Synopsis: Zan, enfant adultérin, retourne dans son village, plusieurs années après en avoir été chassé, afin de découvrir qui est son père. Son arrivée coïncide avec les brusques mouvements de Faro, l'esprit du fleuve, manifestations interprétées comme un signe de colère liée à l'arrivée du bâtard.
Notre avis: Le premier long métrage du malien Salif Traoré a les qualités de ses défauts. Film contemplatif qui prend le temps de filmer une nature imposant sa loi, cette plongée dans un village où rien ne semble changer demeure néanmoins sincère dans son approche. Coécrit avec Olivier Lorelle (scénariste d’Indigènes 2006), le scénario vise à confronter dans la constance des traditions un autre africain, venu de la ville, représentant la modernité et le monde extérieur. Malgré la rudesse des hommes du village, Zan, fils illégitime chassé jadis pour ce qu’il représente ne revient pas pour bouleverser une hiérarchie ancestrale mais plutôt pour amener une prise de conscience. Il veut influencer par son pragmatisme un village réfractaire à tout changement. Le réalisme du premier se verra opposer la dimension spirituelle d’une communauté phallocratique arc-boutée sur des rapports sociaux archaïques. Si deux Afrique se rencontrent, elles ne feront que s’observer. L’électrochoc d’une telle confrontation tombe à l’eau, le réalisateur n’arrivant pas suffisamment à bousculer une narration pourtant très thématique.
L’entrelacement entre modernité et tradition se fait dans la langueur d’un fleuve aux remous bien trop imaginaires. Filmé avec sobriété et sens du cadrage – les plans visages sont remarquables d’intensité – nous nous laissons embarquer dans un rythme peu prégnant dont le classicisme d’école n’arrive jamais à se départir d’un décor pesant, étouffant, réducteur. Rudes et serrés les silences s’accordent à la nature et se laissent guider par des lois divines qu’il ne faut pas contredire. Parfois proche du documentaire, la fiction imaginée par Traoré tarde à prendre son envol. Classique, son cinéma en deviendrait presque obsolète à trop vouloir se laisser bercer par la rive d’un fleuve capricieux. Si par moment le cinéaste esquisse une révolte (les femmes prennent un temps le pouvoir), élabore une critique sur les méfaits d’une société trop rigide instigatrice d’exclusion et de frustration, l’aspect fabuliste du réalisateur ruine les velléités politiques symbolisées par le fils Zan. Cette dichotomie entre Zan et le village dans sa constituante masculine affaiblit un film volontaire aux images parfois évocatrices.
Au final, saluons la démarche d’un metteur en scène conscient du rôle politique et social du cinéma qui, malgré son souci de vérité dans la confrontation, manque un peu d’âme et d’engagement de mise en scène.