Cinespana 2015 : Tout sur Marisa Paredes
Pour souffler sa 20e bougie, le festival Cinespana avait une invitée de choix, la comédienne Marisa Paredes, qui était présente à Toulouse pour la deuxième fois de sa carrière. Souriante, disponible et d'une grande simplicité, l'actrice fétiche de Pedro Almodovar a d'abord rencontré la presse lors d'une conférence décontractée avant de proposer une masterclass pleine d'émotion devant une salle comble. Florilège de ses propos.
Cinespana
Pour moi c'est le festival le plus chaleureux, surtout parce que c'est dédié au cinéma espagnol. Je crois qu'il y a peu d'argent mais que, par contre, il y a beaucoup d'âme. J'étais venue en 2007 et j'avais toujours eu envie de revenir. Toulouse, c'est pour nous les Espagnols un endroit qui est très important par rapport à tous les réfugiés qu'il y a pu avoir par le passé, tous les gens qui ont été accueillis si chaleureusement, pas comme maintenant où les réfugiés fuient et ne savent pas trop comment s'en sortir.
Film préféré
J'ai des scènes ou des moments préférés de différents films. Jamais un seul. Dans tous, je trouve qu'il y a quelque chose qui aurait pu être meilleur, qui aurait pu s'affiner. Je suis très critique dans mon travail. Et puis choisir, c'est comme répondre à la question "qui tu préfères, ton papa ou ta maman ?". Du point de vue de l'acteur, chaque film est la conséquence du précédent.
Personnages
Je crois que tous les personnages nous laissent quelque chose à l'intérieur. On l'oublie mais on le voit à l'écran ! Des choses bonnes, des choses mauvaises, et c'est un peu dans l'introspection, dans la recherche de ces personnages qu'on découvre des choses sur soi-même qui étaient cachées.
Beaucoup de personnages m'ont marqué. Certains sont plus connus que d'autres par le public. Evidemment, Talons aiguilles a été mon lancement au niveau mondial. La fleur de mon secret, qui va passer ce soir, n'est peut-être pas le plus connu du public mais c'est un de ceux qui m'a le plus marqué. Et il y en a d'autres, bien sûr.
Je ne sais pas pourquoi on me confie toujours des rôles de dure à cuire. Peut-être que je donne cette image... Le public comme les réalisateurs ont une vision des acteurs et des actrices qu'il est difficile de casser. Par exemple le dernier film de Cristina Comencini dans lequel j'ai joué, c'est une comédie, donc je n'ai pas vraiment le rôle d'une ingénue, mais pour le moins c'est un changement.
Je ne veux pas savoir si j'ai des limites et je ne le sais pas. Je crois que si on se met des limites, on ne peut pas passer au-delà. Moi je suis contre les limites.
Le cinéma et son évolution
Le cinéma est le reflet de la société et la société de maintenant n'est pas la même que lorsque j'ai commencé ma carrière il y a 50 ans. Je dis toujours que Pedro Almodovar n'aurait pas pu exister dans la dictature. Moi j'ai commencé mon travail avant, mais c'est avec lui que j'ai commencé à être connue.
Aujourd'hui, le cinéma se fait d'une manière plus libre, avec moins d'argent, mais aussi avec moins de limites. J'ai lu une interview de Dustin Hoffman dans laquelle il dit que le cinéma n'est déjà plus ce qu'il était avant. Il disait ça avec une sorte de reproche et d'amertume. Je ne suis pas Dustin Hoffman, mais je n'ai pas cette nostalgie. Je crois que la société évolue, que les choses évoluent avec des bons et des mauvais moments, et qu'il faut continuer à vivre sans nostalgie.
Le cinéma espagnol n'a jamais eu d'époque dorée. Il y a eu des personnalités fortes mais jamais de moments de gloire. On peut parler de Saura, bien sûr et c'est le roi de tous, de Bunuel... Ce qui est important, ce sont les moments sociaux que traversent les pays. C'est ce que reflète le cinéma.
Le théâtre
Pour moi, le théâtre, c'est la base de l'art. J'ai commencé comme ça ! C'est quelque chose que je n'oublie jamais car ça fait partie de mon âme. L'année passée, j'ai joué au théâtre dans la pièce The Crippled of Inishman. Mais le théâtre c'est tellement fatigant... Surtout la tournée ! J'aime beaucoup le théâtre, je le garde comme une sorte de sanctuaire doré, mais je n'en fais que de temps en temps car c'est trop fatigant.
Madame la Présidente
Quand j'étais présidente de l'Académie du cinéma espagnol [entre 1999 et 2002], le moment dont je suis la plus fière, c'est à la fin du gala, quand tout le monde est venu avec un panneau pour dire "non à la guerre". Ca a été comme une explosion ! Comme si on avait oublié qu'on était en démocratie et qu'on pouvait dire non à la guerre. Bon, après, il y en a qui auraient voulu me couper la tête. C'est après ça que je me suis sentie fière d'être présidente de l'académie. Le parti populaire a puni le cinéma après. Pas seulement le cinéma, d'ailleurs, mais toute la culture. Nous étions l'ennemi. Ils auraient voulu que la culture disparaisse, cela ne les intéressait pas.
Pedro Almodovar
La movida, c'était pour les rebelles ! Comme une tribu dont les membres se reconnaissent entre eux. Mais une tribu spéciale, car on était tous singuliers. On avait envie de s'amuser, d'écrire... Pedro [Almodovar] était l'un de ces rebelles. On était de la même génération, on avait la même énergie. Il était très amusant.
On se passait ses films en super 8, entre amis.On voyait déjà à quel point son cinéma pouvait être irrévérenscieux, fou, profane, baroque... Comme le super 8 n'avait pas de son, il faisait lui-même la voix des personnages, et il était très drôle !
Avec Pedro, soit tu vas jusqu'au bout, soit ça ne fonctionne pas. Et quand on rentre dans son travail, c'est très attractif.
Au début, avec lui, tout était plus festif. Mais plus il devenait important, plus il a dû envisager son travail avec exigence. Il étend cette exigence aux acteurs car c'est aux personnages qu'il accorde le plus d'importance. Travailler avec lui, c'est rencontrer les émotions les plus fortes, douloureuses ou très douloureuses, amusantes ou très amusantes. C'est comme s'il te déshabillait complètement pour que tu ailles vers lui totalement dénudée. Plus ou moins...
Pedro n'aime pas l'improvisation car pour lui ce qu'il veut de ses personnages est très clair. Parfois, mais très rarement, il te laisse jouer autre chose...
Pour lui, les femmes sont plus riches, plus complexes. Elles osent montrer leurs sentiments d'une manière plus claire. Pour Pedro, les hommes ne donnent pas autant de couleurs à son monde. Son monde est plutôt féminin.
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«Marisa Paredes Crown Plaza-0057 05» par Pablo Tupin-Noriega — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons.
Autres photos : MpM
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