[Lumière 2019] Frances McDormand, quand cinéma rime avec engagement

Posté par Morgane, le 16 octobre 2019, dans Festivals, Personnalités, célébrités, stars.

Festival Lumière. Lyon. Début de semaine. La salle de la Comédie Odéon est pleine et c'est une véritable ovation qui est faite à Frances McDormand. Thierry Frémaux, fidèle au poste, accueille l'actrice et Didier Allouch est là pour mener la discussion. L'actrice oscarisée (Fargo, Three Billboards) est évidemment l'une des muses des frères Coen (elle en a d'ailleurs épouser un des deux), mais elle a aussi tourné avec Wes Anderson, Sam Raimi, Alan Parker, Ken Loach, Robert Altman, John Boorman, Curtis Hanson, ou encore Gus Van Sant.

Indépendance de ses personnages
Un trait de caractère qui revient chez beaucoup de ses personnages c'est cette indépendance. Est-ce quelque chose qu'elle recherche particulièrement?
"Le seul truc qui revient souvent, ce sont mes fesses trop larges!" Plus sérieusement, l'actrice explique qu'au début de sa carrière elle faisait principalement des seconds rôles qui mettaient en avant des personnages masculins (elle le fait très bien d'ailleurs dans Mississipi Burning). "Mais je savais qu'un jour mon fils partirait de la maison et que j'aurais envie de faire autre chose, d'avoir les premiers rôles et ce fut le cas. Depuis que j'ai 50 ans j'ai la chance d'avoir des rôles de femmes très intéressants et je ne compte pas m'arrêter là."

Qu'est-ce qu'être une actrice à l'âge de Netflix?
Elle répond en tant que productrice. "J'ai eu la chance de travailler avec HBO. Quand j'ai développé Olive Kitteridge j'ai regardé The Wire et je me suis rendue compte du réel pouvoir de la série. Il est difficile de raconter l'histoire d'une femme en 90 minutes car il y a beaucoup de choses qui partent dans tous les sens. 30 ans de sa vie en 90 minutes c'est impossible, il fallait bien quatre heures! J'adore les pièces de théâtre qui durent six, huit, neuf heures. On regarde une partie puis on va prendre un café, une autre partie puis on va déjeuner et enfin la dernière partie et on va diner.  Aujourd'hui on a pris l'habitude de faire la même chose à la maison avec les séries. Moi je fais ça avec Fleabag. Je regarde cette série pendant des heures et je m'arrête juste pour manger et aller aux toilettes."

Ses débuts au cinéma
Son premier film c'était Blood Simple des frères Coen en 1984. "C'était une expérience formidable. Tout le monde était débutant. Ça a été mon école de cinéma!" Puis elle a tourné Mississipi Burning dont elle dit avoir obtenu le rôle grâce à Stella qu'elle jouait sur Broadway dans Un tramway nommé désir. "Venant du théâtre j'avais peur d'en faire trop, surtout avec mon visage. Avec Mississipi Burning j'ai pu utiliser tout mon corps, comme au théâtre mais d'une manière plus subtile."

Les Frères Coen, 9 films depuis 1984. Comment la relation évolue?
"J'ai beaucoup appris sur le mariage venant d'eux! En ce moment je travaille avec Joel sans Ethan. Pour la première fois je travaille sur le début de la création du film. Mais après une réunion, Joel m'a dit: 1, il vaut parfois mieux écouter que parler. 2, quand je ne parle pas je pense et 3, avec Ethan on travaille en se comprenant sans dire un mot." Il est souvent bien difficile de séparer les deux frangins. Et pourtant Frances McDormand dit qu'ils fonctionnent bien évidemment ensemble mais sont très différents. "Ethan a l'esprit très littéraire alors que Joel lui est plutôt visionnaire, invente des technologies, travaille le visuel." Et vous, où êtes-vous là-dedans? "Après quelques martinis un soir j'ai demandé à Joel mon mari, est-ce que je suis ta muse? Il a répondu: Mmm, non! Mais au final je préfère être sa productrice!"

Quand on pense Frances McDormand et les frères Coen on revoit directement Marge Gunderson dans Fargo. "Je le vois comme un film de famille. Je n'étais pas enceinte mais notre fils que nous adoptions arrivait quatre mois plus tard. C'était donc un film très personnel."

Les autres réalisateurs
Neuf films avec les frères Coen c'est pas rien, mais Frances McDormand n'a pas travaillé uniquement avec eux. Après Miller's Crossing elle a joué dans Darkman de Sam Raimi. Elle revient alors sur leur période de colocation avec Sam Raimi et les frères Coen à Los Angeles. "J'adore Sam mais je n'ai pas trop aimé jouer dans Darkman. C'est d'ailleurs sur ce tournage que j'ai rencontré Ken Loach. Il cherchait de l'argent et les producteurs voulaient un nom. Je n'étais pas un nom mais comme je jouais dans Darkman ils m'ont embauchée pour Hidden Agenda. J'étais ravie car après Darkman, j'avais besoin de rédemption alors je l'ai suivi en Irlande du Nord et j'ai adoré ça! D'ailleurs je continue de faire cela. Quand je tourne dans des films à gros budget j'ai besoin ensuite de faire des pièces off off Broadway ou de jouer dans des films à petit budget." On la retrouve également chez Wes Anderson. "Comme avec Sam Raimi, on rentre dans son monde, dans son esprit et on doit obéir à leurs règles. Mais je ne suis pas très douée pour ça. Ce dont j'ai besoin c'est de quelque chose de plus organique."

Féminisme et cinéma
"Une femme cinéaste, si elle se plante une fois elle n'aura pas d'autres chances contrairement à un homme. Il faut qu'il y ait des gens au pouvoir qui leur permettent de se planter plus d'une fois." Concernant son discours lors de la Cérémonie des Oscars: "Pour 3 Billboards, j'allais de cérémonie en cérémonie avec les mêmes femmes nommées. J'ai partagé de longs moments avec elles et j'avais donc envie de les inclure dans mon discours. Sur scène, j'appelle les femmes à se lever et elles le font. Je suis tellement excitée que j'en oublie complètement mon discours alors je finis par: J'ai deux mots à vous dire, inclusion rider! et depuis, ma vie est un enfer! (rires) Ce but est inatteignable je le sais et je réalise qu'il faut que les choses évoluent de manière organique."

"Je suis actrice car je veux faire partir de l'échange humain?"
"Plus jeune je trouvais dérangeant quand les gens venaient me voir dans la rue. Les gens pensent qu'on demande la célébrité alors que pas du tout. J'ai donc décidé de me retirer de la promotion des films. Le deal pour moi c'est une photo avec le reste de l'équipe lors d'une première du film et c'est tout. Ainsi ça m'a rendu mon pouvoir de dire non et ça m'a même donné le droit d'être parfois malpolie. Mais mon fils me demandait justement pourquoi j'étais malpolie avec les gens dans la rue. Alors j'ai fait ça autrement. Je répondais non pour la photo mais je disais qu'à la place on pouvait se serrer la main et échanger quelques mots."

C'est ça être actrice pour Frances McDormand, l'échange humain. Pour preuve, sa masterclasse a été l'une des plus longues de l'histoire du festival, dépassant largement le temps prévu.

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