Situation sanitaire oblige, le 35e festival européen du film court de Brest passe en ligne jusqu'au 15 novembre. Si c'est toujours un crève-coeur de renoncer à une édition physique, avec projections sur grand écran et rencontres autour des oeuvres et de leurs auteur.e.s, on peut malgré tout se réjouir de voir la belle sélection 2020 rendue ainsi accessible à tous !
Pour la découvrir, plusieurs solutions ! Tout d'abord, retrouvez sur Universcine les meilleurs films passés par le Festival ces dernières années, ainsi qu'une sélection du cru 2020. Parmi les films disponibles, on vous recommande chaudement Invisível Herói de Cristèle Alves Meira, La Chanson de Tiphaine Raffier, Le Grand bain de Valérie Leroy ou encore Négative space de Max Porter et Ru Kawahata.
Ensuite, pour découvrir les 38 programmes de la sélection 2020, et notamment les films des 4 compétition (européenne, française, OVNi et Bretagne), rendez-vous sur la plate-forme Film Court. Pour vous aider à faire votre choix parmi l'offre plus que pléthorique, on a repéré quelques films à ne pas manquer.
Dans la compétition européenne, précipitez-vous sur Marée de Manon Coubia dont nous avons déjà eu l'occasion de vous dire le plus grand bien. La réalisatrice, qui renoue pour la troisième fois avec l'univers de la montagne, propose une parabole minimaliste et fulgurante sur la fragilité de l'être humain face aux éléments naturels dont il sous-estime sans cesse la puissance, non pas concrète, mais spirituelle et presque mystique. Une plongée sidérante dans la beauté de ce qui nous échappe, fortement liée aux mystères de la nuit, de la vie et de la mort.
A voir également, Luis de Lorenzo Pallotta, film ténu et minimaliste qui raconte un très court moment, celui où deux frères s'apprêtent à être séparés, probablement pour la première fois. Sans effets spectaculaires, ni contexte surdramatisé, le film s'attache aux corps, aux gestes et aux mouvements de ses protagonistes, filmés dans de lumières douces et chaudes. C'est très abrupt, moins de 8 minutes, et pourtant suffisant pour nous attacher à ce duo fraternel. et nous faire retenir le nom de ce réalisateur à suivre.
Côté compétition française, c'est notamment l'occasion de (re)voir Massacre de Maïté Sonnet, une histoire d'adolescentes qui refusent de quitter leur île natale, dont on a beaucoup parlé en 2019 et Dustin de Naïla Guiguet qui suit le personnage attachant de Dustin, une jeune femme transgenre qui souffre de l'attitude distante de son petit ami (sélectionné à la Semaine de la Critique 2020). Mais le cinéma français brille également dans les autres sections, à commencer par la compétition Bretagne, dans laquelle on retrouve un film qui a déjà pas mal tourné, et à raison, le très mélancolique La Maison (Pas très loin du Donegal) de Claude Le Pape.
Un récit perpétuellement sur le fil, qui raconte comment le personnage principal, interprété avec justesse par Jackie Berroyer, se retrouve inexorablement dépossédé d'une partie de sa vie suite à la mort de l'homme chez qui il vivait. Si Claude Le Pape avait choisi d'en faire une comédie, peut-être cela aurait-il paru appuyé et déjà-vu. Mais toute la réussite du film est de prendre le contre-pied de ce qu'on aurait pu attendre pour osciller sans cesse entre le cocasse presque ridicule (via les longs monologues du personnage qui tente de sauver la situation) et le désespoir feutré qui se dégage de cette maison déjà presque abandonnée, du refus dérisoire de la réalité, et surtout de la présence-absence du défunt dont chacun tente maladroitement de faire le deuil.
Enfin, on aurait envie de conseiller toute la compétition OVNI, qui s'avère de loin la plus passionnante, même si son intitulé la survend quelque peu. Il s'agit en réalité de films à la facture moins classique, qui tentent d'adopter un ton décalé ou expérimentent formellement. Il faut absolument voir Muistatko de Iona Roisin dans lequel un chanteur déchiffre "Muistatko Monrepos", air finlandais très connu, sans parler le Finois. S'ensuit une réflexion sur ce que l'on peut appréhender, ressentir et recevoir d'un texte que l'on ne comprend pas. En parallèle, la réalisatrice interroge la notion même de film, puisqu'aucune image n'apparaît à l'écran, mais juste une succession de phrases sur fond noir.
A voir également, Supereroi senza superpoteri de Beatrice Baldacci, un essai intime qui explore, à travers des images d'archives familiales brouillées, les souvenirs de la réalisatrice sur sa jeunesse, et notamment sur sa relation avec sa mère. L'effet de la VHS qui saute d'une scène à l'autre, quand elle ne les mélange pas, et génère des parasites à l'écran, donne métaphoriquement à voir cette mémoire défaillante, fragile et vacillante, qui veut tout à la fois se souvenir et oublier.
Pour finir, on ne saurait trop vous conseiller de flâner dans le reste de la sélection, qui recèle beaucoup de belles choses, et notamment un panorama du cinéma d'animation, des programmes jeune public et même quelques séances à découvrir gratuitement, comme les courts solidaires. De quoi occuper avec bonheur les longues soirées du confinement.