, de Steven Soderbergh, film qui fait renaître le cinéaste et révèle Clooney en star de cinéma. Le style Leonard est en parfaite adéquation avec la mise en scène, mixant érotisme, passion et film noir. Le scénario est nommé aux Oscars et le film remporte de multiples prix cette année-là.

Tout Hollywood voudra alors faire un film adapté d'un de ses romans ou nouvelles : Owen Wilson, Morgan Freeman, Charlie Sheen se retrouvent dans La grande arnaque (The Big Bounce) en 2004 ; Travolta, Uma Thurman, Vince Vaughn, Harvey Keitel, Danny DeVito sont réunis dans la comédie noire Be Cool en 2005 ; Joseph Gordon-Levitt réalise un court métrage à partir de Sparks, avec Carla Gugino, en 2009 ; Jennifer Aniston, Isla Fisher et Tim Robbins vont être à Toronto en septembre avec Life of Crime, de Daniel Schechter.

Elmore Leonard a également été très exploité par la télévision. Il a d'ailleurs écrit la série Justified, dont la 5e saison est déjà signée avec FX Networks.

Il avait conscience que les studios massacraient parfois ses histoires. Universal avait par exemple acquis les droits de son roman La Brava, sans jamais le produire. Pas rancunier, le romancier issu d'une famille prolétaire continuait inlassablement d'écrire. Il n'hésitait pas non plus à donner des conseils. Avec une bibliographie prolifique, nul ne doute que les producteurs continueront à puiser dans ce vivier d'histoires qui jouaient avec la mort (souvent pour du fric).