Les ressorties de l’été 2016 (6) : Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk
Non seulement l'été est cinéphile, mais il est également éclectique, garantissant aux amoureux du cinéma de patrimoine d'aller de découvertes en retrouvailles et de films cultes en films rares.
Après Macadam à deux voies de Monte Hellman, Silent running de Douglas Trumbull, La panthère noire de Ian Merrick, Fargo des frères Coen et cinq œuvres de jeunesse de Hou Hsiao-Hsien, c'est un superbe classique, le si élégant Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk, qui ressort sur grand écran en version restaurée. Et un bonheur n'arrivant jamais seul, il est accompagné du Secret magnifique, un autre Douglas Sirk tourné un an avant (1954) avec le même couple-phare, les délicieux Jane Wyman et Rock Hudson.
Dans Tout ce que le ciel permet, l'étroitesse d'esprit d'une petite ville américaine met à l'épreuve l'histoire d'amour romantique entre une veuve de la bonne société et son (jeune) jardinier. On retrouve à la fois la thématique des barrières de classe et des préjugés sociaux et celle de l'émancipation féminine et du mépris des conventions.
Délicieusement suranné, mais qui prête toujours à réfléchir, le scénario détaille les difficultés rencontrées par le personnage féminin pour faire accepter son nouveau fiancé à ses proches, et notamment à ses enfants pourtant adultes. La cruauté des ragots, l'importance du qu'en-dira-t-on, et surtout le poids des conventions sont autant d'obstacles mis au jour par un Douglas Sirk au sommet de son art.
Dans un Technicolor flamboyant, les sentiments s'exaltent et les émotions fourmillent, toujours retenues et subtiles, mais profondes et communicatives. Si l'on échappe de peu au pur mélo (le producteur avait exigé un happy end), on ne peut que se laisser séduire par la mise en scène délicate, l'écriture très ténue et le jeu intérieur des acteurs. On croit à cette histoire d'amour plus forte que tout, et surtout aux mécanismes bien huilés qu'elle bouscule et remet en cause.
Ce n'est guère étonnant que le film en ait inspiré d'autres (Tous les autres s'appellent Ali de Fassbinder en 1974, Loin du paradis de Todd Haynes en 2003), comme si quelques soient les époques, il était encore et toujours nécessaire de revenir sur le nœud gordien du film : une femme empêchée, coupée en deux par un carcan social qu'elle a trop bien intégré et dont on s'est jamais tout à fait certain qu'elle est réellement prête à se débarrasser. Du conte de fées sentimental, on bascule alors dans quelque chose de plus ambigu et de plus pessimiste sur la difficulté pour les êtres humains de changer brutalement de vie et d'habitudes.
Forcément séduit par la beauté délicate de ce conte romantique cruel, on ne peut ensuite que se précipiter sur Le secret magnifique, oeuvre certes moins personnelle de Sirk (c'est un film de commande, remake de celui de John M. Stahl sorti en 1935 et lui-même inspiré du roman éponyme de Lloyd C. Douglas), mais qui réunit pour la première fois à l'écran Jane Wyman et Rock Hudson, dans une comédie dramatique tout aussi flamboyante autour de la culpabilité et du deuil. Un déferlement d'élégance et de délicatesse qui est plus que jamais le bienvenu.
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Tout ce que le ciel permet et Le secret magnifique de Douglas Sirk
Sortie le 3 août en version numérique restaurée
Distribué par Ciné Sorbonne
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