Alors que la rentrée cinéphile n'est plus très loin, on redécouvre cette semaine un incontournable du cinéma américain moderne, fresque monumentale au casting 5 étoiles doublée d'une réflexion poético-mystique sur les affres de la guerre, La ligne rouge de Terrence Malick qui succède à Macadam à deux voies de Monte Hellman, Silent running de Douglas Trumbull, La panthère noire de Ian Merrick, Fargo des frères Coen, cinq œuvres de jeunesse de Hou Hsiao-Hsien, et Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk.
A partir du 17 août, Ciné Sorbonne offre en effet une nouvelle jeunesse au film qui ressort pour la première fois (en version numérique 4k) depuis sa sortie en 1998. L'occasion de se replonger dans cette adaptation spectaculaire du roman éponyme de James Jones qui, à sa sortie, marqua le retour à la réalisation de Terrence Malick vingt ans après son précédent opus (Les moissons du ciel).
Couronné d'un Ours d'or à Berlin et accompagné d'un parfum de souffre (Malick s'est fâché avec ses producteurs avant même le tournage et a froissé certains acteurs qui ont vu leur rôle fondre au montage, voire tout simplement disparaître), La ligne rouge est une oeuvre forcément singulière dont les personnages - des soldats américains pris dans la terrible bataille de Guadalcanal - sont comme autant de fantômes du passé venant hanter le spectateur. Dans ce foisonnement de destins et de pensées (livrées en voix-off, un procédé qui deviendra central dans le travail du cinéaste) se livre le combat universel de l'homme pour sa survie et sa conservation, tiraillé entre sa conscience et son instinct, ses croyances et ses souvenirs, ses principes et une réalité sur laquelle il n'a aucune prise.
Dans un décor de paradis terrestre (destiné à être irrémédiablement perdu), les soldats se confrontent aux besoins et émotions les plus primaires : la peur, la haine, la soif, mais aussi cette forme de solidarité fraternelle qui transcende tout sur son passage, et permet à la fois l'héroïsme, le miracle et le sacrifice. La guerre, et donc la proximité permanente de la mort, devient comme le révélateur des pensées et aspirations les plus intimes de chacun qui rejaillissent alors sur le spectateur pris lui aussi dans ce tourbillon d'horreurs qui mène aux doutes et interrogations les plus viscérales.
L'être humain s'interroge sur le sens de ce qui l'entoure comme sur sa propre finalité, cruellement tenaillé par la question ultime : dans un tel univers, où le mal et le bien ne sont plus que des mots qui se confondent, une rédemption est-elle possible ?
Le film de Malick est à la fois âpre et sensoriel, éthéré et brutal, proposant une narration déconcertante d'où émerge à répétition une réplique fulgurante, un plan sublime, un regard douloureux. Et toujours cet antagonisme originel de la nature et de l'Homme, pris chacun dans des engrenages qui tour à tour se rejoignent et s'éloignent, s'entretiennent et se contrarient. Une vision prodigieusement pessimiste du monde, où l'homme est condamné à être déchiré entre beauté et monstruosité, horreur et félicité, pris au piège dans l'immense paradoxe de son existence finie.
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La ligne rouge de Terrence Malick
Sortie le 17 août en version numérique 4k
Distribué par Ciné Sorbonne