Posté par MpM, le 13 octobre 2008
Dans une compétition mêlant réalisateurs confirmés (Mario Camus, Ventura Pons, Pere Portabella…) et nouveaux venus (Jaime Marquès, Xavi Puebla), mais aussi thématiques sociales universelles (mondialisation, paupérisation, nationalisme…) et sujets plus intimes (la solitude, l’inconstance, la survie…), c’est assez logiquement le long métrage le plus brûlant, abordant la lutte armée de l’ETA dans le pays basque espagnol, qui a remporté la Violette d’or, récompense suprême de Cinespana. Todos estamos invitados du cinéaste internationalement reconnu Manuel Gutierrez Aragon (Demonios en el jardin, Maravillas…) réalise même le doublé en recevant par ailleurs le prix d’interprétation masculine pour le jeune Oscar Jaenada. Le reste du palmarès distingue Oviedo Express de Gonzalo Suarez (meilleur musique et meilleure photo), Siete mesas de billar frances de Gracia Querejeta (prix d’interprétation féminine pour Blanca Portillo) et le dernier opus de Ventura Pons, Barcelona (un mapa), prix du scénario assez mérité, tandis que le prix du public va à Bajo las estrellas de Felix Vizcarret, présenté en section Panorama.
Un cran au-dessus de la concurrence (seul Mario Camus et son El prado de las estrellas avaient réellement de quoi rivaliser avec le savoir-faire de Gutierrez), Todos estamos invitatos suit le destin de Xabier, professeur d’université qui a le tort de se prononcer publiquement contre l’organisation nationaliste Euskadi ta Askatasuna. D’abord menacé par celui qu’il considérait comme un ami, il fait alors l’expérience de la peur diffuse et continue qui s’insinue dans chaque morceau de l’être, jusqu’à ne plus lui laisser le moindre repos. Un peu à l'image de Gomorra de Matteo Garrone, Todos estamos invitados évite au maximum les ressorts du thriller traditionnel (suspense, action, grand spectacle) et se concentre sur les méthodes utilisées par l’ETA pour neutraliser par la terreur tous ceux qui voudraient s’opposer à elle mais également sur l’impuissance des forces de l’ordre à faire face à une telle situation. Sur le fond, on respecte sa démarche et son point de vue, quitte à passer sur l’absence de contrepoint ou même d’explication politique. Par contre, sur la forme, impossible de nier que cette succession de scènes extrêmement courtes et parfois peu signifiantes peine à passionner le spectateur, qui a par moments l’impression d’assister à une démonstration parcellaire. Pour Cinespana, toutefois, c'est l'occasion de distinguer une oeuvre engagée et courageuse parfaitement en prise avec la réalité contemporaine et de saluer la capacité de certains cinéastes espagnols à s'interroger frontalement sur ce qui ne va pas dans leur pays.
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Posté par MpM, le 8 octobre 2008
Pour cette première prise de pouls de la production espagnole des dix-huit derniers mois, la curiosité est au rendez-vous. Que devient le cinéma de l’autre côté des Pyrénées ? A en juger par les trois films en compétition du jour, il n’a rien perdu de sa diversité ni de son désir d’expérimentation. Par contre, s’il est toujours ancré dans l’Histoire du pays, principalement au travers de références à la guerre civile, il semble également résolument tourné vers l’universel, avec des intrigues facilement transposables n’importe où.
Le plus évident, c’est Ladrones (Voleurs), premier long métrage du scénariste Jaime Marqués, qui suit la déchéance d’un jeune pickpocket à la recherche de sa mère. Le réalisateur lui-même l’avoue : le film n’a rien de spécifiquement espagnol, et ce cadre urbain plein de recoins, de parkings et de stations de métro pourrait se situer dans pas mal de grandes villes occidentales. Quant à son personnage, un adolescent paumé et désespérément à la recherche de quelqu’un qui l’aime, il est plus représentatif de son époque que d’une quelconque identité nationale. Côté réalisation, Marqués lorgne tantôt vers le teen movie à l’américaine (avec love story et séance shopping), tantôt vers la pure tragédie méditerranéenne, à mi-chemin entre classicisme et maniérisme (le prologue et l’épilogue du film, en teintes bleutées et avec effets de ralentis…)
Dans un genre totalement différent, le très attendu Silence avant Bach (photo) de Pere Portabella se moque forcément des frontières et des références nationales puisqu’à partir de l’exemple de Bach, il propose une réflexion sur l’importance de la musique dans nos sociétés. On y perçoit la discipline absolue nécessaire à l’exercice d’un instrument, mais également (quoique fugacement, hélas) le pouvoir que peuvent avoir chants et mélodies sur l’esprit et le corps. Le film, d’un abord peu facile, mêle reconstitutions historiques, performances musicales et bribes de vérités historiques sans réellement suivre d’intrigue ou de ligne directrice. Comme une rêverie autour de l’œuvre de Bach à laquelle il ne serait pas donné à tout le monde de participer.
Enfin, il y a de quoi rester perplexe devant le dernier film de Ventura Pons, Barcelona (un mapa), qui s’ancre indéniablement dans la capitale catalane (au travers notamment d’images d’archives rappelant l’hispanisation forcée de la région) mais se déroule presqu’exclusivement dans le huis clos d’un appartement impersonnel. Cet essai mi-dramatique, mi-cynique sur la solitude urbaine et l’abjection humaine a quelque chose d’une mauvaise pièce de boulevard artificiellement entrecoupée de flashbacks sous acide. La thématique, là encore, est tristement universelle… et confirme la variété du cinéma espagnol, extrêmement ouvert sur le monde, avide de renouvellement et peu enclin à se laisser topographier a priori.
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