Edito: Hollywood-sur-Yangtsé

Posté par redaction, le 5 avril 2018

C'est un petit phénomène qui amène de grandes répercussions. Le box office du marché chinois a dépassé, pour la première fois, celui du marché nord américain au premier trimestre. Les recettes en Chine ont atteint 3,17 milliards de dollars contre 2,85 milliards de $ en Amérique du nord. Et pour enfoncer le clou, Ready Player One, le dernier Spielberg a rapporté 62M$ durant ses premiers jours d'exploitation en Chine contre 53M$ en Amérique du Nord.

Le déclin de l'Empire américain? Oui, certainement. La démographie joue en faveur des marchés émergents et particulièrement de l'Asie, qui s'équipe à grande vitesse en multiplexes tout en produisant des films à gros budgets locaux. En 2017, selon le rapport tout chaud de la MPAA, le box office mondial a atteint un record de 40,6 milliards de dollars de recettes (seulement les ventes de tickets, on ne parle pas de pop corn et de sodas). Une hausse de 5%, à relativiser puisque le nombre d'écrans a augmenté de 8%. La Chine a porté cette dynamique alors que le marché nord américain fléchissait de 2% (11,1 milliards de $) où un tiers des recettes nord-américaines provient dues films du top 10. Une concentration inquiétante.

Pire, le nombre de billets vendus aux USA et au Canada est en baisse de 6% (1,24 milliard d'entrées), soit le plus bas niveau depuis 1995, tandis que le marché des loisirs à domicile progressait de 11% entre 2016 et 2017. La hausse du prix du billet - et notamment des films 3D - de 24% en 10 ans a limité la casse pour les studios qui affichent les recettes et non les entrées, mais elle a aussi fait fuir des spectateurs, et notamment les plus jeunes qui se détournent des salles. Le cinéma reste un loisir plus populaire (3 nord-américains sur quatre ont été au ciné l'an dernier) que les parcs d'attraction et les stades sportifs, mais rivalisent de moins en moins avec les plateformes de streaming à la maison. Une autre donnée est à souligner: ce sont les caucasiens qui vont le moins souvent au cinéma. Et les hispanophones et asiatiques qui y vont le plus.

A l'inverse les marchés chinois, japonais, indiens et sud-coréens, tout comme les marchés britanniques et français, continuent d'être attractifs: le cinéma y reste un loisir dominant. L'Asie voit ses recettes progresser de 44% en cinq ans! Hors USA-Canada, sur les 20 pays les plus "cinéphages", 7 sont en Asie, 9 en Europe, 3 en Amérique latine et un en Océanie.

Résultat, le marché nord-américain ne représente plus que 27% du box office mondial contre 30% en 2013. Bien sûr, Hollywood reste dominant. Depuis le début de l'année, sur les 17 films ayant dépassé les 100M$ de recettes mondiales, 13 sont produits ou coproduits par un studio américain. Mais 4 sont chinois. Operation Red Sea et Detective China Town 2 ont rapporté plus de 500M$ de recettes, loin devant Cinquante nuances plus claires ou le Labyrinthe 3. Jusque là ce genre de recettes monstrueuses étaient réservées aux productions US. Ce n'est plus le cas.

En 2017, sur les 33 films ayant franchi le cap des 300M$ de recettes mondiales, seulement deux ont rapporté davantage en Amérique du nord que dans le reste du monde et 10 ont fait plus de 75% de leurs recettes hors Amérique du Nord. Depuis le début de l'année, parmi les 15 plus grosses recettes, seul Black Panther a rapporté davantage en Amérique du nord (51,1% de ses recettes), mais 8 films ont fait l'essentiel de leur box office hors Amérique du nord.

Tout cela va contribuer à des choix stratégiques pour les studios: casting multi-ethniques, tournages à l'extérieur du pays, coproductions avec l'Asie et l'Amérique latine, mœurs acceptables dans les autres cultures. Ce renversement de "pouvoir" ne sera pas anodin pour les blockbusters. Désormais les dollars se lèvent à l'Est.

Edito: Le grand retour d’Abdellatif Kechiche

Posté par wyzman, le 21 mars 2018

Après les sorties de l'adaptation trop fidèle de Tomb Raider, du western Hostiles, du Disney Un raccourci dans le temps et de l'atypique L'Affaire Roman J., le cinéma français s'offre un passage en force en ce mercredi 21 mars. Le blockbuster de la semaine n'est autre que Pacifc Rim Uprising, première réalisation de Steven S. DeKnight. Si le précédent volet disposait de nombreux défauts, force est de reconnaître que son histoire et son casting tenaient amplement la route. Ici, John Boyega et Scott Eastwood tentent d'attirer les millenials mais en ont oublié d'être crédibles.

Voilà sans doute pourquoi nous sommes si ravis de voir que les cinéastes francophones ont répondu présents cette semaine. Cinq ans après le très controversé (et inoubliable) La vie d'Adèle, Abdellatif Kechiche est de retour avec Mektoub My Love. Cet excellent drame romantique porté par des acteurs amateurs extraordinaires est doté de répliques infiniment justes et d'une photographie des plus solaires. Conteur hors pair, Abdellatif Kechiche réédite l'exploit survenu sur La Vie d'Adèle : mettre en scène pendant près de trois heures une passion amoureuse aussi délicate que douloureuse. Pour rappel, la suite de Mektoub My Love devrait sortir en septembre.

Mais d'ici là, n'hésitez pas à aller voir La Finale et La Prière. Le premier est une comédie de Robin Sykes qui assoit Thierry Lhermitte en heureux rescapé de sa génération et continue d'étoffer l'image de gendre idéal de Rayane Bensetti. Le second, bien plus sombre et inspiré, s'intéresse à la sobriété et à la rédemption avec une sincérité désarmante. Quatre ans après Vie sauvage, Cédric Kahn en a visiblement toujours sous le coude.

Avant les sorties de Ready Player One (hommage vibrant de Spielberg aux années 1980) et de The Rider (magnifique portait de cow-boy découvert à Cannes), on ne saurait que trop vous recommander de délester temporairement le cinéma américain et de vous laisser surprendre par l'un de ces trois jolis films français.

Edito: une brève histoire d’amour qui finit mal en général

Posté par redaction, le 15 mars 2018

Le jeu video et le cinéma c'est un peu comme un "match" Tinder qui déçoit. On swip mais ça prend pas. Cette semaine Lara Croft est de retour. 15 ans après le deuxième film avec Angelina Jolie dans la peau de l'héroïne. On comprend la motivation. Lara Croft est le seul jeu vidéo qui a réussit à être un succès au cinéma: 430M$ dans le monde pour les deux premiers films. Hormis Angry Birds, aucune autre adaptation n'a dépassé les 100M$ au box office nord-américain. Et souvent les budgets pharaoniques n'ont pas été rentabilisés.

Sur le papier, entre héros et monstres, il y a de quoi créer un univers fantasy et d'aventure pour le grand écran. Mais l'ADN même du jeu vidéo - l'interactivité, la narration par étapes - n'est pas forcément celui du cinéma. On comprend aussi l'enjeu pour les deux industries: un public jeune, des marques puissantes, et un paquet de recettes potentielles pour les développer. Le jeu vidéo pèse 109 milliards de $ dans le monde quand le cinéma a encaissé 40 milliards de $ en recettes dans les salles.

Malgré les échecs, les producteurs continuent de croire à l'hybridation de ces deux divertissements. On attend les adaptations de Rampage, Detective Pikachu, Minecraft, Uncharted, la suite d'Angry Birds, Sonic, The Witcher, Mario Bros, ... Autant de personnages ou de superhéros, de guerres ou de délires qui produiront des blockbusters sans surprises.

Pourtant, c'est sans doute ailleurs que l'avenir de ces produits sur grand écran se formera. Avec des sièges réactifs, des sons de plus en plus élaborés, la 4D, le cinéma peut donner de nouvelles sensations aux joueurs. Mais surtout, avec le développement de la réalité virtuelle et de l'écriture transmédia, on peut imaginer des films immersifs où l'on passe du cinéma au jeu, sans quitter son fauteuil ou son sofa, en devenant soi-même l'auteur d'une histoire qui permettrait d'être à la fois actif et passif, de switcher du 7e art collectif au jeu individuel, bref de s'annoncer bi (ou versatile) sur son profil "Tinder".

Edito: les étoiles et les artistes

Posté par redaction, le 8 mars 2018

César et Oscars sont décernés. on peut passer à 2018. On se projette déjà dans Cannes. mais revenons quand même aux deux cérémonies du 7e art qui nous concernent. Une fois n'est pas coutume, l'avantage va à la soirée française. Etonnamment. Ce n'était pas gagné en voyant l'ouverture "Broadway" de Manu Payet. Mais reconnaissons que le comédien a assuré par la suite avec une légèreté agréable et quelques bonnes vannes, parmi les rituels moments gênants. Le palmarès était équilibré aussi. 120 battements par minute en grand vainqueur - ça aurait eu de la gueule que le président du jury cannois de 2017 Pedro Almodovar, qui avait adoré le film vienne récompenser avec Vanessa Paradis l'équipe autour de Robin Campillo -, Au revoir là-haut qui sauve son honneur et Petit Paysan qui permet de faire rentrer dans la cour des grands deux acteurs que l'on apprécie depuis longtemps, Swann Arlaud et Sara Giraudeau.

On peut ajouter que l'activisme des lauréats de 120 BPM portant la parole des malades du sida, des combats pour l'avortement ou encore des réfugiés, a fait du bien au cœur au milieu de ce glamour un peu ampoulé. Les mots sonnaient justes, la sincérité était palpable. Les César, malgré leurs défauts habituels, n'ont pas manqué leur 43e anniversaire. L'audience est d'ailleurs remonté au dessus des 2 millions de téléspectateurs.

Deux soirs plus tard, à Los Angeles, on se disait, comme tous les ans, que Jimmy Kimmel et les Oscars allaient les écraser haut la main: les moyens gigantesques de cette cérémonie, le casting incroyable du tapis rouge, l'incroyable décontraction à l'américaine font souvent des étincelles. Las, on ne s'est jamais autant ennuyé en regardant les 4 heures de remise de prix. Le maître de cérémonie était mauvais, et ses textes mal écrits. On a frôlé le mauvais goût à plusieurs reprises. Il n'y eut aucune surprise parmi les gagnants. Malgré quelques bonnes performances de remettants, une séquence plutôt bien vue dans un multiplexe, et des chansons bien mises en scène, ça manquait de piquant et de punch.

Les Oscars ont été plombés par leur sérieux. L'Affaire Weinstein a figé tout le gratin d'Hollywood dans un un long - mais long - plaidoyer politiquement correct où chaque mot était pesé. Paradoxalement, c'est bien la victoire de latino-américains qui a permis d'entendre des discours convaincants sur la politique anti-Mexique, anti-Dreamers de Donald Trump. A l'inverse, tous les speechs didactiques sur les femmes sont tombés à l'eau. Parfois le mieux est l'ennemi du bien. Logiquement, ces Oscars ont connu leur pire audience historique avec à peine 25 million de téléspectateurs aux USA.

Mais justement, ce qui réunit les deux palmarès, ce sont les deux actrices primées. Jeanne Balibar et Frances McDormand. Par leur décalage, par leur pêche, par leur personnalité, les deux comédiennes ont su rappeler deux choses essentielles: le cinéma est une affaire de singularité et les femmes y ont toute leur place. La Césarisée comme l'Oscarisée ont réveillé les téléspectateurs et auditoires endormis. Elles ont porté leurs voix au dessus de la musique. Elles ont galvanisé les troupes. Enjoignant les décideurs à faire confiance aux "barges" et aux femmes. Plutôt que de longs discours et de bonnes intentions, elles ont réclamé le droit de pouvoir raconter leurs histoires et inviter les "décideurs" à les aider à conquérir les écrans.

Ces deux actrices n'ont rien à perdre. Elles sont libres et continuent d'alterner cinéma et théâtre, films d'auteurs respectés et projets originaux parfois marginaux. Elles montrent que loin de la salle Pleyel ou du Dolby Theatre il y a des récits différents qui ne demandent qu'à éclore, sans se soucier du sexe du créateur ou du cahier des charges du film. Elles ont été deux étoiles durant un week-end. Mais définitivement, elles sont des artistes. Refusant le formatage ambiant. Leur action scénique ressemblait à un geste punk. Et ça fait du bien. Ça envoie même du rêve.

Edito: liberté, égalité, diversité

Posté par redaction, le 1 mars 2018

Robe noir et ruban blanc. L'Affaire Weinstein a déclenché un mouvement sociétal et politique inespéré. Les femmes prennent la parole et crient haut et fort leur ras-le-bol d'une société sexiste. Cela passe nécessairement par une refonte plus profonde du rapport à l'égalité entre sexes. On se souvient du fabuleux discours féministe de Patricia Arquette aux Oscars en 2015: elle militait pour l'égalité des droits. Au même moment, des actrices comme Jennifer Lawrence se plaignait des écarts salariaux entre acteurs et actrices.

Car, en effet, ce n'est pas gagné. La nouvelle association française 50502020 veut croire à une meilleure répartition: "Nous pensons que la parité réduit les rapports de force. Nous pensons que la diversité change en profondeur les représentations. Nous pensons qu’il faut saisir cette opportunité de travailler à l’égalité et la diversité parce que nous avons la certitude qu’ouvrir le champ du pouvoir favorisera en profondeur le renouvellement de la création" explique-t-elle dans son manifeste. Elle réclame des conseils d'administration, des jurys, des écoles de cinéma paritaires et la création d'un observatoire de l'égalité dans l'industrie du cinéma.

L'initiative est soutenue par des productrices ou distributrices (Caroline Benjo, Carole Scotta, Mélissa Toscan du Plantier), Réalisatrices (Marie Amachoukeli, Julie Bertuccelli, Catherine Corsini, Valérie Donzelli, Agnès Jaoui), Attachée de presse (Viviana Andriani), Comédiennes (Ariane Ascaride, Amira Casar, Lily Rose Depp, Adèle Haenel, Aïssa Maïga, Clémence Poésy, Léa Seydoux, Jasmine Trinca), Journalistes (Florence Ben Sadoun, Tania de Montaigne), Scénaristes et/ou écrivaine (Anne Berest) costumières ou assistantes, vendeuses ou cadreuses, mais aussi des hommes (Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Bertrand Bonello, Robin Campillo, Laurent Cantet, Yann Gonzalez, Etic Vicente).

Pour simple rappel, en France, en dehors des scriptes et des cascadeuses, toutes les professions affichent un écart salarial négatif au détriment des femmes: -9% en moyenne pour les interprètes, -12% dans le montage, -17% pour les décors, -42% pour la réalisation. Toujours selon les chiffres fournis par le CNC, il y a une sérieuse inégalité dans certaines professions pour l'accès au poste. A 96% les scriptes sont des femmes, à 88% les costumes sont conçus par des femmes. Elles sont largement majoritaires dans les postes de coiffure/maquillage, la comptabilité/juridique/communication... Mais à l'inverse, 4% des chauffeurs, des électriciens et des machinistes sont de sexe féminin. Un quart des cinéastes sont des réalisatrices. Dans les métiers du son la proportion est inférieure à 10%.

Et puisque nous sommes la semaine des César, les chiffres sont éloquents: en 42 éditions, 19% des nommés dans 13 catégories unisexes des César sont des femmes. 20% ont été césarisées. Le César de la réalisation n'a été attribué qu'une seule fois à une réalisatrice. Même nombre pour le César de la meilleur musique. Pour le César de la meilleure photo ou celui du documentaire, on n'a que trois femmes césarisées dans chacune des catégories. Logiquement, tous ces chiffres seront encore plus bas à la fin de la cérémonie du 2 mars.

Et ne parlons pas de la diversité... Aux Etats-Unis, une récente étude de l'UCLA a d'ailleurs rendu son bilan sur la représentation des femmes et des minorités au cinéma et à la télévision. Alors que Wonder Woman et Black Panther ont mis en avant une héroïne et des héros noirs, alors que Moonlight, Oscar 2017 du meilleur film cumulait un casting afro-américain et un récit homosexuel, alors que Greta Gerwig est nommée à l'Oscar de la meilleure réalisation et que la plupart des films oscarisés mettent en avant des femmes, des personnages gays ou des minorités ethniques en tête d'affiche, le constat est toujours désespérant.

La représentation des femmes comme des minorités ne s'améliore pas. 14% des premiers rôles, 12,6% des réalisateurs, 8% des scénaristes pour les minorités. Les chiffres sont légèrement meilleurs pour la télévision. Rappelons que 38,7% de la population américaine est non blanche. 31% des premiers rôles, 7% des réalisateurs, 14% des scénaristes sont des femmes. Là encore, les statistiques sont plus favorables pour le petit écran. Logiquement les Oscars restent "whites" et "males".

C'est évidemment pire en Chine ou en Inde, où la diversité est peu présente et les femmes cantonnées à des rôles stéréotypés. On peut toujours s'insurger contre cette lecture cloisonnante, exclusive d'un secteur culturel. Mais l'époque indique justement qu'il est temps de cesser avec les discriminations et de devenir davantage inclusif. Le cinéma est un reflet du monde: clairement, son industrie n'est toujours pas représentative de la société.

Edito: La forme de l’or

Posté par redaction, le 22 février 2018

Que nous disent les Oscars cette année? Au-delà de l'ouverture au genre, d'une féminisation dans certaines catégories et d'une ouverture aux minorités, il y a quelque chose qui frappe: les 9 films nommés traversent l'histoire contemporaine.

On part ainsi de mai 1940 avec Les heures sombres et Dunkerque. Le Royaume Uni, la guerre, Churchill. Puis ce sont les années 1950, dans le chic londonien, avec un couturier et sa muse venue de l'Est dans Phantom Thread. On passe en 1962 en pleine Guerre froide avec La forme de l'eau. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, avec un scandale politico-médiatique sur la guerre du Vietnam dans Pentagon Papers. Aux années 1980 en Italie avec un Américain qui se laisse séduire par un jeune prodige polyglotte dans Call Me By Your Name. On bascule en 2002 avec Lady Bird. Et on termine à notre époque avec deux films où la violence et l'humour noir décryptent une Amérique des laissés-pour-compte ou des opprimés avec Get Out et 3 Billboards, les panneaux de la vengeance, deux films qui montrent à la fois le racisme systémique de l'Amérique et le déclin des "whites".

Tout y est: la politique, la sexualité, le féminisme, le racisme, la liberté d'expression, ... C'est un voyage dans le temps mais c'est aussi un décryptage de notre temps. Ces dernières années, les Oscars ont récompensé des films très variés: Argo était un thriller aux allures politiques mais qui parlait d'Hollywood (années 1980), Twelve Years a Slave évoquait l'esclavage et le traitement des afro-américains (19e siècle), Birdman était une introspection du milieu (contemporain), Spotlight une enquête journalistique sur un scandale sexuel au sein de la religion catholique (début des années 2000) et Moonlight un film dense qui plongeait dans les zones troubles de l'homosexualité, de la ghettoïsation des afro-américains et des précaires oubliés par le rêve américain  (sur une vingtaine d'années).

Les Oscars ne sont pas forcément le reflet de leur époque. Mais ils en sentent les pulsions. Il est fort probable que le gagnant cette année - les trois favoris sont La forme de l'eau, 3 Billboards et Get Out - sera avant tout la consécration du film de genre (fable fantasy, polar décalé ou thriller horrifique). Mais on retiendra surtout qu'hormis Les heures sombres et Dunkerque, les films se lançant dans la course de la statuette suprême donnent avant tout le beau rôle à des femmes (Phantom Thread, Pentagon Papers, Lady Bird, 3 Billboards, La forme de l'eau), à des personnages noir (Get Out) ou homosexuel (Call me by your name).

En cela, l'Académie, qui se diversifie année après année, élargissant son nombre de votants à des professionnels plus jeunes et plus cosmopolites, fait le choix d'en finir avec un certain académisme. Selon le vainqueur, on verra certainement comment Hollywood va réagir une année de Trumpisme, aux affaires Me Too et aux massacres de masse. Moonlight était clairement un message anti-Trump. Il est fort à parier qu'un film faisant l'apologie de la femme forte, de la paix et du respect des minorités sera dans l'air du temps le 4 mars. Une chose est certaine: l'édition 2018 est de haute qualité. Et ce n'est déjà pas si mal.

Edito: Le retour de l’Europe

Posté par redaction, le 15 février 2018

Alors que la Berlinale se lance dans sa 68e édition, et avec elle le marché du film européen et des coproductions, l'Observatoire européen de l'audiovisuel rend ses premiers bilans pour 2017. 985 millions de billets ont été vendus l'an dernier, soit 6,6 millions de moins qu'en 2016, année record. C'est une bonne nouvelle en soi. D'autant qu'aux Etats-Unis, la tendance est toujours à la baisse. Aujourd'hui, si on prend en compte l'ensemble du continent (incluant la Russie et la Turquie), l'Europe fait jeu égal avec les Etats-Unis. Malgré la concurrence du petit écran, des réseaux sociaux, du jeu vidéo, le cinéma reste un bien culturel et social attractif.

A l'Est, la croissance

Bien sûr, pays par pays, tout ne vas bien. Le marché italien s'effondre (-12,9%), passant sous les 100M de spectateurs, et derrière le marché espagnol, tandis que les spectateurs sont plus nombreux en République Slovaque (+18,1%), en Roumanie (+11,3%), Russie (+9,7%), Pologne (+8,7%) et aux Pays-bas (+5,3%). Hors Union européenne, les entrées en Turquie ont bondit de 22,1% (ce qui profite aux films turcs qui représentent 56,5% des entrées!). La Russie consolide sa position de leader européen en nombre d'entrées (213,6M) devant la France qui en comptabilise 209,2M)

Parts de marché nationales

Car cette bonne fréquentation profite surtout aux productions américaines (qui ont bien compris leur intérêt à cibler l'international pour compenser la baisse de fréquentation sur leur territoire), et principalement aux blockbusters, qui semblent les films les plus fédérateurs, peu importe la langue, la culture, etc... La part de marché des films nationaux a diminué dans 13 pays et augmenté dans 11. La France et le Royaume Uni (qui comprend des productions soutenues par des sociétés américaines) peuvent s'enorgueillir d'une part de marché nationale de 37,4%. Les Finlandais, les Allemands, les Russes, les Polonais et les Tchèques résistent aussi très bien à l'invasion américaine avec plus d'un spectateur sur cinq, voire un spectateur sur quatre qui va voir un film "local".

Une production en surchauffe

Dans le même temps, l'Observatoire européen de l'audiovisuel a rendu public une autre étude sur la production cinématographique au cours des 10 dernières années. On constate une hausse de 47% du nombre de films produits en 10 ans! En 2007 on produisait en Europe 1 444 longs métrages. En 2016, ce chiffre s'élève à 2 124. Le plus surprenant est le doublement du nombre de films documentaires (un tiers des films produits désormais).

Plus d'un film sur deux est produits par le Royaume-Uni (en baisse), la France, l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie. Mais les plus fortes sont enregistrées dans des pays comme la Russie (+40%), ou la Turquie (+180%).

La France championne des coprods

Un film sur cinq est une coproduction. Et l'étude montre bien l'intérêt de ce mécanisme financier. L'industrie française l'a bien compris. La France est championne des coprods avec 566 films coproduits en 10 ans, devant l'Espagne, l'Allemagne, et la Suisse. Mais il y a encore du chemin à faire pour parler de cinéma européen. 40% des interactions sont faites avec des pays non-européens, principalement avec les Etats-Unis. Sinon ce sont les coproductions France/Belgique , puis Royaume-Uni/États-Unis, Italie/France, France/Allemagne et Belgique/France qui sont les plus fréquents.

Des coprods bien plus performantes que les films nationaux

Si les indicateurs sont à la hausse, on constate au final qu'entre 2010 et 2015, les coproductions ont représenté 24,2% de l’ensemble de la production de films en Europe, attirant 1,6 milliard d’entrées, soit 50,3% des entrées totales des films européens sur la période, soit trois fois plus que le nombre d’entrées récoltées par les films européens uniquement nationaux. On résume: un quart des films sont des coprods et ils génèrent un billet vendu sur deux. C'est plutôt rentable, en tout cas largement plus qu'un film 100% national.

Cela tient à un fait très simple: une coprod a plus de chance d'être diffusée dans un autre pays: 69% des coprods majoritaires sont sorties dans un autre pays que celui d'origine. Seuls 39,5% des films nationaux ont eu cette possibilité. En moyenne, avec 6,4 territoires où elles sont distribuées, les coproductions européennes circulent près de deux fois plus que les productions seulement nationales.

Des succès nationaux peu exportés

C'est désormais tout l'enjeu véritable du cinéma européen: la coproduction, les financements transnationaux sont acquis. Hormis des comédies (l'humour reste très chauvin), tous les autres genres profitent de ces apports financiers extra-nationaux. Mais tant qu'un grand plan pour la diffusion des films européens, qui comprendrait le doublage et le sous-titrage, une aide à la distribution (y compris sur les plateformes streaming), des aides pour les exploitants et les festivals qui valoriseraient les films européens, on restera enfermés dans nos frontières. Qui a vu, en dehors de leur pays d'origine, Fuck You Goethe 3, 2e plus gros succès allemand en 2017 ou Come un gatto in tangenziale, plus gros hit italien de l'année, ou Perfectos desconocidos, film le plus populaire en Espagne (et 4e du box office annuel)? Là encore, le modèle français fait exception puisque les films hexagonaux sont plutôt bien exportés, grâce aux coprods et à l'action d'Unifrance, entre autres.

Alors que la politique européenne et son versant économique font douter de nombreux citoyens, le cinéma, de par son impact culturel, pourrait être un formidable moyen de mieux partager nos valeurs et de mieux connaître nos voisins.

Edito: Black is the new Gold

Posté par redaction, le 8 février 2018

Le nouveau Marvel va débarquer sur les écrans. Black Panther est déjà au panthéon des adaptations de comics du côté de la critique américaine. Les louanges qui auréolent le film de Ryan Coogler s'accompagnent d'une prévision flatteuse au box office: on prévoit un démarrage à 150M$ pour ce film dont toutes les têtes d'affiche, à l'exception d'Andy Serkis et Martin Freeman, sont noires, d'Isaach de Bakolé à Forest Whitaker, d'Angela Bassett à Danuel Kaluuya, de Lupita Nyong'o à Michael B. Jordan, sans oublier la star du film, Chadwick Boseman.

C'est en soi un événement. Dans l'univers Marvel et DC Comics, les acteurs afro-américains sont secondaires. Il a fallu attendre le 7e Star Wars pour qu'un acteur noir soit parmi les héros. Et si on regarde parmi les 20 plus grosses recettes historiques d'Hollywood, hors animation, on ne compte que ces deux derniers Star Wars avec un rôle principal tenu par un(e) afro-américain(e).

Mais à Hollywood, on sent que le public est prêt à aller voir un film où les blancs ne seraient plus les stars. Pendant plus d'un demi-siècle, les spectateurs non-blancs ont du s'identifier à des stars caucasiennes. Puis, Sidney Poitier, Harry Belafonte, Sammy Davis Jr. Richard Pryor, Eddie Murphy, Danny Glover, Denzel Washington, Will Smith, Morgan Freeman, Samuel L. Jackson et Forest Whitaker ont prouvé qu'on pouvait être noir, reconnu et populaire, au-delà d'une segmentation ethnique absurde (mais très marketing). Le chemin a été long mais l'avènement d'un blockbuster comme Black panther sera historique dans un système où seul le dollar compte.

Après l'Oscar du meilleur film pour Moonlight l'an dernier, le carton critique et public de Get Out au printemps, la boucle est bouclée. Pourquoi tout cela arrive en même temps? Les Etats-Unis sont fracturés socialement, économiquement et politiquement. Les tensions raciales, malgré l'élection et la réélection de Barack Obama, ont perduré. Les afro-américains se sentent toujours victimes, discriminés. Il suffit de se rappeler du mouvement Oscars So White il y a trois ans. Depuis, l'Académie s'ouvre aux minorités ethniques. Et des Emmy Awards aux Oscars, désormais, les noirs valent de l'or.

De la même manière s'ouvre un autre cycle depuis cet été: la place de la femme à Hollywood. Le carton de Wonder Woman a prouvé qu'une réalisatrice et une actrice pouvaient rapporter gros avec une histoire d'héroïne. Là encore, Kathryn Bigelow, Nora Ephron, Mimi Leder, Nancy Meyers, Phyllida Lloyd, Catherine Hardwicke avaient montré que c'était possible. Mais Patty Jenkins a explosé tous les records et, surtout, a réussi avec un film dont le héros était une femme, qui n'a pas besoin d'un homme à ses côtés pour terrasser les ennemis. Avec le phénomène #MeToo, le triomphe des femmes sur le petit écran (Top of the Lake, réalisé par Jane Campion, Big Little Lies, produit par Reese Witherspoon), les résultats phénoménaux de films comme La belle et la bête, Hunger Games, Rogue One où les actrices sont en première ligne, ainsi que l'affirmation d'une égalité des sexes, on peut prédire que l'ambition des femmes va être récompensée dans les prochaines années, que ce soit au box office ou aux Oscars.

Noire et femme, Ava DuVernay pourrait être le miracle "intersectionnel" attendu avec la sortie de son film Un raccourci dans le temps, blockbuster fantasy familial à 100M$ de budget, en salles le 14 mars.

Pendant ce temps en France, hormis Omar Sy, on reste blanc. Une seule comédienne (Eye Haidara, catégorie espoir féminin) est non blanche parmi tous les acteurs et toutes les actrices nommé(e)s. Trois comédiens (Lucien Jean-Baptiste, Aissa Maiga, Ahmed Sylla) ont été en têtes d'affiche de films ayant dépassé le million d'entrées l'année dernière. Régulièrement, pourtant, que ce soit pour le petit comme pour le grand écran, les études montrent que les œuvres ne reflètent pas la société française: pas assez de jeunes ou de vieux, pas assez de femmes, trop de CSP+, à peine 15% de comédiens "perçus" comme non-blancs. La mixité n'existe que dans le métro?

Rassurez-vous, le cinéma hollywoodien remédie au problème. Et Black Panther sera aussi un succès en France.

Edito: quand nos César font Boon

Posté par redaction, le 1 février 2018

Les César créent un nouveau prix: le César du public. En 2009, Dany Boon avait réussi un bad buzz autour de la cérémonie en faisant un esclandre parce que son film Bienvenue chez les Ch'tis, le plus gros succès français dans les salles, n'avait reçu qu'une nomination (dans la catégorie scénario). Ce n'est pas injuste, contrairement à ce qu'il pensait: le film n'est pas une grande œuvre de cinéma. C'est un film populaire, culte, drôle pour beaucoup, pas drôle pour certains (l'humour est une denrée si subjective). Or les César, normalement, se doivent de récompenser la qualité sans se soucier du public.

Certes, les films populaires ne sont pas souvent représentés aux César. Mais ils ne le sont pas plus aux Oscars. Hormis Dunkerque et Get Out, cette année, aucun nommé aux Oscars cette année n'a dépassé les 100M$ de recettes. Les quatre récents vainqueurs de l'Oscar du meilleur film n'ont pas franchi la barre des 60M$. A l'inverse on peut aussi dire que les César ont récompensé de nombreux films populaires: 3 des lauréats ont attiré plus de 5 millions de spectateurs, 9 d'entre eux ont séduit plus de 3 millions de spectateurs, et 8 autres ont fait plus de 2 millions d'entrées. En fait, les César ont rarement récompensé un film d'auteur qui n'a pas trouvé son public (seulement 4 lauréats n'ont pas rassemblé plus de 700000 spectateurs).

En 2009, Dany Boon avait pourtant proposé de créer un César de la comédie. C'était un non-sens. D'une part, un film populaire n'est pas forcément une comédie. Ensuite, comment définit-on la comédie? D'ailleurs, même si la catégorie existe aux Golden Globes, elle est sujette à controverse: Jordan Peele, réalisateur de Get Out, avait milité pour que son film soit catégorisé en drame (finalement il a été placé du côté des comédies et musicals). Et prenons comme exemple Trois hommes et un couffin ou Le fabuleux destin d'Amélie Poulain : est-ce que ces films populaires et césarisés auraient été qualifiés de comédie? Enfin, ces dernières années, la comédie n'a pas été oubliée par les César. Dans la catégorie meilleur film, en prenant le genre au sens large, on note la présence parmi les nommés de Persépolis, de Paris, du Premier jour du reste de ta vie, de Mammuth, du Nom des gens, de L'Arnacœur, de The Artist, d'Intouchables, de Camille redouble, des Garçons et Guillaume à table!, du Prénom, de La famille Bélier, de Victoria, de Ma Loute et cette année du Brio et du Sens de la fête.

Alors on a créé un César du public. On ne conteste pas le principe d'un prix du public. C'est juste un César sur mesure pour des films qui n'ont pas retenu l'attention des professionnels. On peut gloser année après année sur les aberrations ou les oublis des listes de nommés. On peut être étonnés de certains films surestimés ou manqués. Personne ne reprochera aux votants d'avoir zappé Alibi.com, Santa et cie, Epouse-moi mon pote etc... Le César du public est en fait un prix honorifique. C'est là qu'il y a un sérieux malentendu. Le Film Français décerne déjà chaque année ses trophées pour les films ayant fait le plus d'entrées (français, étranger, premier film). Le résultat est objectif, chiffré, économique. C'est le principe même d'un trophée professionnel.

Or c'est exactement ce que va reproduire l'Académie: le prix du film français ayant fait le plus d'entrées. Un César connu d'avance (ou presque) comme le César d'honneur. Ce n'est donc pas un César du public, mais un César du box office (ce que les prix québécois, les Iris, ex-Jutra, faisaient par exemple avec le "Billet d'or"). Officiellement c'est d'ailleurs le César des Entrées (article 2 du règlement).

Les César auraient du faire comme pour les Victoires ou les European Film Awards: un vrai prix du public, où, par exemple, les Français auraient été invités à voter pour l'un des cinq films ayant été les plus vus dans l'année. Non, ils ont décidé de ne pas miser sur l'appréciation ou la popularité mais sur la quantité de tickets vendus. Car après tout qui nous dit que Raid Dingue (4,6 millions d'entrées) ait davantage plus au public que Valérian (4 millions), Alibi.com (3,6 millions), Le sens de la fête (3 millions) ou Epouse-moi mon pote (2,5 millions). Un vote par sms aurait été générateur de recettes, qui plus est, en plus de créer éventuellement une surprise. Comme pour les télé crochets. Quand bien-même, les votants n'auraient pas vu le film, ils auraient choisi un réalisateur ou une star qu'ils aiment.

La soirée des César est plutôt un drame qu'une comédie

On comprend bien que les organisateurs veulent redynamiser cette cérémonie qui ne parvient plus à drainer de larges audiences et se prend des critiques et des trolls à longueur de soirée. Même l'Eurovision est mieux respectée. Mais rien n'empêche les César de changer son format, ses invités, l'écriture des sketches. Les Oscars l'ont bien compris en se réjouissant systématiquement d'avoir un super-héros ou une légende vivante sur son tapis rouge pour annoncer un lauréat. C'est une grande fête du cinéma, où comiques de télé et têtes d'affiche de blockbusters, lauréats de la précédente année et Oscars d'antan, sont réunis le temps d'une nuit. Le cinéma français a la chance d'être varié. Les César sont l'occasion de valoriser cette diversité. C'est souvent ce qui manque, cette loyauté envers les professionnels de la profession, en plus d'uniformiser la cérémonie avec des textes souvent plats ou qui cherchent à être drôles. Les César n'ont pas le sens de la fête et on comprend bien tout le drame quand on les regarde: ce n'est vraiment pas une comédie.

Aussi espèrent-ils le 2 mars s'offrir un moment populaire et comique en récompensant le film le plus vu de l'année. A priori c'est Raid Dingue de et avec Dany Boon. Manière de répondre à son esclandre d'il y a 9 ans. Il pourra troquer son survêtement contre un costard. Cela lui fera une belle pub pour son nouveau film, sorti une semaine avant. Le suspens est tué. mais ce n'est pas grave. Sauf que.

Ironie de l'histoire, les règles de ce nouveau prix ne sont pas les mêmes règles que pour les autres films. Les César récompensent tous les films sortis du 1er janvier au 31 décembre de l'année. Le César des Entrées "peut être décerné chaque année, au film occupant la première place du box-office France (les chiffres étant arrêtés à minuit le mardi précédant la Cérémonie), parmi tous les films de long métrage admis à concourir pour le « César du Meilleur Film ». Tout arbitrage sera effectué sur le nombre d’entrées comptabilisées par la CNC au terme de la huitième semaine d’exploitation de chaque film."

Soit un film sorti du 1er janvier à fin février de l'année suivante. Et le chiffre qui sert de référence ne sera pas le résultat final mais celui enregistré deux mois après sa sortie. Raid Dingue a alors attiré 4 523 888 spectateurs en 8 semaines. Il faudra donc que son seul concurrent, Les Tuche 3, 12e meilleur premier jour français hier, loin devant Raid dingue l'an dernier, fasse mieux en un mois, pour obtenir ce nouveau César.

Ce serait alors l'humiliation suprême: que ce César fait pour Boon revienne aux Tuche. Dans tous les cas ce sera un Ch'ti et un humour à base d'accents au régime frites qui monteront sur scène: Boon est d'Armentières et Rouve de Dunkerque.

Edito: Le grand blues

Posté par redaction, le 18 janvier 2018

Paraît que lundi c'était le jour le plus déprimant de l'année. Le Blue Monday. Le grand blues est aussi du côté de l'auteur du Grand bleu. Enfin presque, car Luc Besson a quand même touché 4,44 millions d'euros pour Valerian et la cité des mille planètes (4 millions d'entrées en France, 2e film français le plus vu donc, près de 29 millions d'entrées dans le monde). C'est donc logiquement le réalisateur le mieux payé en France, devant Dany Boon (3,5 millions d'euros), Guillaume Canet (2,5 millions d'euros), Christian Duguay  et Alain Chabat (1, 26 million d'euros), et Olivier Marchal (1 million d'euros), selon Cinéfinances.info.

EuropaCorp est ainsi le producteur et l'exportateur le plus actif à l'international. Le chiffre d'affaire a été boosté grâce au film de science-fiction du cinéaste.

Et pourtant le "champion" va mal. Le groupe va d'ailleurs supprimer 22 emplois sur 79. Besson est le professionnel le plus riche du cinéma français, mais sa société est déficitaire et un tiers des effectifs va se retrouver à Pôle Emploi. On veut pas être "populiste" mais...

Depuis quelques semaines, EuropaCorp vend aussi les bijoux de la couronne. L'activité de production de séries en France et en Europe a été cédée (et finalement reprise cette semaine par Mediawan, la société de Matthieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre-Antoine Capton), tout comme le catalogue d’édition musicale et son activité d'exploitant.

La société veut désormais se concentrer sur ses franchises existantes et se recentrer sur ce qu'elle sait faire: des thrillers et des films d’action à moins de 30M$. Car, or Valerian, son programme, assez varié, n'a pas cartonné en France (2,3 millions d'entrées avec six films et aucun millionnaire).

Son gros coup cette année sera Taxi 5, assurément, diminuant ainsi l'exposition et le risque pour la 3e saison de Taken, Kursk de Thomas Vinterberg, Eva de Benoît Jacquot ou encore The Old Man and the Gun de David Lowery.

Ne nous réjouissons surtout pas de la mauvaise santé d'Europacorp : ce n'est pas une bonne nouvelle pour le secteur en France, de par son poids international qui assure l'essentiel de nos exportations cinématographiques. Luc Besson n'a pas d'autres choix que de reprendre la barre du navire. Au point de concentrer sans doute trop d'activités. Il est désormais P-DG de la société depuis la non reconduction du précédent, le 3e depuis 2008. Le cinéaste prévoit un long métrage (Anna, avec Sasha Luss, Helen Mirren et Luke Evans) et développe la série The French Detective dont il réalisera le pilote, adaptation des aventures de Luc Moncrief imaginées par James Patterson, avec Jean Dujardin dans le rôle principal pour la chaîne ABC.

C'était sans doute une "blue week" pour Luc Besson.