Pedro Almodóvar retrouve Penelope Cruz pour son prochain film, Madres paralelas, qu'il annonce comme un drame sur la maternité. Ce sera leur huitième collaboration si on prend en compte le caméo de l'actrice dans Les amants passagers et le court-métrage La Conseillère anthropophage.
Le tournage débutera en février pour une sortie en Espagne fin 2021. Autant dire que le film ne sera pas à Cannes l'année prochaine et visera plutôt Venise.
Son frère, Agustin, producteur de ses films, a expliqué à Variety que le cinéaste avait cette histoire en tête depuis longtemps mais que le confinement lui avait permis de finir le scénario. Il raconte en parallèle la vie de deux femmes madrilènes qui accouchent le même jour durant leurs deux premières années de maternité.
Le dernier film de Pedro Almodovar, Douleur et Gloire, a été en compétition à Cannes (avec un prix d'interprétation pour Antonio Banderas) et nommé aux Oscars. Il a remporté 7 Goyas, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur (son 3e dans cette catégorie). Selon Variety le film est sorti dans 64 pays et a cumulé 37M$ au box office international, le rentabilisant largement.
D'ici là, dans deux semaines, avec trois mois de retard du au confinement, Almodovar tournera le court métrage La voix humaine, d'après la pièce de Jean Cocteau, avec Tilda Swinton. Ce sera sa première œuvre entièrement en anglais. Le cinéaste reporte du même coup le tournage de l'adaptation de A Manual for Cleaning Woman (Manuel à l'usage des femmes de ménage), un recueil de nouvelles de Lucia Berlin, qui devait être son premier film en langue anglaise. Mais, selon son frère, le scénario n'est pas encore aboutit (lire notre actualité sur ces deux projets).
Tandis que Ciné+ Emotion diffuse actuellement un Cycle Almodóvar, et Canal + propose son dernier film Douleur et Gloire, repassons-nous ses 7 films sélectionnés à Cannes. Seulement sept. "Je me souviens que Pedro Almodovar m'en a longtemps voulu de n'avoir pas sélectionné à Cannes Femmes au bord de la crise de nerfs. Je ne lui donne pas tort" écrivait Gilles Jacob dans Les pas perdus en 2013. Jacob se rattrapera en le nommant membre du jury en 1992.
Mais il aura donc fallu attendre 1999 pour voir le 13e film du cinéaste espagnol à Cannes. Pedro Almodovar fêtait cette année-là ses 50 ans.
Si Cannes n'a pas eu deux de ses chefs d'oeuvres - Femmes au bord de la crise de nerfs et Parle avec elle -, le festival a rarement manqué le rendez-vous avec celui qui deviendra le président du jury en 2017. Le cinéaste espagnol le plus récompensé dans le monde depuis quatre décennies n'est pourtant reparti qu'avec trois trophées : le prix de la mise en scène (Tout sur ma mère), un prix du scénario et un prix d'interprétation féminine collectif (Volver) et un prix d'interprétation masculine (Douleur et gloire l'an dernier). Cela peut sembler injuste, sous-estimé. On gage qu'il aura un jour une Palme d'honneur à défaut d'avoir eu la Palme d'or.
A coup sûr, une Palme d'or n'aurait pas été superflue pour cet immense mélodrame au féminin, qui remportera au cours de l'année Goyas, César, Oscar... Avec Cecilia Roth, Marisa Paredes, Candela Peña, Antonia San Juan, la jeune Penélope Cruz et Toni Cantó, ce récit généreux et tragique, sur le don et la perte, a marqué un virage dans la filmographie du cinéaste, l'emmenant vers des territoires plus mâtures, et des récits plus complexes.
Un film noir par excellence. Almodovar aborde à la fois l'abus sexuel, l'emprise de la religion et les séquelles psychologiques des victimes. Gael García Bernal, Fele Martínez, Daniel Giménez Cacho, Lluís Homar et Javier Cámara composent toutes les nuances de cette passion sombre, où, pour la première fois, les femmes sont complètement absentes.
Cette fois-ci, il revient avec un film choral au féminin, conviant son ancienne muse - Carmen Maura - et sa nouvelle - Penelope Cruz. Avec un sens impeccable de la mise en scène, du cadrage à la lumière, cette histoire de meurtre et de fantômes, de passé et de présent, de secrets et de mensonges, bouleverse de nouveau le public et place le cinéaste au-dessus du lot, une fois de plus.
Entouré de fidèles - Penélope Cruz, Lluís Homar, Blanca Portillo, José Luis Gómez, Lola Dueñas, Rossy de Palma - ce drame aux multiples références cinématographiques (principalement américaines) renvoie aux films d'Almodovar des années 1990, quand il se cherchait entre fiction et autobiographie, entre films noirs et récits obsessionnels. Une quête permanente où il tatonne à l'aveugle, comme son héros.
Sans doute son plus grand film fantastique, à la fois terrifiant et tourmenté, avec le grand retour d'Antonio Banderas devant la caméra de Pedro. Le casting mélange nouvelles têtes et habitués: Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet, Blanca Suárez, Roberto Álamo et Bárbara Lennie. Une fois de plus, Almodovar ne parvient pas à créer un personnage masculin sympathique dans cette histoire d'emprise et d'identité glaçante. Mais le cinéaste relève le défi d'un thriller psychologique de haute volée.
Film plus humble, et dans la lignée de ses récits tragico-romantiques, cette histoire de retour dans le passé, de regrets et de pardon, est porté par des acteurs assez neufs dans l'univers du cinéaste, qui cherche alors, sans doute, à se renouveler: Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Inma Cuesta, Michelle Jenner, Darío Grandinetti et Rossy de Palma. Le réalisateur parvient surtout à prouver qu'il est un expert dans les récits voyageant dans le temps, sans perdre le fil des névroses de ses personnages.
Sans aucun doute, son film le plus personnel, le plus intime, et le plus audacieux. Formellement, avec toutes sortes d'astuces de mise en scène. Narrativement avec des ellipses et des allers retours dans différentes époques. Et bien entendu dans cette réalisation aride où Antonio Banderas, à son meilleur niveau, incarne son double et transmet tout ce qu'il faut d'émotion et de pudeur. Ne négligeons pas la lumière dans cette noirceur: une ode au cinéma, un hommage à sa mère (sublime Penelope Cruz) et un hymne proustien sensuel sur les origines du désir. Enfin cette panne d'inspiration lui permet de filmer les hommes avec un autre regard.
Bonus: 2014 - Les Nouveaux sauvages (compétition) - producteur
Film à sketches argentin sur la rage et la colère qui régissent le monde contemporain, les inégalités et les injustices qui poussent à se révolter quitte à réveiller l'animal en soi, cette comédie noire de Damián Szifron s'avère hilarante sous sa moquerie et assez cynique si on gratte le vernis de ce délire jouissif. Avec El Deseo, Almodovar et son frère Agustin sont des producteurs respectés: ils ont notamment financé les films L'ange (Un certain regard), El Clan (Venise) ou La femme sans tête (en compétition à Cannes).
L'actrice italienne Lucia Bosè, née le 28 janvier 1931 à Milan est morte le 23 mars 2020 en Espagne, première célébrité du cinéma à être victime de la pandémie de coronavirus. Elle avait 89 ans.
Miss Italie en 1947, découverte par Luchino Visconti alors qu'elle était vendeuse de pâtisserie, elle fera ses premiers pas chez Michelangelo Antonioni en 1950 avec Chronique d'un amour (Cronaca di un amore). Elle tourne beaucoup dans ces années 1950, pour Giuseppe De Santis (Pâques sanglantes, Onze heures sonnaient), Antonioni (La Dame sans camélia), Jean-Paul Le Chanois (Le village magique), Juan Antonio Bardem (Mort d'un cycliste), Jean Cocteau (Le testament d'Orphée) et Luis Buñuel (Cela s'appelle l'aurore).
Durant ces années fastes, elle épouse le matador, Luis Miguel Dominguín, un ex d'Ava Gardner, avec qui elle va avoir trois enfants, dont le chanteur et comédien Miguel Bosé (Suspiria, Talons aiguilles, La reine Margot, Gazon Maudit).
Désormais installée en Espagne, elle se met en retrait durant 8 ans. A son divorce, elle retrouve le chemin des plateaux. On la voit ainsi dans Satyricon de Federico Fellini, Metello et Vertiges de Mauro Bolognini, Nathalie Granger de Marguerite Duras, Lumière de Jeanne Moreau, Dans les ténèbres, l'un des premiers films de de Pedro Almodóvar, Chronique d'une mort annoncée de Francesco Rosi ou encore Le Dernier Harem de Ferzan Ozpetek en 1999.
Jouant les personnages issus du théâtre classique ou dans des films considérés alors comme avant-gardistes, elle n'a jamais pu rivaliser avec ses consoeurs italiennes révélées après la seconde guerre mondiale. Sa discrétion, sa beauté et son exigence ont sans doute joué contre elle, trop souvent utilisée comme une créature splendide et éthérée.
C'est un des projets les plus chauds du moment. Competencia Oficial (Compétition officielle en français) va réunir de nouveau Antonio Banderaset Penélope Cruz.
On a vu le duo récemment à l'affiche de Douleur et gloire de Pedro Almodovar, même s'ils n'avaient aucune scène ensemble. Almodovar les avait fait tourner dans Les Amants Passagers, dans une brève séquence d'introduction.
Ce sera donc la première fois où ils auront, ensemble, les deux rôles principaux. Cruz interprétera une cinéaste notoire qui est engagée par un milliardaire pour faire un film mythique. Banderas jouera une star hollywoodienne réputée pour son sex-appeal. Oscar Martinez, vu dans Les Nouveaux sauvages, incarnera un comédien de théâtre, plutôt orienté sur les mises en scène radicales.
Le scénario a été écrit par les réalisateurs et Andrés Duprat. Le tournage doit débuter le 26 février.
C'était assurément une belle soirée pour Pedro Almodovar. Samedi 25 janvier, les Goyas (César espagnols) lui ont fait un beau cadeau avec sept prix pour son film Douleur et Gloire, qui surclasse ainsi les 5 prix pour Lettre à Franco d'Alejandro Amenabar.
Ces 34e Goyas se sont déroulés dans un contexte plus favorable que les années précédentes: la droite n'est plus au pouvoir, le box office est en hausse en 2019, repassant au dessus des 100 millions d'entrées annuelles et réalisant même sa meilleure fréquentation en dix ans. Almodovar en a profité pour lancer: "Le cinéma espagnol est en bonne position, mais il reste de nombreuses zones sombres. Je voudrais dire au président [Pedro Sanchez] que le cinéma d'auteur, indépendant, en dehors de sa place marginale sur les plateformes, est en grave danger d'extinction." Parmi les zones sombres, la part de marché du cinéma espagnol au box office qui est tombée à 15% en 2019.
Douleur et gloire a reçu les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario original, de la meilleure musique originale, du meilleur montage, du meilleur acteur (pour Antonio Banderas) et du meilleur second-rôle féminin (pour Julieta Serrano). Autant dire que ce fut plutôt bonheur et gloire.
Lettre à Franco d'Alejandro Amenabar doit se contenter des prix du meilleur second-rôle masculin (pour Eduard Fernandez), de la meilleur direction de production, des meilleurs décors, des meilleurs costumes et des meilleurs maquillages et coiffures.
Les Goyas ont aussi récompensé des films radicalement différents. La hija de un ladrón de Belén Funes a reçu la récompense du nouveau réalisateur (équivalente à une catégorie de meilleur premier film). Intempériea été doublement primé pour son scénario (adaptation) et sa chanson originale. Viendra le feu, film remarqué à Un certain regard à Cannes, a été distingué à travers Benedicta Sánchez (révélation féminine) et Mauro Herce (image). Une vie secrète est aussi reparti avec deux prix, celui de la meilleure actrice pour Belén Cuesta et celui du meilleur son. La plateformea remporté le prix pour les meilleurs effets spéciaux et Enric Auquer, dans Quien a hierro mata, a récolté le prix de la meilleure révélation masculine.
Buñuel après l'Âge d'or de Salvador Simó a logiquement reçu le Goya du meilleur film d'animation. Ara Malikian, una vida entre las cuerdas de Nata Moreno a été sacré meilleur documentaire.
Les misérables de Ladj Ly a été couronné du Goya du meilleur film européen et La odisea de los giles de Sebastián Borensztein du Goya de la meilleur coproduction hispano-américaine.
Trois courts métrages ont été récompensés: Jus de pastèque d'Irene Moray (fiction), Nuestra vida como niños refugiados en Europa de Silvia Venegas Venegas (documentaire) et Madrid 2120 de José Luís Quirós et Paco Sáez (animation).
Trois Goyas d'honneur ont aussi été décernés: à titre posthume au réalisateur Narciso "Chicho" Ibáñez Serrador, à l'actrice et chanteuse Pepa Flores dite Marisol et à la comédienne "almodovarienne", Marisa Paredes.
Ils étaient 10 il y a quelques semaines, ils ne sont plus que trois. Deux coproductions françaises sauvent l'honneur. Mais cette année, le Parlement européen a retenu trois films très différents. Le lauréat sera révélé le 27 novembre.
Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Strugar Mitevska. Le film nord-macédonien avait reçu le prix du jury œcuménique à la dernière Berlinale.
El reino de Rodrigo Sorogoyen. Le thriller espagnol a récolté 7 Goyas cette année dont meilleur réalisateur, scénario, acteur et second-rôle masculin.
Cold Case Hammarskjöld de Mads Brügger. Le documentaire danois a été récompensé du prix du meilleur réalisateur à Sundance.
Alors que Douleur et Gloire est tours dans le Top 10 du box office français un mois après sa sortie et cumule plus de 700 000 entrées, Tamasa distribution sort cette semaine une rétrospective du maître espagnol Pedro Almodovar.
Cette rétrospective de 19 films - de Pepi Luci Bom et autres filles du quartier à Julieta - .sera nationale avec 3 salles à Paris, notamment le Gaumont Les Fauvettes, et dans les grandes villes (Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, ...) comme dans les moyennes (Angers, Dijon, Grenoble, Metz...).
Ce sera l'occasion de (re) découvrir ses premiers films ou de (re) voir ses moins populaires. Il a fallu attendre 1986 pour découvrir un film d'Almodovar en France (Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?, 86000 entrées) et 1989 avec Femmes au bord de la crise de nerfs pour qu'il connaisse son premier succès (600000 entrées). Cinq de ses films ont attiré plus d'un million de spectateurs: Talons Aiguilles (1992, 1,5M d'entrées), Tout sur ma mère (1999, 2M d'entrées), Parle avec elle (2002, 2,2M d'entrées), La mauvaise éducation (2004, 1,1M d'entrées), Volver (2006, son plus grand succès avec 2,3M d'entrées).
Le cinéaste espagnol Pedro Almodovarva recevoir un Lion d'or d'honneur au 76e Festival du film de Venise (28 août-7 septembre). Cette récompense couronnera l'ensemble de sa carrière. Don Pedro s'est dit à la fois excité et honoré de ce "don". Il se souvient d'avoir fait ses débuts internationaux à la Mostra en 1983 avec Dans les ténèbres. "C'était la première fois qu'un de mes films sortait d'Espagne" explique-t-il. Il est revenu sur le Lido avec son premier grand succès international, Femmes au bord de la crise de nerfs en 1988, qui avait remporté le Prix du meilleur scénario, sa première récompense. "Ce Lion va devenir mon animal domestique, à côtés des deux chats qui m'accompagnent" ajoute le maître espagnol.
Inutile de signaler que Pedro Almodovar est l'un des réalisateurs les plus réputés dans le monde. Parle avec elle lui a valu un Oscar du meilleur scénario (en plus d'une nomination à titre de meilleur réalisateur), Tout sur ma mère a été choisi pour l'Oscar du meilleur film en langue étrang§re. Il a reçu 4 Baftas, un Teddy Award à Berlin, un prix du scénario et un autre de la mise en scène à Cannes (en plus de prix d'interprétation pour les actrices de Volver et pour Antonio Banderas dans Douleur et Gloire), 4 César, 7 European Film Awards, et de nombreux Goyas dans son pays: meilleur film et meilleur scénario original pour Femmes au bord de la crise de nerfs, meilleur film et meilleur réalisateur pour Tout sur ma mère, meilleur film et du meilleur réalisateur pour Volver... Il a également été sacré par un Prix Lumière du Festival éponyme de Lyon il y a 5 ans.
Depuis 40 ans, Pedro Almodovar n'est pas seulement le "cinéaste qui nous a offert les portraits les plus variés, les plus controversés et les plus provocants de l’Espagne post-franquiste" comme l'explique le Festival de Venise, ni "seulement le réalisateur espagnol le plus important et le plus influent depuis Buñuel". "Almodóvar excelle avant tout dans la peinture de portraits féminins d'une originalité incroyable, grâce à une empathie exceptionnelle qui lui permet de représenter leur puissance, leur richesse émotionnelle et leurs faiblesses inévitables avec une authenticité rare et touchante" s'enthousiasme la Mostra.
"Les thèmes de la transgression, du désir et de l’identité sont le terrain de prédilection de ses films, qu’il imprègne d’un humour corrosif et orne d’une splendeur visuelle qui confère un éclat inhabituel au camp esthétique et au pop art auxquels il fait explicitement référence. Le chagrin d'amour, le chagrin d'abandon, les contradictions du désir et les déchirures de la dépression convergent dans des films qui chevauchent le mélodrame et sa parodie, atteignant des pics d'authenticité émotionnelle qui rachètent tout excès formel potentiel" a déclaré Alberto Barbera.
"Les récompenses d'aujourd'hui ne reflèteront que l'opinion de neuf personnes dans le monde" - Alejandro González Iñárritu
C'était impossible en effet de satisfaire tout le monde. la presse a hué le prix pour les Dardenne, modérément apprécié celui pour Emily Beecham. On peut regretter que Almodovar, Sciamma, et surtout Suleiman (qui hérite d'une nouveauté, la mention spéciale, comme si la Palestine n'avait pas vraiment le droit d'exister au Palmarès) soient sous-estimés dans la hiérarchie. Mais on peut aussi se féliciter que deux premiers films de jeunes cinéastes soient primés, contrastant avec la seule grosse erreur du palmarès, le prix de la mise en scène pour les indéboulonnables Dardenne, plutôt que de le donner à Almodovar, Sciamma, Suleiman, Mendonça Filho, Malick ou Tarantino.
Le cinéma français en tout cas repart flamboyant, contrairement à l'année dernière, tandis que le cinéma nord-américain a été snobé. La diversité aussi a été gagnante. Cela fait plaisir de voir une telle variété de cinéastes aux parcours si différents, du Sénégal à la Palestine en passant par le 9-3 et la Corée du sud. C'est réjouissant de voir le cinéma brésilien, que l'actuel de gouvernement menace par des coupes dans le financement, couronné hier à Un certain regard (A lire ici: Tous les prix remis à Cannes) et ce soir par un prix du jury. A travers le double prix du jury pour Les Misérables et Bacurau, présentés le même jour, ce sont ces deux films de résistance et de chaos social et citoyen qui ont été distingués.
Ce fut un grand moment, aussi, de partager le sacre d'un Antonio Banderas, qui a le droit à une ovation pour son plus grand rôle en 40 ans, dédiant sa récompense à son mentor, Pedro Almodovar, qui manque une fois de plus la Palme d'or, mais peut se consoler avec le succès public de son film et les excellentes critiques reçues.
Le jury d'Alejandro González Iñárritu a du faire des choix dans cette sélection "incroyable", avec une mix de "réalisateurs iconiques, des nouvelles voix du monde entier dans différents genres".
Cette diversité des genres, avec des thrillers, des films fantastiques, et souvent un cinéma engagé qui évoque les luttes de classes, a été récompensée. C'est en cela où Parasite, grand film populaire admirablement maîtrisé, parfaite synthèse de ce que le Festival a montré, en insufflant du politique dans le suspens, de l'intelligence dans le divertissement, mérite sa Palme. A l'unanimité. Il pouvait remporter chacun des prix du jury tant le résultat est magistral. Un an après un drame familial social japonais (Une affaire de famille de Kore-eda), c'est un autre drame familial social, mais coréen, qui l'emporte. Comme deux faces d'une même pièce, chacun dans leur style et leur sensibilité.
C'est enfin la première fois que le cinéma sud-coréen remporte la prestigieuse récompense du Festival de Cannes. Il était temps.
Palme d'or:Parasite de Bong Joon-ho (à l'unanimité)
Caméra d'or: Nuestras madres de César Diaz (Prix Sacd à la Semaine de la Critique)
Palme d'or du court-métrage:La distance entre nous et le ciel de Vasilis Kekatos (Queer Palm du court-métrage)
Mention spéciale: Monstre Dieu de Agustina San Martin
Derrière les films de Ken Loach, il y a un autre homme. Paul Laverty, son scénariste. Il revient en compétition à Cannes avec Sorry, We Missed You, leur seizième collaboration en 23 ans. Laverty a déjà été récompensé à Cannes (Sweet Sixteen), Venise et San Sebastian. En plus de quatre nominations aux European Film Awards (et de trois autres aux Goyas espagnols).
Né il y a 62 ans à Calcutta, en Inde, d’un père écossais et d’une mère irlandaise, ce diplômé en philosophie (à Rome) est un globe-trotter. Il parcourt les plus grands festivals avec son acolyte Loach mais il travaille aussi entre Madrid, Londres et Glasgow. Après avoir débuté en tant qu’avocat en Ecosse, il est parti vivre en Amérique centrale, notamment en travaillant pour une ONG des droits de l’Homme, et à Los Angeles. C’est après ces séjours dans les Amériques qu’il rencontre Ken Loach. Son expérience au Nicaragua produira leur première association, avec Carla’s song, film sur la guerre des Sandinistes et ses conséquences. De la même manière, quatre ans plus tard, avec Bread and Roses, il a écrit un film faisant le lien entre ce qu’il a observé dans les faubourgs latinos de L.A. et une histoire sociale loachienne.
Son secret tient en effet dans la connaissance de l’humain. Il a expliqué il y a quelques années : « J'ai longtemps travaillé comme avocat. Quand vous vous rendez dans les tribunaux, vous êtes le témoin privilégié de la vie quotidienne de ces personnages. »
Ce tropisme hispanophone l’a conduit à trouver sa compagne, la réalisatrice Iciar Bollain. Car s’il est très fidèle à Loach dont il a écrit aussi bien ses longs métrages - My Name is Joe, Le vent se lève, Looking for Eric, La part des anges, Moi, Daniel Blake… - que ses courts pour les collectifs avec Olmi et Kiarostami, ou celui sur le 11 septembre 2001, il écrit aussi pour d’autres, à commencer pour son amie. Il a ainsi scénarisé Même la pluie, primé à Berlin et aux Arcs, L’Olivier et le biopic Yuli sur le danseur Carlos Acosta sorti l’an dernier.
Enfin, il s’est essayé au thriller avec Cargo, de Clive Gordon.
Paul Laverty a ce talent de "fictionnaliser" la réalité, de respecter ses personnages jusqu’au bout, et le goût, commun avec Loach, d’aspirer à une société plus juste. Observateur, qu’il écrive une comédie ou un drame, il puise toujours dans ce qu’il voit autour de lui, et souvent dans ce qui l’enrage. Avocat jusqu’au bout. Prêt à plaider des circonstances atténuantes pour tous les misérables.