Un nouveau remake pour Luca Guadagnino

Posté par vincy, le 31 mai 2020

En attendant l'éventuelle suite de Call Me by Your Name, le réalisateur italien Luca Guadagnino va réaliser le reboot de Scarface pour Universal Pictures. Le cinéaste avait déjà réalisé un remake, celui de Suspiria. Pablo Larrain était jusque là attaché au projet, qui est en développement depuis plus de cinq ans.

Particularité notable: la dernière version du scénario de ce nouveau Scarface a été écrite par les frères Coen. Un défi quand on sait que les deux précédentes versions au cinéma sont considérées comme des classiques. Celle de 1932 tout d'abord, réalisée par Howard Hawks, avec Paul Muni, Ann Dvorak et George Raft. Œuvre culte et modèle du genre (le film de gangster), il avait pourtant été un flop monumental., jugé trop violent et sulfureux (la censure a été sans pitié). Le film se passe alors à Chicago, inspiré par les crimes d'Al Capone.

Et puis il y a le film de Brian de Palma, scénarisé par Oliver Stone, en 1983, avec Al Pacino et Michelle Pfeiffer, et se déroulant cette fois-ci à Miami. Un beau succès au box office pourtant éreinté par la critique à l'époque.

La nouvelle version reprendra la trame principale en étant transposée à Los Angeles.

Luca Guadagnino termine actuellement la série pour HBO We Are Who We Are et a commencé à travailler sur un autre remake, pour la Warner, Lord of the Flies (Sa majesté des mouches), d'après le roman éponyme de l'auteur britannique William Golding, déjà deux fois adapté au cinéma: en 1963 par Peter Brook et en 1990 par Harry Hook. Dans les deux cas, ce grand classique de la littérature n'a jamais vraiment convaincu sur grand écran.

[Lumière 2019] Frances McDormand, quand cinéma rime avec engagement

Posté par Morgane, le 16 octobre 2019

Festival Lumière. Lyon. Début de semaine. La salle de la Comédie Odéon est pleine et c'est une véritable ovation qui est faite à Frances McDormand. Thierry Frémaux, fidèle au poste, accueille l'actrice et Didier Allouch est là pour mener la discussion. L'actrice oscarisée (Fargo, Three Billboards) est évidemment l'une des muses des frères Coen (elle en a d'ailleurs épouser un des deux), mais elle a aussi tourné avec Wes Anderson, Sam Raimi, Alan Parker, Ken Loach, Robert Altman, John Boorman, Curtis Hanson, ou encore Gus Van Sant.

Indépendance de ses personnages
Un trait de caractère qui revient chez beaucoup de ses personnages c'est cette indépendance. Est-ce quelque chose qu'elle recherche particulièrement?
"Le seul truc qui revient souvent, ce sont mes fesses trop larges!" Plus sérieusement, l'actrice explique qu'au début de sa carrière elle faisait principalement des seconds rôles qui mettaient en avant des personnages masculins (elle le fait très bien d'ailleurs dans Mississipi Burning). "Mais je savais qu'un jour mon fils partirait de la maison et que j'aurais envie de faire autre chose, d'avoir les premiers rôles et ce fut le cas. Depuis que j'ai 50 ans j'ai la chance d'avoir des rôles de femmes très intéressants et je ne compte pas m'arrêter là."

Qu'est-ce qu'être une actrice à l'âge de Netflix?
Elle répond en tant que productrice. "J'ai eu la chance de travailler avec HBO. Quand j'ai développé Olive Kitteridge j'ai regardé The Wire et je me suis rendue compte du réel pouvoir de la série. Il est difficile de raconter l'histoire d'une femme en 90 minutes car il y a beaucoup de choses qui partent dans tous les sens. 30 ans de sa vie en 90 minutes c'est impossible, il fallait bien quatre heures! J'adore les pièces de théâtre qui durent six, huit, neuf heures. On regarde une partie puis on va prendre un café, une autre partie puis on va déjeuner et enfin la dernière partie et on va diner.  Aujourd'hui on a pris l'habitude de faire la même chose à la maison avec les séries. Moi je fais ça avec Fleabag. Je regarde cette série pendant des heures et je m'arrête juste pour manger et aller aux toilettes."

Ses débuts au cinéma
Son premier film c'était Blood Simple des frères Coen en 1984. "C'était une expérience formidable. Tout le monde était débutant. Ça a été mon école de cinéma!" Puis elle a tourné Mississipi Burning dont elle dit avoir obtenu le rôle grâce à Stella qu'elle jouait sur Broadway dans Un tramway nommé désir. "Venant du théâtre j'avais peur d'en faire trop, surtout avec mon visage. Avec Mississipi Burning j'ai pu utiliser tout mon corps, comme au théâtre mais d'une manière plus subtile."

Les Frères Coen, 9 films depuis 1984. Comment la relation évolue?
"J'ai beaucoup appris sur le mariage venant d'eux! En ce moment je travaille avec Joel sans Ethan. Pour la première fois je travaille sur le début de la création du film. Mais après une réunion, Joel m'a dit: 1, il vaut parfois mieux écouter que parler. 2, quand je ne parle pas je pense et 3, avec Ethan on travaille en se comprenant sans dire un mot." Il est souvent bien difficile de séparer les deux frangins. Et pourtant Frances McDormand dit qu'ils fonctionnent bien évidemment ensemble mais sont très différents. "Ethan a l'esprit très littéraire alors que Joel lui est plutôt visionnaire, invente des technologies, travaille le visuel." Et vous, où êtes-vous là-dedans? "Après quelques martinis un soir j'ai demandé à Joel mon mari, est-ce que je suis ta muse? Il a répondu: Mmm, non! Mais au final je préfère être sa productrice!"

Quand on pense Frances McDormand et les frères Coen on revoit directement Marge Gunderson dans Fargo. "Je le vois comme un film de famille. Je n'étais pas enceinte mais notre fils que nous adoptions arrivait quatre mois plus tard. C'était donc un film très personnel."

Les autres réalisateurs
Neuf films avec les frères Coen c'est pas rien, mais Frances McDormand n'a pas travaillé uniquement avec eux. Après Miller's Crossing elle a joué dans Darkman de Sam Raimi. Elle revient alors sur leur période de colocation avec Sam Raimi et les frères Coen à Los Angeles. "J'adore Sam mais je n'ai pas trop aimé jouer dans Darkman. C'est d'ailleurs sur ce tournage que j'ai rencontré Ken Loach. Il cherchait de l'argent et les producteurs voulaient un nom. Je n'étais pas un nom mais comme je jouais dans Darkman ils m'ont embauchée pour Hidden Agenda. J'étais ravie car après Darkman, j'avais besoin de rédemption alors je l'ai suivi en Irlande du Nord et j'ai adoré ça! D'ailleurs je continue de faire cela. Quand je tourne dans des films à gros budget j'ai besoin ensuite de faire des pièces off off Broadway ou de jouer dans des films à petit budget." On la retrouve également chez Wes Anderson. "Comme avec Sam Raimi, on rentre dans son monde, dans son esprit et on doit obéir à leurs règles. Mais je ne suis pas très douée pour ça. Ce dont j'ai besoin c'est de quelque chose de plus organique."

Féminisme et cinéma
"Une femme cinéaste, si elle se plante une fois elle n'aura pas d'autres chances contrairement à un homme. Il faut qu'il y ait des gens au pouvoir qui leur permettent de se planter plus d'une fois." Concernant son discours lors de la Cérémonie des Oscars: "Pour 3 Billboards, j'allais de cérémonie en cérémonie avec les mêmes femmes nommées. J'ai partagé de longs moments avec elles et j'avais donc envie de les inclure dans mon discours. Sur scène, j'appelle les femmes à se lever et elles le font. Je suis tellement excitée que j'en oublie complètement mon discours alors je finis par: J'ai deux mots à vous dire, inclusion rider! et depuis, ma vie est un enfer! (rires) Ce but est inatteignable je le sais et je réalise qu'il faut que les choses évoluent de manière organique."

"Je suis actrice car je veux faire partir de l'échange humain?"
"Plus jeune je trouvais dérangeant quand les gens venaient me voir dans la rue. Les gens pensent qu'on demande la célébrité alors que pas du tout. J'ai donc décidé de me retirer de la promotion des films. Le deal pour moi c'est une photo avec le reste de l'équipe lors d'une première du film et c'est tout. Ainsi ça m'a rendu mon pouvoir de dire non et ça m'a même donné le droit d'être parfois malpolie. Mais mon fils me demandait justement pourquoi j'étais malpolie avec les gens dans la rue. Alors j'ai fait ça autrement. Je répondais non pour la photo mais je disais qu'à la place on pouvait se serrer la main et échanger quelques mots."

C'est ça être actrice pour Frances McDormand, l'échange humain. Pour preuve, sa masterclasse a été l'une des plus longues de l'histoire du festival, dépassant largement le temps prévu.

Venise 2018: des valeurs sûres au palmarès

Posté par vincy, le 8 septembre 2018

Netflix repart avec le Lion d'or, et le prix du scénario. le jury a fait fi des polémiques. Au passage, le cinéma mexicain s'offre un deuxième Lion d'or consécutif puisque Guillermo del Toro (et son jury) a récompensé son ami Alfonso Cuaron pour sa fresque Roma. Dans le reste du palmarès de la compétition, on note que ce sont des artistes affirmés qui ont presque tout raflé, souvent des cinéastes estampillés cannois: Audiard à la réalisation (seul prix majeur pour un film français), les Coen, Willem Dafoe et bien sûr Lanthimos, autre grand vainqueur avec le Grand prix du jury ET le prix d'interprétation féminine pour The Favourite. L'omniprésence d'un cinéma en langue anglaise peut aussi inquiéter : Venise se transforme de plus en plus en rampe vers les Oscars, plus qu'en zone de découverte.

Seules véritables surprises: l'absence de Capri-Revolution, qui a récolté plusieurs prix chez les jurys parallèles, et les deux prix mérités pour The Nightingale, seul film réalisé par une femme dans la compétition, et qui aurait sandoute mérité un peu mieux quand même.

Compétition
Lion d'or: Roma d'Alfonso Cuaron
Grand prix du jury:The Favourite de Yorgos Lanthimos
Meilleur réalisateur: Jacques Audiard pour The Sisters Brothers
Coupe Volpi de la meilleure actrice: Olivia Colman dans The Favourite de Yorgos Lanthimos
Coupe Volpi du meilleur acteur: Willem Dafoe dans At Eternity's Gate de Julian Schnabel
Meilleur scénario: The Ballad of Buster Scruggs de Joel & Ethan Coen
Prix spécial du jury: The Nightingale de Jennifer Kent

Prix Marcello Mastroianni pour un acteur émergent
Baykali Ganmbarr dans The Nightingale de Jennifer Kent (compétition)

Prix Luigi de Laurentiis
Meilleur premier film (toutes sélections confondues): Yom Adaatou Zouli (The Day I Lost My Shadow) de Soudade Kaadan (en sélection Orizzonti)

Lion d'or d'honneur: Vanessa Redgrave et David Cronenberg

Orizzonti
Meilleur film: Kraben Rahu de Phuttipohong Aroonpheng
Meilleur réalisatrice: Emir Baigazin pour Ozen
Prix spécial du jury: Anons de Mahmut Fazil Coskun
Meilleure actrice: Natalya Kudryashova dans The Man Who surprised Everyone de Natasha Merkulova et Aleksey Chupov
Meilleur acteur: Kais Nashif dans Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi
Meilleur scénario: Jinpa de Pema Tseden
Meilleur court métrage: Kado d'Aditya Ahmad

Venice Virtual Reality
Meilleur VR: Spheres d'Eliza McNitt
Meilleure expérience: Buddy VR de Chuck Chae
Meilleure histoire: L'île des morts de Benjamin Nuel

Venezia Classics
Meilleur film restauré: La notte du San Lorenzo de Paolo et Vittorio Taviani
Meilleur documentaire sur le cinéma: The Great Buster: a Celebration de Peter Bogdanovich

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Les palmarès de la Gironate degli autore et de la Semaine internationale de la Critique
Tous les autres prix décernés au Festival de Venise

Les reprises de l’été: Kumashiro, les Coen, Stone et Cimino

Posté par vincy, le 25 juillet 2018

Blood Simple (Sang pour sang) de Joel et Ethan Cohen (1984)

L'histoire: Au Texas, un propriétaire de bar découvrant que sa femme le trompe avec le barman, engage un détective texan pour les assassiner. Mais sous des dehors de parfait imbécile, ce dernier va se révéler machiavélique et imprévisible…

Pourquoi il faut le voir? Interdit aux moins de 12 ans. On pouvait déjà voir ce qui était singulier et génial chez les frères Coen dès ce premier film aussi saignant que jubilatoire. Au passage, on admirera Frances McDormand, 27 ans à l'époque et dont ce fut le premier film. L'hémoglobine coule à flots. Ce polar rouge et noir, porté, déjà, par la musique de Carter Burwell et la photo d'un certain Barry Sonnenfeld (Men in Black), a reçu d'emblée le Grand prix du jury à Sundance. Un coup de maître mérité pour ce film devenu culte avec tous les bons ingrédients: le Texas, un détective privé, un mari jaloux, une épouse victime. Pourtant le scénario est retors et déraille assez vite dans une course poursuite où le seul homme à peu près honnête est tué. C'est décalé, un brin cynique, en tout cas ironique et grinçant. Ce ton si particulier qui désamorce l'horreur tout en amorçant la violence.

Platoon d'Oliver Stone (1986)

L'histoire: Septembre 1967: Chris Taylor, dix-neuf ans, rejoint la compagnie Bravo du 25ème régiment d'infanterie, près de la frontière cambodgienne. Chris, issu d'une famille bourgeoise s'est engagé volontairement et, plein d'idéal entend bien servir son pays. Mais la réalité est tout autre et ses illusions vont tomber les unes après les autres. Il sera également temoin de la rivalité sanglante qui oppose deux officiers qu'il admire.

Pourquoi il fait le voir? Interdit aux moins de 12 ans. Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateeur en 1987, le film d'Oliver Stone est considéré comme une référence dans le genre, le film hollywoodien sur le Vietnam. Le traumatisme vécu par le réalisateur quand il était soldat le hantait depuis les horreurs vues dans le pays asiatique. Si son projet est d'abord refusé plusieurs fois, il parvient à le finaliser grâce à sa réputation de scénariste, l'un des plus côtés à Hollywood. Il réalise dans la douleur - la révolution aux Philippines, des conditions de tournage assez cauchemardesques - un film fort qui deviendra phare grâce à une psychologie humaine dépeinte de manière subtile face au chaos de la guerre et des images sensationnelles de combats. Il est intéressant de noter que le duel entre Tom Beranger et Willem Dafoe est à contre-emploi, puisque le premier était habitué aux rôles de gentils tandis que le second était enrôlé plutôt pour être le méchant de service. Pourtant ce qui frappe ici c'est le quotidien de ces soldats, démunis, mis à nus. Une version crue d'une guerre effrayante...

Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino (1978)

L'histoire: 1968. Mike, Steven, Nick, Stan et Axel travaillent dans l’aciérie du bourg de Clairton, Pennsylvanie, et forment une bande très liée. À Clairton, les histoires de coeur vont bon train : Steven épouse Angela, bien qu’elle soit enceinte d’un autre, et Nick flirte avec Linda qui semble troubler Mike. Mais cette tranquillité est rattrapée par la guerre du Vietnam lorsque Mike, Steven et Nick sont mobilisés pour partir au combat…

Pourquoi il faut le voir? Interdit aux moins de 16 ans. Restons au Vietnam avec The Deer Hunter. Premier film sur cette guerre, juste avant Apocalypse Now, le casting vaut à lui seul le détour: Robert de Niro, Meryl Streep, Christopher Walken (oscarisé en second rôle et donc c'est le premier rôle majeur), John Savage et John Cazale. Le film a reçu 5 Oscars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Une scène est proprement saisissante: celle de la roulette russe, jeu suicidaire qu'impose les tortionnaires aux prisonniers. Le tournage a aussi été une roulette ruse durant six mois. Des rats, des baffes, des crachats, des maladies. La tension était palpable, d'autant plus que Cimino était réputé perfectionniste. Davantage psychologique que guerrier, le film porte aussi un regard social sur les soldats. Cela n'empêche pas non plus la polémique: nombreux sont ceux qui trouvaient le film trop partisan, trop américain. Cimino montrait le bourbier où s'enlisaient la classe ouvrière américaine plutôt que de rappeler que cette guerre était contestée ou que les Vietnamiens étaient aussi des victimes. Reste que le film est spectaculaire, prenant, tendu et physique. Chasser le cerf ou chasser le "viet" ne produit pas le même impact sur la folie humaine.

Les amants mouillés de Tatsumi Kumashiro (1973)

L'histoire: Katsu travaille comme commis dans un cinéma porno de son petit village natal, où il est revenu après une longue absence. Il refuse toutefois de reconnaître ses amis d'autrefois. Katsu entretient une liaison sans passion avec la patronne du cinéma, mais commence une aventure avec Yoko, qu'il épie en train de faire l'amour avec son ancien camarade Mitsuo. Très vite, une étrange amitié va s'instaurer entre les trois.

Pourquoi il faut le voir? Interdit aux moins de 16 ans. Il faut dire que le film est érotique, et fortement influencé par le porno japonais. Chez Kumashiro, le sexe est naturel, épicurien, jamais moral. On y baise comme on y mange. Ce qui ne veut pas dire qu'on voit tout: les Japonais sont très soucieux de censure. Ce qui rend le spectateur imaginatif et voyeur. Pourtant, on peut s'interroger sur ces mâles dominateurs et un brin sadiques face à ces femmes soumises et violentées. Mais chez le réalisateur, il faut tout voir au seconde degré. Limite burlesque. En fait son "roman porno", genre dont il était le maître dans les seventies, était davantage un pied de nez à la censure et au conservatisme nippon. Il sait filmer magistralement ces parties de jambes en l'air, y comrpis dans les lieux les plus sombres et les plus étroits. Face aux hypocrites, son film balance quand même une partie de saute-moutons nudiste aussi joyeuse qu'hédoniste.

Venise 2017: avec Suburbicon, George Clooney explose l’American Dream

Posté par kristofy, le 2 septembre 2017

Quel est le point commun entre George Clooney et les frères Joel & Ethan Coen ? Certes ils ont tourné quatre films ensemble. Mais ils ont aussi un même sens de l’humour sarcastique pour des (anti)héros pris dans une spirale criminelle, et surtout: ils sont amis et ils ont les même amis… C’est ainsi qu’est né le générique de Suburbicon, en compétition au 74e festival de Venise: au scénario, les frères Coen et George Clooney (et son co-scénariste Grant Heslov), et à l’écran Matt Damon, Julianne Moore, Oscar Isaac (qui ont d’ailleurs tous été dirigés par les Coen), mais aussi Alexandre Desplat pour la musique. Soit une dream team prête à tout pour le 6ème film de George Clooney derrière la caméra. Et c’est jouissif!

Suburbicon est le nom d’une ville idéale des Etats-Unis vers la fin des années 50. C’est même l’incarnation idyllique du rêve américain de cette époque, quand on découvrait le consumérisme, l'électro-ménager et la télévision. Le facteur et bientôt tout le voisinage vont se rendre compte d’un événement déplaisant pour eux : dans une maison vient d’arriver une nouvelle famille pas comme les autres, avec la peau noire. Tout le monde y va de son commentaire négatif et raciste… La maison juste à côté est celle de Matt Damon avec sa femme Julianne Moore (blonde), leur fils et la sœur de son épouse, toujours incarnée par Julianne Moore (mais rousse). Chez eux tout va basculer le temps d’une nuit : deux malfaiteurs se sont introduits chez eux, ils ont été immobilisés et brutalisés, et malheureusement la femme est décédée. Après l’épreuve des funérailles Matt Damon et sa belle-sœur Julianne Moore (la rousse si vous suivez) sont convoqués par la police pour une séance d’identification de suspects arrêtés : ils ne reconnaissent aucun de leurs agresseurs. On ne procède par conséquent à aucune arrestation. Mais leur fils est persuadé que les coupables étaient bien là, devant eux…

Ce début pétaradant va être le point de départ pour une implosion de la famille: mensonges et manipulations vont s’ensuivre à un rythme effréné. Les apparences ne sont pas seulement trompeuses, elles vont être mortelles. On y reconnaît bien l’humour noir particulier des frères Coen, en particulier le ton de leurs films Fargo et Burn After Reading. Alors qu’une machination dérape de pire en pire, pour la maison voisine, celle de la famille noire, les évènements empirent aussi : un mur est construit autour comme clôture, des dizaines de gens viennent les importuner en faisant du vacarme, puis une centaine de ‘citoyens’ fanatiques l'encercle…

Le contexte de la ségrégation raciale a particulièrement retenu l’attention puisque la présentation du film arrive quelques semaines après la dramatique actualité de Charlottesville, où le KKK, les néo-nazis, les suprémacistes blancs et autres groupuscules d'extrême-droite se sont confrontés à des antiracistes, notamment issus du mouvement Black Lives Matter, causant la mort d'une entre eux (Heather Heyer) et en blessant 19 autres.

George Clooney a dû évidemment apporter à Venise un commentaire politique : "Le slogan de Trump ‘Make America Great Again’ est tourné vers l’Amérique de Eisenhower, il s’adresse uniquement à un homme, blanc, hétérosexuel. Il a fallu environ deux ans pour mettre en route la production de ce film et le terminer, on ne se doutait pas que Suburbicon allait être autant en phase avec l’actualité. Oui, c’est un film de colère. Il y a beaucoup d’américains en colère aujourd’hui contre la façon dont le pays est dirigé."

Edito: la panne américaine

Posté par redaction, le 18 février 2016

Qu'on ne se méprenne pas: le cinéma américain n'est pas mort. Mais on ne peut que constater son sur place depuis quelques années. A force de formatage, il a du mal à se renouveler. S'il n'y avait pas des cinéastes australien, mexicain, sud-coréen ou européen, on observerait un cruel sentiment de déjà vu aussi bien parmi les blockbusters qui répète les recettes de leurs prédécesseurs que parmi le cinéma dit indépendant qui a un aspect de plus en plus convenu. Cette impression de déjà vu permanente est inquiétante. A Berlin, les Coen et Jeff Nichols n'ont pas convaincu, sans doute parce que les deux ressassaient un cinéma "disparu", celui des années 1950 mélangé à du Mel Brooks pour les premiers, celui des années 1970-1980 teinté de Spielberg pour le second. A voir les deux leaders du box office de l'an dernier, Star Wars épisode VII et Jurassic World, on est davantage dans la réhabilitation du film culte (avec une touche de goût du jour), entre nostalgie et volonté de cibler plusieurs générations. Mais ce n'est en rien un gage d'innovation. Sur les 10 films en tête du box office 2015, seulement deux sont des films qui ne sont ni des suites, ni des reboots, ni des remakes, ni des spin-off. Il faut descendre à la 18e place pour trouver un film qui n'est ni d'action, ni une comédie, ni un dessin animé. Le premier film indépendant est 44e!

Certes, les recettes explosent, mais Hollywood paresse. La prise de risque est minimale. Les scénarios sont écrits avec des canevas pré-établis. L'image s'uniformise selon le standard de l'époque, ce qui singularise un The Revenant ou un Mad Max Fury Road. Et à chaque carton, on se dit que les studios vont exploiter le filon. Ainsi l'humour décalé et grivois des Gardiens de la Galaxie et l'humour noir de Deadpool vont sans doute entraîner de nombreux producteurs à mixer l'autodérision à l'action dans les prochaines adaptations de comics, comme la noirceur psychologique du Dark Knight avait poussé les décideurs à tourmenter un peu plus les superhéros qu'ils avaient dans leur catalogue.

Et ce n'est pas les succès moyens de bons films comme Spotlight, Sicario, Black Mass ou Le Pont des espions qui peut changer la donne, bien au contraire. Le divertissement pour adulte semble ne pas résister aux "tentpoles" pour adolescents. Le problème n'est pas une question de recettes ou de palmarès ou même de qualité (après tout Vice-Versa, 356M$, est excellent). Le souci provient surtout d'une lassitude. Difficile de faire le buzz, de faire monter le désir quand tout se ressemble, quand on sait ce que l'on va voir. Il faut déployer des trésors d'imagination marketing et signer de gros chèques pour la publicité afin d'être sûr que la visibilité du film sera optimale à défaut de créer une attente. De Gravity à Deadpool, c'est bien l'originalité du projet qui a conquis différentes strates de cinéphilie. Dès l'origine, c'est le traitement particulier à une banale histoire SF ou une énième adaptation de comics qui a fait la différence. Idem pour le cinéma "dit indépendant" qui ne parvient plus à se démarquer de son image "Sundance/Weinstein", autrement dit "drame social hérité de la nouvelle vague/films en costumes avec stars".

Il y a trente ans, le box office américain avait Platoon, La folle journée de Ferris Bueller, Stand by Me, La couleur de l'argent et Peggy Sue s'est mariée dans son top 20. Il n'y avait que 5 suites et aucun remake dans ce même Top 20. En trente ans, Hollywood a industrialisé son processus de création au point de lui faire perdre un peu de son âme, mais surtout de son génie. Coppola et Lucas l'ont souligné. Mais comme à chaque fois, le cycle va mécaniquement décliner et contraindre les "boss" californiens à se réinventer. Mais on n'en est loin: il est à craindre que, qualitativement, le cinéma américain, toujours le plus puissant du monde, se contente de son savoir-faire. Après tout, il reste le cinéma le plus fédérateur dans le monde. Et il n'a aucun rival à l'horizon. Pas étonnant alors que les Coen ou Jeff Nichols, Eastwood ou Damien Chazelle, Scorsese ou Charlie Kaufman fassent figure de résistants.

Berlin 2016 : les frères Coen rendent hommage au cinéma avec Ave, César

Posté par MpM, le 11 février 2016

ava cesar

Quoi de mieux en ouverture d'un grand festival comme celui de Berlin qu'une déclaration d'amour flamboyante au cinéma dans tous ses états ? C'est en tout cas le pari réussi de cette édition 2016 dont le coup d'envoi a été donné par Ave, César des frères Coen dans lequel George Clooney, Channing Tatum ou encore Scarlett Johanson campent des acteurs hollywoodiens des années 50. Josh Broslin, silhouette de détective privé désabusé, incarne l'homme chargé de les chapeauter, c'est-à-dire de régler les multiples problèmes qu'ils génèrent, ou auxquels ils font face, d'une demande de rançon à la sauvegarde de la réputation d'une starlette.

Pensé comme une plongée ironique dans le milieu du cinéma hollywoodien, le film donne parfois l'impression qu'il se contente de juxtaposer des séquences diverses sans réel fil conducteur.  Certaines ont beau être extrêmement réussies (visuellement comme scénaristiquement), il résulte de cette construction un aspect décousu qui rend le récit poussif. On passe un peu artificiellement d'un ballet aquatique à un western, d'une comédie musicale au péplum... tous les genres cinématographiques étant ainsi conviés à tour de rôle pour des hommages plus ou moins appuyés qui finissent par donner l'impression d'un catalogue.  Les deux réalisateurs font revivre sans nostalgie un âge d'or révolu, mais sous la forme d'un exercice de style qui manque singulièrement d'élan.

Heureusement, comme toujours chez les Coen, il y a d'excellentes idées de scénario (comme le "groupe d'études" qui enlève la star du studio ou la reconversion express d'un acteur habitué aux rôles de cow-boy), des personnages truculents et un sens inné de la comédie, mais aussi un fond plus introspectif qui apporte une véritable profondeur à certaines parties du récit. Cette fois, c'est la condition des auteurs dans la grosse machinerie hollywoodienne, la fabrique artificielle des stars, la dictature du studio... De quoi mettre en perspective passé et présent, et offrir un deuxième niveau de lecture au vitriol sur "l'industrie" actuelle.

Mais plus généralement, Ave Cesar vante bien sûr l'indicible plaisir de faire (et de voir) du cinéma. Malgré ce qu'il en coûte, dit-il en substance, les films sont encore ce qu'il y a de plus important au monde. Et sur ce terrain-là, on ne contredira pas les deux frères.

Le Pont des Espions, le prochain Spielberg, en salles le 28 octobre

Posté par vincy, le 18 mars 2015

tom hanks steven spielberg le pont des espions

Près d'un an après son lancement en production (lire notre actualité du 26 avril 2014), le prochain film de Steven Spielberg a enfin un titre. Le Pont des Espions (Bridge of Spies) sortira le 28 octobre dans les salles françaises (et le 16 octobre aux Etats-Unis).

Scénarisé par Matt Charman, Ethan Coen et Joel Coen, le film est interprété par Tom Hanks. C'est la quatrième collaboration entre l'acteur et le réalisateur.

La Fox a également révélé le synopsis officiel. Il s'agit de l’histoire de James Donovan (Tom Hanks), un avocat de Brooklyn qui se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion espion américain U-2 qui a été capturé. Les scénaristes  ont intégré cet épisode de la vie de Donovan à une histoire inspirée de faits réels pour dresser le portrait d’un homme qui a accepté de prendre tous les risques.

Au casting, on retrouve Légalement Mark Rylance, dans le rôle de Rudolf Abel, un agent du KGB défendu par Donovan, Scott Shepherd dans le rôle de Hoffman, un agent de la CIA, Amy Ryan,  dans le rôle de la femme de Donovan, Mary, Sebastian Koch dans le rôle de Vogel, un avocat est-allemand  et Alan Alda,  dans le rôle de Thomas Watters, un associé du cabinet juridique de Donovan.

Le Pont des Espions est le premier film de Steven Spielberg depuis Lincoln, sorti en France en janvier 2013. Il sera suivi par la sortie du film Le Bon Gros géant, le 20 juillet 2016.

Tous les goûts sont dans la nature de Marjane Satrapi

Posté par vincy, le 11 mars 2015

Dans The Voices, le nouveau film de Marjane Satrapi, le personnage de Ryan Reynolds entend des voix. Les voix que l'ancienne auteure de BD et désormais réalisatrice accomplie entend ne sont pas celles de tout le monde.

The Voices est un Disney psychotique. "Mon Disney préféré c'est Le livre de la jungle. A cause des personnages, de ce serpent qui hypnotise le gamin. Et l'animation 2D est sublime."

The Voices est un film horrifique (mais pas trop). "Je déteste les films d'horreur. Candyman est celui qui m'a fait le plus peur. Mais je ne les regarde pas."

The Voices est un film musical. "West Side Story est ma référence. A chaque fois que je le regarde, ça me fait un énorme effet. Ça me donne envie de prendre un couteau et d'aller à la bagarre, ça donne envie de se rebeller."

The Voices est un film animalier. "Le dernier film que j'ai vu au cinéma c'est Le dernier loup. Le loup est un des animaux préférés. J'ai tellement pleuré devant ce film. J'adore les animaux."

The Voices est un film félin. "Ce n'est pas un animal comme les autres. Il n'y a jamais de chat de policier, par exemple. Monsieur Moustache est la mauvaise conscience dans le film. C'est lui qui pousse au crime. Mais comme le disait Léonard de Vinci: 'Le plus petit des félins est la plus belle des créations'. Mon chat préféré au cinéma, c'est le mien, Monsieur Moustache. Mais mon chien préféré c'est sans doute Lassie. J'aime beaucoup Lassie: sympa, beau. Il a l'élégance du chat."

The Voices réhabilite Ryan Reynolds. "Je l'adore dans Buried. Rester une heure trente dans un cercueil en transmettant toutes les émotions... Dans mon film, il incarne parfaitement le personnage. Mais il a ce syndrome de la fille très belle. On pense qu'il est idiot parce qu'il est beau. Alors qu'il est cultivé, consciencieux, talentueux."

The Voices est une forme de parodie. Forcément Charlie. "On n'est pas deux millions de dessinateurs en France. Charlie Hebdo, ça a été un choc, parce que les connaissais personnellement. J'ai connu Cabu et il doit se retourner 15000 fois dans sa tombe chaque jour, depuis. Je pense toujours à lui. Je suis venue en France pour la liberté d'expression. C'est une double peine..."

The Voices est un film psychanalytique. "J'ai lu Stefan Zweig récemment, sa biographie sur Joseph Fouché (1929, ndlr). C'est un personnage méconnu en France et un destin carrément extraordinaire. Ce serait impossible d'en faire un film de deux heures. Il faudrait un feuilleton en quatre épisodes de 90 minutes."

The Voices a ses références. "A chaque fois que je réfléchis à la mise en scène, je regarde les Frères Coen. Comment ils font pour qu'on se souvienne d'un personnage qui n'a passé que deux minutes dans le film. J'attends toujours avec impatience leur prochain film, comme ceux de Roberto Rodriguez, Quentin Tarantino. Ce qui ne veut pas dire que je les aime tous. L'autre cinéaste qui m'intéresse c'est Roman Polanski. Il n'y a jamais d'effet dans son cinéma. Sa caméra est toujours discrète. Chinatown est un de mes films préférés."

The Voices est un film qui finit au paradis. "Je suis plutôt Led Zeppelin (Stairway to Heaven) que The Strokes. Je ne peux pas écouter du R&B, ça me donne des envies de meurtres. Pour le film, j'ai fait appel à Olivier Bernet, comme d'habitude. C'est un très bon musicien. Il me fait 30 morceaux alors qu'on n'en garde que 16. Il s'adapte."

The Voices est un film d'une Iranienne exilée à Paris tourné en Allemagne et se déroulant aux Etats-Unis. "Je suis contente que Jafar Panahi ait eu l'Ours d'or à Berlin. Heureusement qu'il est interdit de filmer! Pourtant il tourne! Et on le retrouve à chaque fois dans les festivals, tant mieux. J'avais beaucoup aimé Sang et Or."

Joel et Ethan Coen présidents du jury du 68e Festival de Cannes

Posté par vincy, le 20 janvier 2015

ethan et joen coen
Pour la première fois de l’histoire du Festival de Cannes, ce n’est pas une mais deux personnalités qui présideront son Jury. Mais elles sont indissociables. Les cinéastes, scénaristes et producteurs américains Joel et Ethan Coen ont accepté l’invitation du Président Pierre Lescure et du Délégué général Thierry Frémaux de devenir les Présidents de la 68e édition du Festival (13-24 mai 2015).

« Nous sommes très heureux de revenir à Cannes » ont déclaré Joel et Ethan Coen. « Nous sommes surtout heureux de l’opportunité qui nous est offerte de voir des films venus du monde entier. Cannes est un festival qui, dès le début de notre carrière, a toujours joué un rôle important pour nous. Et être Présidents du Jury, cette année à Cannes, est d’autant plus un honneur que nous n’avons jamais été Présidents de quoi que ce soit. D’ailleurs, à ce titre, nous ne manquerons pas de nous exprimer le moment venu ! »

120 ans après l'invention du Cinématographe Lumière par Louis et Auguste Lumière, le Festival de Cannes va saluer l’œuvre de tous les « frères du cinéma ». La Palme d'or a été décernée quatre fois à des frères: Paolo et Vittorio Taviani (en 1976), Jean-Pierre et Luc Dardenne (en 1998 et en 2005) et les Coen en 1991.

Car les Coen et Cannes, c'est une longue histoire d'amour. Arizona Junior , leur deuxième film (1987) est en sélection officielle. Suivront Barton Fink (Palme d'or, 1991), Le grand saut (1994), Fargo (Prix de la mise en scène, 1996), O’Brother, Where Art Thou (2000), The Barber : l’homme qui n’était pas là (2001), The Ladykillers (2004), No Country for Old Men (2007, Oscar du meilleur film l'année suivante) et Inside Llewyn Davis (Grand prix du jury, 2013). Par ailleurs, ils avaient également signé un segment du film Paris je t'aime.

30 ans après leur premier film, Sang pour Sang, en 1984, qui fut distingué par le Grand Prix du Festival de Sundance, ls Coen tournent actuellement Hail Caesar!, avec George Clooney, Christophe Lambert, Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Josh Brolin et Channing Tatum.

Avec les Coen, c'est la cinquième fois que la présidence du jury du Festival de Cannes est offerte à un/des réalisateurs américains depuis 2000.