Edito: La forme de l’or

Posté par redaction, le 22 février 2018, dans Films, Prix.

Que nous disent les Oscars cette année? Au-delà de l'ouverture au genre, d'une féminisation dans certaines catégories et d'une ouverture aux minorités, il y a quelque chose qui frappe: les 9 films nommés traversent l'histoire contemporaine.

On part ainsi de mai 1940 avec Les heures sombres et Dunkerque. Le Royaume Uni, la guerre, Churchill. Puis ce sont les années 1950, dans le chic londonien, avec un couturier et sa muse venue de l'Est dans Phantom Thread. On passe en 1962 en pleine Guerre froide avec La forme de l'eau. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, avec un scandale politico-médiatique sur la guerre du Vietnam dans Pentagon Papers. Aux années 1980 en Italie avec un Américain qui se laisse séduire par un jeune prodige polyglotte dans Call Me By Your Name. On bascule en 2002 avec Lady Bird. Et on termine à notre époque avec deux films où la violence et l'humour noir décryptent une Amérique des laissés-pour-compte ou des opprimés avec Get Out et 3 Billboards, les panneaux de la vengeance, deux films qui montrent à la fois le racisme systémique de l'Amérique et le déclin des "whites".

Tout y est: la politique, la sexualité, le féminisme, le racisme, la liberté d'expression, ... C'est un voyage dans le temps mais c'est aussi un décryptage de notre temps. Ces dernières années, les Oscars ont récompensé des films très variés: Argo était un thriller aux allures politiques mais qui parlait d'Hollywood (années 1980), Twelve Years a Slave évoquait l'esclavage et le traitement des afro-américains (19e siècle), Birdman était une introspection du milieu (contemporain), Spotlight une enquête journalistique sur un scandale sexuel au sein de la religion catholique (début des années 2000) et Moonlight un film dense qui plongeait dans les zones troubles de l'homosexualité, de la ghettoïsation des afro-américains et des précaires oubliés par le rêve américain  (sur une vingtaine d'années).

Les Oscars ne sont pas forcément le reflet de leur époque. Mais ils en sentent les pulsions. Il est fort probable que le gagnant cette année - les trois favoris sont La forme de l'eau, 3 Billboards et Get Out - sera avant tout la consécration du film de genre (fable fantasy, polar décalé ou thriller horrifique). Mais on retiendra surtout qu'hormis Les heures sombres et Dunkerque, les films se lançant dans la course de la statuette suprême donnent avant tout le beau rôle à des femmes (Phantom Thread, Pentagon Papers, Lady Bird, 3 Billboards, La forme de l'eau), à des personnages noir (Get Out) ou homosexuel (Call me by your name).

En cela, l'Académie, qui se diversifie année après année, élargissant son nombre de votants à des professionnels plus jeunes et plus cosmopolites, fait le choix d'en finir avec un certain académisme. Selon le vainqueur, on verra certainement comment Hollywood va réagir une année de Trumpisme, aux affaires Me Too et aux massacres de masse. Moonlight était clairement un message anti-Trump. Il est fort à parier qu'un film faisant l'apologie de la femme forte, de la paix et du respect des minorités sera dans l'air du temps le 4 mars. Une chose est certaine: l'édition 2018 est de haute qualité. Et ce n'est déjà pas si mal.

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