Ta mort en shorts : six courts métrages pour apprivoiser la grande faucheuse

Posté par MpM, le 31 octobre 2018, dans Courts métrages, Critiques, Films.

En partenariat avec l'agence du court métrage et le magazine Bref, le studio Folimage a réuni six courts métrages d'animation autour du thème commun de la mort, pour un programme à destination des pré-ados (à partir de 11 ans) permettant d'aborder les questions liées au décès et au deuil. Pour ce voyage pas tout à fait comme les autres, ce sont des films aux univers et aux techniques variées qui nous proposent de faire le grand saut tantôt avec humour, tantôt avec poésie.

Pour ouvrir le programme, il fallait une oeuvre attachante et profonde qui oscille entre gravité et légèreté. Effet réussi avec Pépé le morse de Lucrèce Andreae (César du meilleur court métrage d'animation en 2018),  dans lequel une famille en deuil effectue un drôle de pèlerinage sur la plage.  Entre ironie et émotion, dérision et mélancolie, le film parle de la façon dont chacun surmonte le sentiment de perte. L'incursion du fantastique ajoute une note douce-amère magistrale qui permet aux personnages, comme aux spectateurs, de laisser s'exprimer leurs émotions.

Mon papi s'est caché de Anne Huynh (inédit) est dans un registre plus attendu, celle de la relation complice entre un enfant et son grand-père. Plusieurs scènes montrent la complicité joyeuse qui les unit, et notamment des jeux de cache-cache prémonitoires. En voix-off, le vieil homme évoque sa mort prochaine, et demande au petit garçon de prendre le relais pour s'occuper du jardin. L'esthétique (le film est réalisé à la craie grasse) évoque la peinture impressionniste, faisant la part belle aux sensations et aux émotions enfouies.

On arrive alors dans le passage le plus sombre du programme, avec un mélodrame assumé, l'adaptation du célèbre conte d'Andersen, La petite marchande d’allumettes, par Anne Baillod et Jean Faravel. La petite héroïne évolue dans des teintes grises et tristes, au milieu de panneaux publicitaires faussement joyeux qui s'animent mécaniquement et sans chaleur. Les seuls moments heureux sont ceux des visions du passé, permises par chaque précieuse allumette. La mort attendue de la fillette devient métaphoriquement une séquence de retrouvailles avec sa grand-mère bien-aimée qui vient la chercher depuis l'au-delà, et lui permet de quitter sans regret un monde où rien ne la retient.

Pour contrebalancer la profonde tristesse qui se dégage de ce film, on enchaîne très vite avec un autre qui en prend le contre-pied, Chronique de la poisse d'Osman Cerfon, ou l'histoire d'un homme poisson qui porte malheur, et provoque des catastrophes mortelles, mais souvent grotesques, en chaîne. Ces morts volontairement ridicules et anecdotiques suscitent chez le spectateur plus de moquerie que de compassion, mais peuvent aussi laisser relativement indifférent. C'est le problème de l'humour noir : lorsqu'il n'est pas assez savamment dosé, il finit par tourner court.

Mamie de Janice Nadeau nous ramène du côté de l'émotion, avec le récit intime, à la première personne, d'une jeune femme qui se souvient de sa grand-mère, et du manque absolu de complicité entre elles. On comprend au fil du récit que c'est la mort de son mari qui a laissé la vieille dame désespérée, incapable de toute chaleur humaine. La simplicité du trait et de l'animation traditionnelle renforcent la délicatesse d'un récit qui demeure ténu, mais sensible.

Enfin, Ta mort en shorts s'achève sur une oeuvre ultra-colorée et pop, Los dias de los muertos de Pauline Pinson, une version courte et légère de Coco. Le jour de la fête des morts, dans un petit village mexicain, les défunts reviennent d'outre-tombe pour visiter les vivants. Pour son premier "retour" depuis sa mort, une mauvaise surprise attend Gonzalo : alors qu'il s'attend à un véritable festin, sa femme le met au régime. Un film qui dédramatise la mort en permettant aux vivants de renouer avec leurs chers disparus, et qui célèbre les plaisirs bien terrestres de la nourriture. Soit l'épilogue parfait pour cette tentative d'apprivoiser la grande faucheuse et, à défaut, de s'en moquer suffisamment pour la rendre tout à coup beaucoup moins effrayante.

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Ta mort en shorts
En salles à partir du 31 octobre

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