Comme chaque année, le festival Lumière atteint son sommet lors de la remise du Prix Lumière, qui se déroule à l'Amphithéâtre du Centre des Congrès. Cette année, le prix est décerné à Pedro Almodovar, aussi logique qu'évident. Véritable défilé de personnalités du 7e Art sont de plus en plus nombreuses d'édition en édition. Beaucoup de figures du cinéma français sont là (Juliette Binoche, Jean-Pierre Marielle, Gilbert Melki, Tahar Rahim, Guillaume Gallienne, Brigitte Fossey, Bérénice Béjo etc.) ainsi que plusieurs personnalités étrangères telles que Keanu Reeves et Christopher Kenneally, Franco Nero (le Django originel), Michael Cimino, Valeria Golino, Isabella Rossellini, John McTiernan (arrivé à Lyon aujourd'hui pour une visite surprise) ainsi que Xavier Dolan et le grand Paolo Sorrentino qui filmeront tous deux un "remake" de la sortie des usines des frères Lumière rue du Premier Film.
Almodovar et la musique
Connaissant l'importance de la musique dans les films d'Almodovar, l'hommage a grandement été chanté ce soir. Que ce soit par Agnès Jaoui ("grâce à toi ou à cause de toi, je ne m'arrête pas de chanter en espagnol car j'aime à me prendre pour une héroïne de tes films") qui a repris Piensa en mi. Puis Camelia Jordana, avec une maîtrise de voix impeccable, a admirablement interprété C'est irréparable de Nino Ferrer puis Cucurucucu paloma de Caetano Veloso, chanson que l'on retrouve dans Parle avec elle. Et pour clore l'épisode musical était invité Miguel Poveda, très grand interprète espagnol, qui a entonné A ciegas, chanson du film Les étreintes brisées, puis deux morceaux de flamenco. La soirée s'est même finie en karaoké géant sur Resistiré!
Hommages multiples
Elena, Marisa, Rossi, trois de ses muses féminines étaient présentes ce soir pour lui rendre un bel hommage. Elena Anaya a pris le micro en premier et a ainsi déclamé, en français s'il-vous-plait: "Mon Pedro chéri, voici ma déclaration d'amour. Je te le dis en français, c'est plus romantique. Je t'aime! (…) Merci de me laisser faire partie de ta vie et de vous faire rêver grâce à ton cinéma." Rossy de Palma n'a rien préparé pour son "Pedrito" mais comme elle le dit elle-même, ce n'est pas grave car elle a plein d'anecdotes à raconter et en effet c'est ce qu'elle a fait! Quant à Marisa Paredes de conclure par cette phrase: "Son aventure fait partie de mon aventure et j'ai envie de continuer à avoir des aventures avec toi!".
Agustin Almodovar a également pris la parole pour parler de ce cinéaste exceptionnel qu'est son frère et proclamer en public haut et fort: "Viva Pedro y viva el Cine!!!"
Des messages vidéos de certains absents ont ajouté leur pierres aux discours comme ce fut le cas de Javier Camara (depuis Amsterdam), Antonio Banderas et Penelope Cruz.
Puis Xavier Dolan, Tahar Rahim et Guillaume Gallienne (avec son timbre de voix sublime et si particulier, parfait pour "lire" une histoire) ont lu tour à tour un texte publié dans plusieurs journaux que Pedro Almodovar avait rédigé à la mort de sa mère, "Le rêve de ma mère".
Le Prix Lumière comme un Prix Nobel
Cette année, c'est des mains de Juliette Binoche que Pedro Almodovar recevra son Prix. On peut se questionner quant à ce choix sachant qu'habituellement il y a un lien plus que direct entre le lauréat et la personne qui lui remet le prix (Fanny Ardant pour Gérard Depardieu, Éric Cantona pour Ken Loach et Uma Thurman pour Quentin Tarantino)… mais pas cette fois. "De la vie, de la vie, de la vie… jusqu'à la mort, voilà ce que tu cries dans tes films. (…) Au nom de tous, MERCI!!!"
Puis c'est au tour de Bertrand Tavernier, qui s'est de nouveau paré de son inséparable écharpe, de dire quelques mots au grand maître du cinéma espagnol. Hommage sublime et émouvant, véritable déclaration d'amour qui ne laissera pas Almodovar de marbre. "Pedro, tu as été la fortune de beaucoup de coeurs."
Et c'est finalement au tour du héros du jour de prendre la parole, commençant par dire que cette soirée a été "une vraie montagne russe". Beaucoup d'émotions l'ont submergé. Il remercie tout le monde en essayant de n'oublier personne, ceux qui ont rendu cette soirée si belle pour lui, ceux qui ont permis ce festival et les spectateurs qui remplissent les salles obscures. Avant de venir il avait demandé à Thierry Frémaux quel type de discours on s'attendait qu'il fasse pour le Prix Lumière. Ce dernier lui a répondu, le plus sérieusement du monde, "fais comme si c'était un Nobel!" Et de conclure avec ces mots: "Thierry, ça c'est MA Palme d'or…"
Almodovar ça pétille, ça explose, ça se chante, ça se danse, ça se boit, ça s'écoute beaucoup, ça se regarde aussi. Bref, Almodovar nous remue l'intérieur, interpelle tous nos sens et ne laisse certainement pas indifférent! Chapeau bas señor Pedro, ton cinéma, c'est certain, a déjà laissé son empreinte dans le monde infini du 7e Art.