Incroyable aventure que celle du jeune réalisateur argentin Pablo Agüero dont le premier long métrage, Salamandra, était projeté à Bourges en avant-première. C'est en effet sa rencontre avec la productrice Marianne Dumoulin (JBA Production) lors du forum des auteurs 2006 qui lui a permis de se retrouver sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs dans le cadre du festival de Cannes 2008. Marianne Dumoulin revient sur cette rencontre en forme de coup de foudre, qui a conduit à la naissance d'un film troublant et âpre que l'on rêve de voir sur les écrans français.
Comment avez-vous eu connaissance du projet de Pablo Agüero ?
C'est une aventure de production incroyable ! Isabelle Massot, la déléguée générale du Festival des Scénaristes, m’avait proposé d’être la marraine d’un auteur du forum [le forum des auteurs permet à de jeunes scénaristes de défendre un projet de long-métrage devant des professionnels]. Il y avait six scénarios et j’ai eu un coup de coeur pour celui de Pablo. Comme nous étions débordés par les activités de production, je n’avais ni l’envie, ni la disponibilité de le produire. Par contre, j’ai été tout de suite persuadée qu’on allait se l’arracher. Quand on s'est retrouvé pour se répartir les scénarios, tout le monde lui a d'ailleurs trouvé une grande force, mais c’est moi qui suis devenue sa marraine.
Comment s'est passée votre rencontre ?
Comme souvent dans le cadre du Festival, autour d’un pot... Vous savez, l’histoire du coup de foudre ? C'est ce qui s'est passé avec Pablo. On s’est retrouvé à parler toute la soirée, de cinéma, de la vie, de peinture, de romans… C'était fusionnel et on a commencé à se voir tous les jours. Puis il m’a montré son court métrage et j’ai été très franche puisque je n’avais pas l’intention de le produire. J’ai émis des critiques et Pablo a apprécié cette franchise. Ensuite, on s’est retrouvé à Bourges lors du pitch, et ça a vraiment été le pitch du ressenti. Vous savez, l’histoire de Salamandra, c’est celle de Pablo : la découverte d’un univers de renégats et d’abandon aux confins de la Patagonie, à travers le regard d’un enfant. Sa présentation n’a pas du tout été classique. La main sur le visage, il a parlé des traces que laisse ce contact, des perceptions trompeuses… Il nous a entraîné dans son milieu argentin si particulier. Bref, c'était génial, on était tous bouche ouverte.
Et vous avez finalement décidé de le produire...
Toujours à Bourges, nous étions en boîte de nuit avec Jacques Bidou et je lui ai dit "On ne peut pas laisser filer Pablo. Il faut lui proposer de produire son film." On est allé le voir et on lui a demandé (en hurlant, à cause de la musique) s'il voulait bien travailler avec nous. Il a dit oui et ensuite, ça a été très vite. Son scénario était déjà très avancé quand il l’a présenté à Bourges. Après avoir été à la résidence de la Cinéfondation, Pablo a été sélectionné à l’Atelier du Festival de Cannes. Nous étions dans une euphorie très risquée mais la chaîne de télévision Arte nous a suivis et le film s’est tourné en 2007. Nous, à JBA Production, on produit beaucoup de films et nous avons un catalogue important. Mais pour un réalisateur, le premier long métrage, c'est vital ! Nous tenions à lui donner le maximum de moyens. Il est de plus en plus difficile de produire ce genre de cinéma, pointu et abordant un sujet noir. Qui de nos jours peut prendre ce genre de risques ? Mais des fois on se dit que c'est ce qu'il faut faire, prendre des risques sur certains films.
Comment s’est passée votre collaboration ?
Pablo est une vraie révélation. C’est quelqu’un qui cherche toujours à apprendre, il nous a beaucoup surpris. Il a pris des risques, tourné avec des non-professionnels, fait des choix artistiques prononcés… Tout a été assez magique. Une vraie aventure humaine et artistique. En plus, le film a été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et désormais il fait le tour des festivals internationaux ! De cette rencontre à Bourges sont vraiment nés un grand film et un grand cinéaste.
Verra-t-on le film en France ?
Il sera d'abord diffusé sur Arte en septembre, puisqu'ils ont participé au financement. Mais on ne désespère pas de trouver un distributeur pour une vraie sortie en salles...