Sortie DVD de Triangle : rencontre avec le réalisateur Christopher Smith

Posté par kristofy, le 17 juillet 2011, dans Dinard, Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars.

Un des plus talentueux réalisateurs britanniques à avoir émergé ces dernières années est toujours méconnu en France : Christopher Smith. Si ces deux premiers films sont sortis en salles (Creep en 2004, Severance en 2006), ces deux suivants étaient restés inédits avant d’arriver directement en DVD. Une bizarrerie des distributeurs a fait découvrir son quatrième film Black Death (2010) au printemps avant la sortie de son troisième film Triangle (2009).

Le réalisateur a été plusieurs fois invité à présenter ses films au Festival du film Britannique de Dinard, où on l’avait rencontré en 2009 pour une interview après l’avant-première de Triangle :

- Je crois que l’embryon de l’idée du film Triangle est né sur une plage de Cannes, est-ce que c’était d’abord un mystérieux bateau fantôme ou une femme qui perd ses repères ?

- Christopher Smith : Ma première idée était de réfléchir à une histoire dont le tournage ne m’obligerait pas à passer des semaines sous terre comme pour Creep. C’est ce que je voulais trouver ; je pensais faire plutôt un film au bord de la mer, ça pouvait devenir très étrange un peu comme un épisode de La Quatrième Dimension. J’ai commencé à imaginer une histoire où des naufragés seraient recueillis sur un bateau sans équipage mais pas sans personne à bord… Et j’ai développé cette histoire très particulière avec cette femme qui fait avancer l’histoire en même temps que l’histoire nous dévoile plus ce personnage, et c’est devenu Triangle. Au fur et à mesure que j’approfondissais mon histoire le scénario devenait comme un labyrinthe avec différentes boucles narratives. Mes différents idées sont devenues vite très intéressantes, et en fait ça m’a pris presque deux ans à finaliser le script et à concevoir comment je pourrais organiser le tournage. A la base je m’étais lancé à écrire pour avoir le plaisir de tourner sur la mer et c’est devenu un thriller très complexe. Pour l’instant je pense que c’est mon meilleur film, et en tout cas c’est celui qui a été le plus difficile à concevoir.

- EN : Comment s’assurer que les spectateurs ne soient pas perdus dans le film ?

- CS : Sur le tournage, comme bien souvent, on n’a pas filmé les scènes dans l’ordre chronologique, et d’ailleurs le déroulé de l’histoire joue d’ailleurs avec la chronologie des évènements. C’était vraiment difficile à tourner, et je devais être très précis avec l’actrice. Elle devait jouer son personnage qui courre en ayant l’air anxieuse, ou anxieuse et effrayée, ou effrayée et folle selon que la boucle de l’histoire, et recommencer avec des variations pour un autre angle. A cause de la nature si particulière de du scénario c’était dur de trouver où se raccrocher pour l’actrice. Je pense vraiment que Melissa George est extraordinaire dans le film, sa façon d’interpréter ce personnage en réussissant à jouer les mêmes choses avec différents degrés d’intensité selon l’évolution de l’intrigue compte beaucoup pour certains rebondissements. L’histoire joue à désorienter le spectateur tout en lui permettant de faire son chemin. Mon travail au moment du montage était de m’assurer que le public soit exactement avec moi, ou devant moi, ou derrière moi. Alors à certains moments du film vous êtes derrière l’actrice à vous interroger sur pourquoi elle agit comme ça, et puis un peu plus tard vous trouvez la réponse. Parfois vous allez savoir pourquoi elle va faire ceci avant qu’elle ne le fasse. C’est un des plaisirs du film que de réussir à provoquer chez le spectateur une sensation de déjà-vu et aussi ce sentiment de malaise.

-  EN : Quelle est la signification de ce titre Triangle ?

-  CS : Le titre vient du fait qu’à l’origine je pensais que j’allais faire un film du genre le triangle des Bermudes. Si vous allez en mer et que vous vous retrouvez coincé dans une dimension temporelle différente et que là vous expérimentez une autre durée de temps qui passe et que ça se complique encore… Mais ce film n’a absolument rien à voir avec le triangle des Bermudes, qui a d’ailleurs sans doute inspiré certaines histoires plus ou moins bizarres, mais un peu de cette mythologie se retrouve dans le titre. J’aime ce mot Triangle car il peut suggérer bien des choses sans vraiment en désigner, c’est aussi bien le nom d’un bateau qu’une figure géométrique à trois côtés. J’ai voulu ce titre car il correspond à trois façons possibles de suivre l’histoire. Il y a tellement de versions possibles parce qu’il y a dans le film beaucoup de questions et beaucoup de réponses. Quand on entend le mot triangle on pense immédiatement à une sorte de mystère.

-EN : Par rapport à vos films précédents Creep et Severance on trouve dans Triangle moins de violence brutale et pourtant on est plus tendus, est-ce que moins de sang signifie plus de peur ?

-CS : Oui je le pense, c’est bizarre n’est ce pas ? Ici c’est bien le cas. Je pense que Triangle est bien plus psychologique que ce que j’ai fait avant, bien qu’il y ait quand même plusieurs flashs de violence. Je me souviens du tournage de la séquence où l’héroïne entre dans la salle de bain, je voulais y glisser un petit hommage au film Suspiria de Dario Argento, tout est réglé comme un ballet et je voulais y voir du sang, mais il n’y avait aucune raison d’en voir trop car c’est un autre genre de film. Si tout d’un coup j’avais donné au public beaucoup de sang je pense que cela aurait plutôt été une distraction qui nous éloignerait alors de la dimension psychologique des évènements qui se produisent. Ce qui est intéressant avec cette histoire de Triangle c’est que les personnages traversent comme une spirale psychologique dramatique, l’angoisse est d’un autre niveau. J’aime beaucoup les films gores mais je ne veux pas délibérément rendre mes films sanglants, et en tout cas pas de la manière dont d’autres le font. Pour Creep il y avait un équilibre très subtil, dans Severance il y a de l’humour avec, et Triangle est vraiment très différent. Je n’ai pas décidé consciemment qu’il y aurait moins d’effets de violence avec du sang et que ça devait quand même faire plus peur. Souvent quand c’est très sanglant ça fait très peur, mais aussi parfois c’est peu sanglant et ça fait encore bien plus peur. En fait j’ai utilisé d’autres moyens de mise en scène pour faire naître la peur, en fait ici plutôt l’angoisse chez le spectateur. Et comme il y a beaucoup de rebondissements cette angoisse monte de plus en plus. Avec Triangle j’ai réussi, je crois, à créer un état de tension permanente.

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Le film Triangle (et différents bonus comme un making-of, des interviews de l’équipe, des scènes coupées…) est disponible en dvd et blu-ray, édité par CTV.

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