La filiale cinéma de TF1 condamnée à verser 32 millions d’euros pour ne pas avoir distribué le dernier Spike Lee

Posté par vincy, le 6 juillet 2011

Selon l'AFP, TF1 Droits audiovisuels a été condamnée par le Tribunal de Grande Instance de Paris pour ne pas avoir respecté ses engagements contractuels visant à commercialiser Miracle à Santa-Anna, de Spike Lee, selon le jugement consulté mercredi par l'agence de presse. La société française, filiale de TF1, est lourdement condamnée à payer près de 32 millions d'euros. TF1 DA envisage de faire appel, "tant en raison des fondements de cette décision que du niveau des dommages et intérêts alloués". La société trouve le montant disproportionné par rapport aux recettes nord-américaines du film.

Un flop coûteux

Miracle à Santa Anna est sorti en septembre 2008 aux USA, juste après son avant-première mondiale au Festival de Toronto. Le film a été distribué en Italie mais il est sorti directement en DVD dans plusieurs pays. Car ce fut un fiasco. Le budget conséquent de 45 millions de $ n'a jamais été remboursé avec les recettes en salles : 8 millions de $ aux USA, à peine 1,5 millions de $ dans le monde. Ce film, adaptation du livre éponyme de James McBride, au casting pourtant bien étoilé (Derek Luke, John Turturro, Joseph Gordon-Levitt, James Gandolfini et Karry Washington) souffrait d'une durée anormalement longue (2h46). Spike Lee n'a tourné aucun long métrage depuis. Il avait bénéficié de ces énormes moyens grâce au succès d'Inside Man, sorti en 2006.

Selon lui, le coupable de cet échec est tout trouvé : TF1 DA (coactionnaire de TF1 International, avec UGC Distribution) avait le droit exclusif d'exploiter et de distribuer le film dans le monde entier, à l'exception de l'Amérique du Nord et de l'Italie. Dans un mémo contractuel, la société productrice On My Own devait recevoir une avance de 11 millions de $ en contrepartie.

Historique de l'affaire

Là commence un imbroglio juridique : TF1 International, dont les finances souffrent à cette époque, suspend l'exploitation et la distribution sous prétexte que la version finale n'est pas conforme à ce qui a été promis : On My Own réclame les 11 millions de $ ; TF1 International va en justice pour résilier le contrat et demande des indemnités pour le préjudice ; Spike Lee et la société de production décident d'assigner TF1 D.A. début 2009.

Un an et demi plus tard, la justice est lente parfois, la 3e chambre civile du TGI de Paris leur donne raison : "Aucun manquement contractuel ne peut être invoqué à l'encontre de la société On my Own et la société TF1 International ne pouvait valablement refuser la livraison du film". TF1 International "a manqué à ses obligations contractuelles" et résilié le "deal memo" à "ses torts exclusifs". Un expert cité dans le jugement a souligné les conséquences catastrophiques pour le film, qui n'avait ainsi aucune valeur commerciale, et pour le producteur, désormais précédé d'une réputation négative. On My Own, société italienne, n'a rien produit depuis ce film.

La note est salée :

- 20 millions d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier

- 2,7 millions d'euros pour préjudice moral, dont un million d'euros à On My Own et un million et demi d'euros à Spike Lee, et 200.000 euros à James McBride.

- 9 millions d'euros (soit l'avance promise, certains frais) à BNP Paribas

- et une publication de sa condamnation dans la presse.

TF1 Droits Audiovisuels a réalisé un chiffre d'affaires de 49,4 millions d'euros en 2010 (75 millions d'euros en 2009) mais a réussi à être bénéficiaire (603 000 euros) après un exercice 2009 fortement déficitaire (- 8,2 millions d'euros).

La Rochelle 2011 : petit guide du cinéma de Buster Keaton

Posté par Benjamin, le 6 juillet 2011

la rochelleCette année le Festival international du film de La Rochelle rend hommage au grand Buster Keaton à travers une rétrospective de son œuvre. 15 courts métrages et 13 longs choisis dans sa riche filmographie. De quoi découvrir le talent unique de l’artiste et se délecter de ses multiples prouesses physiques !

Ecran Noir, qui n’oublie jamais de défendre le patrimoine cinématographique, va vous présenter un petit panel de films qu’il ne faut absolument pas manquer. Des Buster cultes ! Des Keaton de génie qui vous rappelleront que le cinéma actuel n’a pas toujours la même superbe que celui des années 20.

L’homme face à la machine

Les deux premiers films que nous vous présentons sont certainement les plus connus de l’artiste : Le mécano de la General et La croisière du Navigator. Ce sont deux des plus gros succès de Buster Keaton au box-office de l’époque et deux films qui se rejoignent sur de nombreux points. Ces deux longs métrages permettent à Keaton d’explorer l’un de ses thèmes favoris : l’homme face à la machine (une locomotive pour l’un et un paquebot à l’abandon pour l’autre), mais un homme seul ! Buster Keaton y fait contraster la petitesse de sa figure face à la taille monstrueuse de ces machines qu’il doit maîtriser. Il court alors de chaque côté de la machine, tente de la faire fonctionner, se plie à ses mécanismes complexes... Il doit adapter son corps au gabarit d’un paquebot ! Il calque alors ses mouvements sur celui de la machine et ses actions, ses actes, deviennent presque robotiques. Il agit par pur mécanisme, par automatisme.

Dans ces deux films, on apprécie les trouvailles de Keaton acteur qui, étant presque seul dans un décor immense, doit se creuser les méninges pour trouver des gags et ne pas laisser un moment de répit au spectateur. Dans Le mécano de la General, il utilise comme fil conducteur un simple aller-retour. Dans la première partie du film, il poursuit des soldats nordistes jusque dans leur territoire, et dans la seconde partie, il est à son tour poursuivi. Les gags utilisés dans la première partie trouvent alors leur parfait répondant dans la seconde. Du génie pur !

Mais, il y a aussi de réelles trouvailles concernant la mise en scène. Le cadre est restreint car il ne peut quitter l’espace offert par les deux machines. Keaton est donc contraint de s’adapter et de ruser. Il opte alors pour de longs travellings en plan d’ensemble qui permettent de capter toute l’action de façon fluide. Il a toujours fait attention, durant sa carrière, à garantir la continuité de l’action pour prouver au spectateur qu’il n’y a aucune « tromperie » de sa part.

Ne passez surtout pas à côté de ces deux merveilles qui ont été certainement les films les plus « monumentaux » de Buster Keaton.

Buster seul contre tous

Une autre des particularités de Buster est la course à pied. Oui, car il ne faut jamais oublier que Buster est l’artiste burlesque le plus physique du cinéma muet. Harold Lloyd et Chaplin ne l’égalent certainement pas sur ce terrain. Buster Keaton, lui, a souvent risqué sa vie pour la simple « beauté du geste ». Et avec ses fameux plans d’ensemble et plans larges, il offre une parfaite visibilité de son corps en pleine action. C’est ainsi que dans des films tels que Les fiancées en folie et le court métrage Malec l’insaisissable, il fait la démonstration de ses talents d’athlète. Deux films particulièrement savoureux !

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Léa de Bruno Rolland : si chères études

Posté par Sarah, le 6 juillet 2011

« -Bah une fois que tu es à poil, il ne reste plus grand-chose à faire... tu danses, quoi. »

L'histoire : Léa vit au Havre, va à la fac, s’occupe seule de sa grand-mère et, pour boucler les fins de mois, travaille comme serveuse dans une boîte de nuit. Mais Léa rêve d’une autre vie. Son admission à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris va précipiter ses décisions, mais cela coûte cher. Elle décide alors de devenir strip-teaseuse. Le jour, elle apprend à Sciences Po les « vertus de l’économie libérale ». La nuit, dans une boite de strip-tease Parisienne « chic », elle les pratique.

Notre avis : Léa (Anne Azoulay) est une étudiante pas comme les autres. Elle vit au Havre chez sa grand-mère et après avoir interrompu ses études pendant un temps - on ne saura pas pourquoi - elle décide de postuler à Sciences po Paris. Le soir, elle travaille dans un bar pour payer ses études. On ne lui connait pas de mère et le père est une figure aussi éloignée qu'imprégnée d'une aura quasi biblique. Lorsque Léa décroche une place dans l'école parisienne, elle place sa grand-mère dans une maison de retraite et se trouve un nouveau boulot d'étudiante.

Pour son premier long-métrage, Bruno Rolland, qui a co-écrit le scénario avec Anne Azoulay (Tout le plaisir est pour moi), aborde les thématiques de la solitude, la précarité et celle de la condition des femmes d'aujourd'hui. On voit Léa déjà broyée par la vie, qui tente vainement de recoller les morceaux. Elle est tour à tour froide, distante, chaude et entreprenante. En effet, à Paris elle devient strip-teaseuse. L'image de l'étudiante qui donne de son corps pour payer ses études reste peu abordé par le cinéma, même si le sujet revient régulièrement dans l'actualité, ce qui a le mérite d'être signalé. Le film joue sur la césure entre la vie de Léa en tant qu'étudiante, et celle qu'elle mène le soir. Les petites tenues, voire la nudité, s'opposent aux cols roulés, jeans et baskets qu'elle porte en journée. Mais tout son univers paraît vide, glacé, comme figé dans un temps passé qui ne s'est jamais développé.

La nudité est abordée de façon frontale dans le film. Tout d'abord avec les séquences de spectacles dans les clubs. Mais aussi dans les scènes d'amour entre Léa et un barman parisien. Dans les deux cas de figure, on ne voit qu'une seule chose : une jeune femme qui tente par tous les moyens de se protéger des autres, même si elle est nue. La fracture entre sa génération et celle de sa grand-mère, qui tente d'empêcher sa petite-fille de faire des études jugeant que ce n'est pas là la place d'une jeune femme, est très bien illustrée. Par ailleurs, on sent toute la tendresse, presque maternelle, mais aussi parfois l'exaspération, que la petite-fille porte à sa grand-mère. Le film est très aride, tant dans sa forme que dans son propos, et gagnerait à donner plus de clefs de compréhension sur le personnage principal.